Saint François de Sales et le purgatoire
Saint
François de Sales, docteur de l'Église, recommandait souvent et à
beaucoup de personnes, la lecture du Traité du purgatoire de sainte
Catherine de Gènes.
Il
expliquait que « dans cette seule œuvre de miséricorde envers les âmes
du purgatoire sont renfermées les treize autres œuvres de la miséricorde
corporelle ou spirituelle. »
Nous
pouvons obtenir les plus grandes grâces de Dieu par le moyen des œuvres
de miséricorde. C'est la parole infaillible du Sauveur :
«
Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. On
vous donnera la même mesure que vous aurez donnée aux autres. »
Dieu
vient en aide aux miséricordieux dans tous leurs besoins. Le
Saint-Esprit, par Isaïe, leur promet cette récompense quand il dit : «
Si tu ouvres ton cœur à ceux qui ont faim et que tu soulages une âme
affligée, ta lumière rayonnera dans les ténèbres et ton obscurité
deviendra comme un plein jour» (Isaïe 58, 10). Ce qui veut dire
: lorsque l'homme miséricordieux tombe dans la détresse et les
souffrances, et que nulle part n'apparaît un rayon de lumière ou
d'espérance, c'est alors que Dieu le visite et le console ; les ténèbres
de son affliction se changent subitement en lumière de bonheur et en
clarté de plein midi.
Saint
Thomas d'Aquin enseigne que la miséricorde envers les fidèles trépassés
est plus agréable à Dieu que celle qui est exercée envers les vivants.
Saint François de Sales dit :
« Dans cette seule œuvre de miséricorde envers les âmes du purgatoire
sont renfermées les treize autres œuvres de la miséricorde corporelle ou
spirituelle. » Un grand théologien, saint Robert Bellarmin,
prêcha publiquement que celui qui intercède pour les âmes du purgatoire
et leur fait du bien, accomplit une plus grande œuvre que s'il faisait
les plus riches largesses à un pauvre de ce monde.
Le
divin Sauveur dit un jour à la vénérable Marie Lataste : « Tu ne
saurais rien faire de plus agréable à Dieu que de venir au secours de
ces âmes. »
CHAPITRE II DU PURGATOIRE
AVANT-PROPOS
L’Église
Catholique a été accusée en notre temps de superstition en la prière
qu’elle fait pour les fidèles trépassés, d’autant qu’en cela, elle
suppose deux vérités que l’on prétend ne pas être, à savoir, que les
trépassés soient en peine et indigence, et qu’on les puisse secourir. Or
les trépassés, ou ils sont damnés ou ils sont sauvés ; les damnés sont
en peine, mais irrémédiable, et les sauvés sont comblés de tout plaisir ;
de sorte qu'aux uns manque l’indigence, et aux autres le moyen de
recevoir secours, et par ce n’y a lieu de prier Dieu pour les trépassés.
Voilà
le sommaire de l’accusation. Mais certes, il doit suffire à tout le
monde pour faire juste jugement sur cette accusation, que les
accusateurs étaient des personnes particulières et l’accusé était le
corde l’Église universelle : et néanmoins, parce que l’humeur de notre
siècle a porté de soumettre au contrôle et censure de chacun toute
chose, tant sacrées, religieuses et authentiques puissent-elles être,
plusieurs personnes d’honneur et de marque ont pris le droit de l’Église
en main pour la défendre ; estimant ne pouvoir mieux employer leur
piété et savoir, qu’à la défense de celle-là par les mains de laquelle
ils avaient reçu leur bien spirituel, le baptême, la doctrine chrétienne
et les Écritures mêmes. Leurs raisons sont si prenantes que si elles
étaient bien balancées et contrepesées à celle des accusateurs, on
connaîtrait incontinent leur bon calibre, mais quoi ? On a porté
sentence sans ouïr partie. N’avons-nous pas raison , tous tant que nous
sommes de domestiques et bons enfants de l’Église, de nous porter pour
appelants et nous plaindre de la partialité des juges, laissant de côté
pour le moment, leur incompétence ? Donc nous appelons des juges non
instruits à eux-mêmes instruits, et des jugements faits partie non ouïe,
à des jugements partie ouïe, suppliant tous ceux qui voudront juger sur
ce différent, de considérer nos allégations et probations d’autant plus
attentivement, qu’il s’agit non de la condamnation de la partie
accusée, qui ne peut être condamnée par ses inférieurs, mais de la
damnation ou du salut de ceux mêmes qui en jugeront.
ARTICLE PREMIER
DU NOM DE PURGATOIRE
Nous
soutenons donc que l’on peut prier pour les fidèles trépassés, et que
les prières et bonnes actions des vivants les soulagent beaucoup, et
leur sont profitables ; parce que tous ceux qui meurent en la grâce de
Dieu, et par conséquent du nombre des élus, ne vont pas tous du premier
abord en Paradis, mais plusieurs vont au Purgatoire où ils souffrent une
peine temporelle, à la délivrance de laquelle nos prières et bonnes
actions peuvent aider et servir. Et voici le gros de notre difficulté.
Nous sommes d’accord que le Sang de notre Rédempteur est le vrai
purgatoire des âmes, car en celui-ci sont nettoyées toutes les âmes du
monde ; dont saint Paul parle aux hébreux " purgationem peccatorum
facientem : les tribulations aussi sont certains purgatoires, par
lesquelles nos âmes sont rendues pures, comme l’or est affiné en la
fournaise. La pénitence et contrition est encore un certain purgatoire,
dont David dit au psaume 50 " asperges me Domine, hyssopo et mundabor :
on sait bien aussi que le baptême par lequel nos péchés sont lavés, peut
être appelé purgatoire, et tout ce qui sert à la purgation de nos
offenses. Mais ici, nous appelons Purgatoire, un lieu dans lequel, après
cette vie, les âmes qui partent de ce monde avant d’être complètement
purifiées des souillures qu’elles ont contractées, ne pouvant rien
entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrêtées pour y être
nettoyées et purifiées. Que si l’on veut savoir pourquoi ce lieu est
plutôt simplement appelé Purgatoire que les autres moyens de purgation
rappelés ci-dessus, on répondra que c’est parce qu’en ce lieu-là, on n’y
fait autre que la purgation des tâches qui sont restées au partir de ce
monde, et qu’au baptême, pénitence, tribulations et autres, non
seulement l’âme s’épure de ses imperfections, mais s’enrichit encore de
plusieurs grâces et perfections ; qui a fait laisser le nom de
Purgatoire à ce lieu de l’autre siècle, lequel, à proprement parler,
n’est autre que pour la purification des âmes. Et quant au Sang de
Notre-Seigneur, nous reconnaissons tellement la vertu de celui-ci, que
nous protestons par toutes nos prières que la purgation des âmes, soit
en ce monde, soit en l’autre, ne se fait que par son application ; plus
jaloux de l’honneur dû à cette précieuse médecine que ceux qui, pour la
priser en méprisent le saint usage. Donc par le Purgatoire, nous
entendons un lieu où les âmes, pour un temps, sont purgées des tâches et
imperfections qu’elles emportent de cette vie mortelle.
ARTICLE II
DE CEUX QUI ONT NIE LE PURGATOIRE, ET DES MOYENS DE LE
PROUVER
Ce
n’est pas une opinion reçue à la volée que l’article du Purgatoire : il
y a longtemps que l’Église a soutenu cette créance envers tous et
contre tous. Et il semble que le premier à l’avoir combattu semble
l’hérétique Arius, ainsi qu’en témoignent saint Augustin, saint Épiphane
et Socrates. Après vinrent certaines gens qui s’appelaient Apostoliques
du temps de saint Bernard, puis les Pétrobusiens, il y a environ 500
ans qui niaient encore ce même article, comme écrit saint Bernard, et
Pierre de Cluny. Cette même opinion des Pétrobusiens fut suivie par les
Vaudois, en l’année 1170, et quelques grecs furent soupçonnés en cet
endroit, de quoi ils se justifièrent au Concile de Florence, et en leur
apologie présentée au Concile de Bâle.
Enfin,
Luther, Zwingli, Calvin et ceux de leur parti ont tout nié du
Purgatoire, car bien que Luther, in Disputatione Lipsica, dit qu’il
croyait fermement qu’il y avait un Purgatoire, si ce n’est qu ‘après il
s’en dédit dans le livre De abroganda missa privata. Enfin, c’est
l’ordinaire de toutes les factions de notre âge de se moquer du
Purgatoire, et mépriser les prières pour les trépassés, mais l’Église
Catholique s’est opposée vivement à ces derniers, avec l’Ecriture Sainte
en main, de laquelle nos prédécesseurs ont tiré plusieurs belles
raisons.
Car
elle a prouvé que les aumônes, prières, et autres saintes actions
pouvaient soulager les trépassés; donc, il s’ensuit qu’il y a un
Purgatoire, car ceux de l’Enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs
peines; en Paradis, tout bien y étant, nous ne pouvons rien apporter
pour ceux qui y sont déjà. C’est donc pour ceux qui sont dans un
troisième lieu que nous appelons Purgatoire.
Elle
a prouvé qu’en l’autre monde, quelques défunts étaient délivrés de
leurs peines et péchés; ce qui ne pouvait se faire ni en Enfer, ni en
Paradis, il s’ensuit qu’il y a un Purgatoire.
Elle a prouvé que plusieurs âmes avant d’arriver en Paradis passaient par un lieu de peine, qui ne peut être que le Purgatoire.
Prouvant
que des âmes sous terre rendaient honneur et révérence à
Notre-Seigneur, elle a prouvé l’existence du Purgatoire, puisque cela ne
se peu penser des pauvres misérables qui sont en Enfer.
Par
plusieurs autres passages, avec diversité de conséquences toutes
néanmoins bien à propos, en quoi l’on doit d’autant plus déférer à nos
Docteurs, que les passages qu’ils allèguent maintenant on été apportés à
ce propos par ces grands anciens Pères, sans que pour défendre cet
article, nous soyons allés forger de nouvelles interprétations, ce qui
montre assez la candeur avec laquelle nous cheminons en besogne, là où
nos accusateurs tirent des conséquences de l’Écriture qui n’ont jamais
été pensées auparavant, ainsi sont mises tant de frais en œuvre pour
combattre l’Église.
Or,
nos raisons seront en cet ordre : 1. Nous cotterons les passages de
l’Écriture, puis des Conciles en 2., en 3. Des Pères anciens; en 4. De
toutes sortes d’auteurs, après quoi nous amènerons les arguments de
partie contraire, lesquels nous montrerons ne pas être de mise; ainsi
nous conclurons pour la créance de l’Église. Restera que le lecteur
laisse à part sa propre passion, pense attentivement au mérite de nos
probations, et se jette aux pieds de la Divine Bonté, criant en toute
humilité avec David " da mihi intellectum et scrutabor legem tuam, et
custodiam illam in toto corde meo ", et alors, je ne doute point qu’il
ne revienne dans le giron de sa grande Mère, l’Église Catholique.
ARTICLE III
DE QUELQUES PASSAGES DE L’ÉCRITURE DANS LESQUELS IL AIT PARLE DE PURGATION APRÈS CETTE VIE
Ce
premier argument est invincible : il y a un temps et un lieu de
purgation pour les âmes après cette vie mortelle; donc il y a un
Purgatoire, puisque l’Enfer ne peut apporter aucune purgation, et le
Paradis ne peut recevoir aucune chose qui ait besoin de purgation. Or
qu’il y ait un lieu et un temps de purgation après cette vie, voici de
quoi:
Au
psaume 65. Ce lieu est apporté en preuve du Purgatoire par Origène,
humilia 25 in numéros, et par saint Ambroise sur le psaume 36, et au
sermon 3 sur le psaume 118, où il expose par l’eau, le baptême, et par
le feu, le Purgatoire.
En
Isaïe au chap 4 : " purgavit Dominus etc… ". cette purgation faite en
esprit de jugement et de brûlement est entendue de Purgatoire par saint
Augustin in " la cité de Dieu, Chap. 25 ". Et de fait, les paroles
précédentes favorisent cette interprétation, dans lesquelles il ait
parlé du salut des hommes, et puis à la fin du chapitre, où il est parlé
du repos des heureux, dont ce qui est dit : " purgavit Dominus sordes
", se doit entendre de la purgation nécessaire pour ce salut. Et parce
que cette purgation est dite se devoir faire en esprit et de brûlement,
elle ne peut s’interpréter bonnement que du Purgatoire et du feu de
celui-ci.
En
Michee, au chap. 7 " ne laetaris, inimica mea, super me quia cecidi.
Consurgam cum sedero in tenebris, etc… ". ce lieu était déjà en train de
prouver l’existence du Purgatoire parmi les catholiques du temps de
Saint Jérôme, ainsi que le même saint Jérôme témoigne sur le dernier
chapitre d’Isaïe.
En
Zacharie 9 : " tu autem in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos
tuos de lacu in quo non est aqua ". Le lac duquel sont tirés ces
prisonniers n’est que le Purgatoire, duquel Notre-Seigneur les délivre.
ARTICLE IV
D’UN AUTRE PASSAGE DU NOUVEAU TESTAMENT SUR CE SUJET
En
la première des Corinthiens : " Dies Domini declarabit quia in igne
revelabitur, etc… ". on a toujours tenu ce passage-ci pour l’un des plus
illustres et difficiles de toute l’Ecriture. Or, en celui-ci, comme il
est aisé de voir à qui regarde de près tout le chapitre, l’Apôtre use de
deux similitudes : la première est d’un architecte qui fonde une maison
précieuse et de matière solide sur un roc, la seconde est de celui qui
sur un même fondement dresse une maison d’ais, de cannes et de chaume.
Imaginons maintenant que le feu se déclare en l’une d’elles;celle qui
est en matière solide sera hors de danger, mais l’autre sera réduite en
cendres; que si l’architecte est dans la première, il sera sain et sauf;
s’il est dans la seconde, s’il veut s’échapper, il lui faudra passer à
travers le feu et la flamme, et se sauvera tellement, qu’il portera les
marques d’avoir été au feu.
Le
fondement en cette similitude est Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont
saint Paul dit " ego plantavi ", et " ego ut sapiens architectures
fundamentum posui , et puis après " fundamentum enim aliud nemo ponere
etc… ". les architectes sont les docteurs et prédicateurs de l’Évangile ;
comme l’on peut connaître considérant attentivement les paroles de tout
ce chapitre, et comme l’interprètent saint Ambroise et Sédule sue ce
lieu. Le jour du seigneur dont il est parlé s’entend comme le jour du
jugement, lequel en l’Écriture Sainte a coutume d’être appelé jour du
Seigneur. Car c’est à cette journée-là que se déclareront toutes les
actions du Monde; enfin quand l’Apôtre dit " quia in igne revelatur ",
il montre assez qu’il s’agit du jour du Jugement. Le feu par lequel
l’architecte se sauve ne peut s’entendre que du feu du Purgatoire, car
quand l’Apôtre dit qu’il se sauvera par le feu, et qu’il parle seulement
de celui qui a édifié sur du bois, la canne, le chaume, il montre ne
parler que du feu qui précèdera le jour du jugement, puisque par
celui-ci, passeront non seulement ceux qui auront bâti sur des matières
légères, ou encore sur de l’or, l’argent, etc… Toute cette
interprétation, outre qu’elle s’apparente très bien avec le texte, est
encore très authentique pour avoir été suivie par les anciens Pères,
saint Cyprien, saint Jérôme ou encore saint Ambroise.
On
dira qu‘en cette interprétation, il y a de l’équivoque et du malsain,
en ce que le feu dont il est parlé est pris pour le feu du Purgatoire,
pour celui qui précèdera le jour du Jugement. On répond que c’est une
élégante façon de parler par la confrontation des deux feux, car voici
le sens de la sentence : le jour du Seigneur sera éclairé par le feu qui
le précèdera, et comme ce jour-là sera éclairé par le feu, ainsi ce
même jour par le Jugement éclaircira le mérite et le défaut de chaque
œuvre; et comme chaque œuvre sera éclaircie, ainsi les ouvriers qui
auront œuvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire.
Mais outre cela, quand nous dirons que saint Paul use diversement d’un
même mot en un même passage et ce ne serait pas chose nouvelle, car il
en use de pareille manière en d’autres lieux, mais qu’il en use si
proprement que cela sert d’ornements à son langage, comme en l’épître 2
aux Corinthiens, là où qui ne voit que " peccatum " pour la première
fois se prend à proprement parler pour l’iniquité, et la seconde fois au
figuré, pour celui qui porte la peine du péché ?
On
dira encore qu’il n’est pas dit qu’il sera sauvé par le feu, mais comme
par le feu, et que partant, on ne peut pas conclure le feu du
Purgatoire en vérité. Je réponds qu’il y a de la similitude en ce
passage, car l’Apôtre veut dire que celui dont les œuvres ne sont pas du
tout solides, sera sauvé comme l’architecte qui s’échappe du feu ne
laissant pas pour cela de passer par le feu, mais un feu d’autre calibre
que n’est le feu qui brûle en ce monde. Il suffit que de ce passage, on
conclut ouvertement, que plusieurs qui prendront possession du Royaume
du Paradis passeront par le feu : or, ce ne sera pas le feu d’Enfer, ni
le feu qui précèdera le jugement; ce sera donc le feu du Purgatoire. Le
passage est difficile et malaisé, mais bien considéré, il nous fait une
conclusion manifeste pour notre prétention.
Et voilà quant aux lieux par lesquels on peut remarquer qu’après cette vie, il y a un temps et un lieu de purgation.
ARTICLE V
DE QUELQUES AUTRES LIEUX PAR LESQUELS LA PRIÈRE, L’AUMÔNE, ET LES SAINTES ACTIONS POUR LES TRÉPASSES SONT AUTORISÉES
Le 2ème argument
que nous tirons de la sainte parole pour le Purgatoire est tiré du
chap. 12 des Macchabées, là où la Sainte Écriture rapporte que Judas
Macchabée envoya à Jérusalem 12.000 drachmes d’argent pour faire des
sacrifices pour les morts et après elle ajoute " sancta ergo et salubris
est cogitatio pro defunctis exorare, etc… "; car voici notre discours :
c’est chose sainte et profitable de prier pour les morts afin qu’ils
soient délivrés de leurs péchés, donc après la mort, il y a encore un
temps et un lieu pour la rémission des péchés; or, ce lieu ne peut être
ni le Paradis, ni l’Enfer; donc, il s’agit bien du Purgatoire.
Cet
argument est si bien fait, que pour y répondre nos adversaires nient
l’autorité du Livre des Macchabées et le tiennent pour apocryphe. Mais à
la vérité, ce n’est que faute d’autre réponse; car ce Livre a été tenu
pour authentique et sacré par le Concile de Carthage au canon 47, et par
Innocent, et par Saint Augustin, ainsi que plusieurs autres Pères. De
sorte que vouloir nier l’autorité du Livre, c’est nier l’autorité de
l’antiquité. On sait bien tout ce qu’on apporte pour le prétexte de
cette négation, qui ne fait pour la plupart que montrer la difficulté
qui réside dans les Écritures, mais non leur fausseté. Seulement, il me
semble nécessaire de répondre à une ou deux objections qu’ils font.
La
première, c’est qu’ils disent la prière avoir été faite pour montrer la
bonne affection qu’ils avaient à l’égard des défunts, non pas qu’ils
pensent que les défunts en aient besoin; ce que l’Écriture contredit par
les paroles " ut a peccatis solvantur ".
Ils
objectent que c’est une erreur manifeste de prier pour la résurrection
des morts avant le jugement, car c’est présupposer ou que les âmes
ressuscitent et par conséquent meurent, ou que les corps ne ressuscitent
pas si ce n’est par l’entremise des prières et bonnes actions des
vivants, qui serait contre l’article du Credo " credo resurrectionem
mortuorum ". Or, que ces erreurs soient présupposées en ce lieu des
Macchabées, il apparaît par ces paroles " nisi enim eos qui ceciderant
resurrecturos speraret , etc… "; on répond que c’est en cet endroit
qu’ils ne prient pas pour la résurrection ni de l’âme, ni du corps, mais
seulement pour la délivrance des âmes ; en quoi, ils présupposent
l’immortalité de l’âme, car s’ils eussent cru que l’âme fut morte avec
le corps, ils n’eussent point pris de soin de leur délivrance; et parce
que parmi les juifs, la croyance de l’immortalité de l’âme et de la
résurrection des corps étaient tellement jointes ensembles que qui niait
l’une, niait l’autre. Pour montrer que Judas Macchabée croyait en
l’immortalité de l’âme, il dit qu’il croyait à la résurrection des corps
: voici comment l’Apôtre prouve l’immortalité de l’âme par la
résurrection des corps; il y a au chap.1 des Corinthiens " quid mihi
prodest si mortui non resurgunt ? Etc… " or, il ne s’ensuivrait
aucunement qu’il fallut s’abandonner ainsi, encore qu’il n’y eut point
de résurrection, car l’âme qui demeurerait en cette souffrance,
souffrirait la peine due aux péchés, et recevrait des vertus; saint Paul
donc en cet endroit nous montre la résurrection des morts pour
l’immortalité de l’âme, parce que de ce temps-là, qui croyait l’un,
croyait l’autre.
Il
n’y a donc point lieu de refuser le témoignage des Macchabées en preuve
d’une juste croyance; que si à tout rompre, nous le voulons prendre
comme témoignage d’un simple mais grave historiographe, ce qu’on ne peut
nous refuser au moins faudra t-il confesser que l’ancienne synagogue
croyait au Purgatoire, puisque toute cette armée-là fut si prompte à
prier pour les défunts. Et à la vérité, nous avons les marques de cette
dévotion en d’autres passages de l’Écriture, qui nous doit faciliter la
réception de celui que nous venons d’alléguer; en Tobie au chap.4 "
panem tuum et vinum tuum super sepulturam justi constitui et noli ex eo
manducare et bibere cum peccatoribus "; certes ce vin et ce pain ne se
mettaient pour autre sur la sépulture sinon pour les pauvres, afin que
l’âme du défunt en fut aidée, comme disent communément les interprètes
sur ce passage. Peut-être qu’ils diront que ce Livre est apocryphe, mais
toute l’Antiquité l’a toujours tenu en crédit; et pour vrai, la coutume
de mettre la viande pour les pauvres en sépultures est très ancienne,
même en l’Église catholique car saint Chrysostome qui vivait il y a plus
de 1.200 ans en l’homélie 32 sur le chap.9 de saint Mathieu, en parle
de cette façon : " cur post mortem tuorum pauperes convocas ? Etc… "
Mais que penserions-nous des jeûnes et austérités que pratiquaient les
anciens après la mort de leurs amis ? Ceux de Jabes Galaad, après la
mort de Saül jeûnèrent 7 jours, autant en firent David, Jonathan et ceux
de sa suite. On ne pourrait penser que ce ne fut pour secourir les âmes
des défunts, car à quel autre propos peut -on rapporter le jeûne de 7
jours ? Aussi David jeûna et pria pour son fils malade, lequel étant
mort, parce qu’il mourrait enfant et innocent n’avait besoin d’aide, et
partant il cessa de jeûner. Bède, il y a plus de 700 ans, interpréta
ainsi la fin du 1er Livre des Rois. De sorte qu’en l’ancienne
Église, la coutume était déjà entre les saintes personnes d’aider par
les prières et saintes actions les âmes des trépassés, qui suppose
clairement la foi d’un Purgatoire.
Et
c’est de cette coutume que parle tout ouvertement saint Paul dans le
chap.1 des Corinthiens, l’alléguant comme louable et bonne. Ce lieu
montre bien entendu très clairement la coutume de la primitive Église de
jeûner, prier, veiller pour les âmes des trépassés: car, premièrement,
dans ces Écritures, être baptisé se prend fort souvent pour les
afflictions et pénitences, comme en saint Luc au chap.12, ou
Notre-Seigneur appelle baptême ses peines et afflictions. Voici donc le
sens de cette écriture : si les morts ne ressuscitent point pourquoi se
met-on en peine en priant et jeûnant pour les morts ? Et aussi cette
sentence de saint Paul ressemble à celle des Macchabées : "superflum est
et vanum orare pro mortuis , si mortui non resurgunt ". Qu’on me tourne
ce texte dans tous les sens , en autant d’interprétations que l’on
voudra, qu’il n’y en aura pas une qui joigne bien à la Sainte Lettre que
celle-ci. Ni ne faudrait dire que le baptême dont parle saint Paul
serait seulement un baptême de tristesses et de larmes, non de jeûnes
prières et autres actions, car avec cette intelligence sa conclusion
serait très mauvaise : il veut conclure que si les morts ne ressuscitent
point, et si l’âme est mortelle, qu’en vain l’on s’afflige pour les
morts; mais, je vous prie, n’aurait-on pas plus de tristesse pour la
mort des amis s’ils ne ressuscitent point, perdant toute espérance de
jamais les revoir, que s’ils ressuscitent ? Il entend donc des
afflictions volontaires que l’on faisait pour impétrer le repos des
morts, lesquels on pratiquerait sans doute en vain si les âmes étaient
mortelles, ou que les morts ne ressuscitaient pas; en quoi, il faut se
souvenir de ce qui a été dit plus haut, que l’article de la résurrection
des morts et celui de l’immortalité de l’âme étaient connexes, que
celui qui confessait l’un, confessait l’autre. Il apparaît donc par ces
paroles de saint Paul que la prière, jeûne et autres saintes
afflictions, se faisaient louablement pour les défunts; or, ce n’étaient
pas pour ceux du Paradis qui n’en avaient besoin, ni pour ceux de
l’Enfer qui n’en pouvaient recevoir le fruit; c’était donc pour ceux du
Purgatoire; ainsi l’a exposé saint Ephrem et les Pères qui ont débattu
avec les Pétrobusiens.
Autant
on peut en déduire de ce que disait le bon Larron à Notre-Seigneur "
mémento mei dum veneris in regnum tu "; car pourquoi se serait-il
recommandé, lui qui allait mourir, s’il n’avait cru que les âmes après
la mort pouvaient être secourues et aidées ? Saint Augustin tire de ce
passage que quelques péchés sont pardonnés en l’autre monde.
ARTICLE VI
DE QUELQUES LIEUX DE L’ÉCRITURE PAR LESQUELS IL EST PROUVE QUE QUELQUES PÉCHÉS PEUVENT ÊTRE PARDONNES EN L’AUTRE MONDE
Il
y a quelques péchés qui peuvent être pardonnés en l’autre monde; ce
n’est ni en Enfer, ni au Ciel, c’est donc au Purgatoire. Or, qu’il y ait
des péchés qui se pardonnent en l’autre monde, nous le prouvons
premièrement, par le passage de saint Matthieu au chap.12, ou
Notre-Seigneur dit qu’il y a un péché qui ne peut être pardonné ni en ce
siècle ni en l’autre; donc, il y a des péchés qui peuvent être remis en
l’autre siècle, car s’il n’y avait point de péchés qui peuvent être
remis en l’autre siècle, il n’était pas nécessaire d’attribuer cette
propriété à une sorte de péché de ne pouvoir être remis en l’autre
siècle, ainsi suffisait-il de dire qu’il ne pouvait être remis en ce
monde. Certes, quand Notre-Seigneur eut dit à Pilate, " regnum meum non
est de hoc mundo ", Pilate fit cette conclusion " es-tu Roi ? " ,
laquelle fut trouvée bonne par Notre-Seigneur qui y consentit; ainsi
quand il dit qu’il y a un péché qui ne peut être pardonné en l’autre
siècle, il s’ensuit très bien donc qu’il y en a d’autres qui peuvent
être pardonnés. Ils voudront dire que ces paroles ne veulent dire autre
chose, sinon in aeternam, ou nunquam. Cela va bien mais notre raison ne
perd rien de sa fermeté pour cela: car ou saint Mathieu a bien exprimé
l’intention de Notre-Seigneur, ou non. On n’oserait dire que non, et
s’il l’a bien exprimée, il s’ensuit toujours qu’il y a des péchés qui
peuvent être remis en l’autre siècle, puisque Notre-Seigneur a dit qu’il
y en a un qui ne pouvait l’être. Mais de grâce si saint Pierre avait
dit " non lavabis mihi pedes in hoc saeculo ne que in alio ",
n’aurait-il pas parlé faussement, puisqu’en l’autre monde, ils ne
peuvent être lavés ? Aussi, dit-il in aeternam. Il ne faut donc pas
croire que saint Mathieu eut exprimé l’intention de Notre-Seigneur par
les paroles précitées, si en l’autre monde, il ne peut y avoir de
rémission. On se moquerait de celui qui dirait, je ne me marierai ni en
ce monde, ni en l’autre, comme s’il entendait qu’en l’autre monde l’on
peut se marier. Qui dit donc d’un péché ne peut se remettre ni en ce
siècle, ni en l’autre, présuppose qu’on puisse avoir rémission de
quelques péchés en ce monde, et en l’autre également. Je sais bien que
nos adversaires essaient par diverses interprétations de parer à ce
coup-là, mais il est si bien porté qu’ils ne peuvent s’échapper. Et de
vrai, il vaut bien mieux avec les Pères entendre correctement, et avec
toute la révérence que l’on peut, les paroles de Notre-Seigneur Jésus
Christ, que pour fonder une nouvelle doctrine les rendre grossières et
mal agencées. Tous les saints qui ont écrit contre les Pétrobusiens, se
sont servis de ce passage avec notre intention, avec tant d’assurance
que saint Bernard pour déclarer cette vérité n’en apporte point d’autre,
tant il fait état de celui-ci.
En
saint Mathieu et en saint Luc, " esto consentiens adversario tuo cito,
dum es eum eo in via, etc… ". Origène, saint Cyprien, saint Ambroise,
saint Jérôme disent que le chemin dont il est parlé, n’est autre que le
passage de cette vie. L’adversaire sera notre propre conscience, qui
combat toujours contre nous et pour nous, c’est à dire qu’il résiste
toujours à nos mauvaises inclinations et à notre vieil Adam pour notre
Salut comme l’exposent les saints que j’ai évoqués. Le juge est sans
doute Notre-Seigneur. La prison pareillement, l’Enfer ou le lieu des
peines de l’autre monde auquel comme en une grande geôle, il y a
plusieurs demeures, l’une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour
les criminels, l’autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire. Le
quatrain dont il est dit " non exies inde donec reddas novissimum
quadrantem, sont les petits péchés et d’infirmité, comme le quatrain est
la moindre monnaie que l’on peut devoir. Maintenant, considérons un peu
où se doit faire cette reddition dont parle Notre-Seigneur. Et
1èrement, nous trouvons des très anciens Pères qui ont dit que c’était
en Purgatoire. Quand il est dit " donec solvas ultimum quadrantem ",
n’est-il pas présupposé que l’on puisse payer, et qu’on puisse tellement
diminuer la dette qu’il n’en reste plus que le dernier liard ? Que si,
comme il est dit au psaume " sede a dextris meis donec ponam inimicos
tuos, etc… ", il s’ensuit très bien " ergo aliquante ponet inimicos
scabellum pedum ", ainsi disant " non exies inde donec radas ", il
montre que " aliquando reddet vel reddere potest "; qui ne voit qu’en
saint Luc, la comparaison est tirée non d’un homicide, ou de quelque
criminel qui ne peut avoir espérance de son salut, mais d’un débiteur
qui est mis en prison jusqu‘au paiement, lequel étant fait, incontinent,
il est mis dehors ? Voici donc l’intention de Notre-Seigneur : que
pendant que nous sommes en ce monde, nous tâchions par la pénitence et
ses fruits de payer selon la puissance que nous en avons par le Sang du
Rédempteur, la peine à laquelle nos péchés nous ont obligés; puisque si
nous attendons la mort, nous n’en aurons pas si bon compte au
Purgatoire, où nous serons traité à la rigueur;
Tout
ceci semble avoir été dit par Notre-Seigneur, même en saint Mathieu au
chap.5. Dans celui-ci, il s’agit de la peine que l’on doit recevoir par
le jugement de Dieu, comme il apparaît dans ces paroles " reus erit
gehennae ignis "; et néanmoins, il n’y a que la troisième sorte
d’offense qui soit punie par l’Enfer; donc au jugement de Dieu, après
cette vie, il y a des autres peines qui ne sont pas éternelles, ni
infernales; ce sont les peines du Purgatoire. On peut dire que ces
peines se souffriront en ce monde, mais saint Augustin et les autres
Pères l’entendent pour l’autre monde. Et puis ne peut-il pas se faire
qu’un homme meurt sur la première ou seconde offense de laquelle, il est
parlé ici et là, ou paiera-t-il les peines dues à son offense ? Ou si
vous voulez qu’il ne les paie point, quel lieu lui donnerez-vous pour sa
retraite après ce monde ? Vous ne lui donnerez pas l’Enfer, à moins de
vouloir ajouter à la sentence de Notre-Seigneur, qui ne donnent l’Enfer
qu’à ceux qui auront commis la troisième offense ; le loger en Paradis,
vous ne le devez faire, parce que la nature de ce lieu céleste rejette
toute sorte d’imperfection; n’alléguez pas ici la miséricorde du juge
car il déclare en cet endroit vouloir user encore de justice : faites
donc comme les anciens Pères, et dites qu’il y a un lieu où elles seront
purgées , puis s’en iront en Paradis.
En
saint Luc au chap.16, il est écrit " facite vobis amicos de mammona
iniquitatis, ut cum defeceritis recipiant vos in aeternam tabernacula
defaillir ", qu’est-ce autre que mourir ? Et les amis, que sont-ils
d’autre que les saints ? Les exégètes l’entendent tous ainsi. Il
s’ensuit deux choses : que les saints peuvent aider les trépassés et que
les trépassés peuvent être aidés des saints; car à quel autre propos,
peut-on entendre ces paroles " facite amis qui recipiant ? "; il ne peut
s’entendre de l’aumône, car souvent l’aumône est bonne et sainte, et
toutefois ne nous acquiert pas des amis qui puissent nous recevoir en "
d’éternels tabernacles ", comme quand elle est faite à des personnes
mauvaises avec droite et sainte intention. Ainsi, est exposé ce passage
par saint Ambroise, et par saint Augustin, au chap.27 de la Cité de
Dieu, mais la parabole dont use Notre-Seigneur est trop claire pour nous
laisser douter de cette interprétation, car la similitude est prise
d’un économe, qui étant démis de ses fonctions et demandant secours à
ses amis, Notre-Seigneur le compare à la mort, et le secours demandé aux
amis, à l’aide que l’on reçoit après la mort, de ceux auxquels on a
fait l’aumône; cette aide ne se peut recevoir en Paradis ou en Enfer;
c’est donc par ceux qui sont en Purgatoire.
ARTICLE VII
DE QUELQUES AUTRES LIEUX DESQUELS PAR DIVERSITÉ DE
CONSÉQUENCES, ON CONCLUT LA VÉRITÉ DU PURGATOIRE
Saint
Paul aux philippiens dit de telles paroles " ut in nomine Jesu omne
genu flegmatique, coelestium, terrestrium et infernorum ". Aux cieux, on
trouve assez de genoux qui fléchissent au nom du Rédempteur, sut terre,
l’on en trouve beaucoup dans l’Eglise militante; mais en Enfer, où en
trouvera-t-on ? David se défie d’y en trouver aucun quand il dit " in
inferno autem quis confitebitur tibi ? " et encore ce que chante David
ailleurs " peccatori autem dixit Deus etc… ", car si Dieu ne veut
recevoir de louanges du pécheur obstiné, comment permettrait-il à ces
misérables damnés d’entreprendre ce saint office ? Saint Augustin fait
grand cas de ce lieu par ce propos rapporté au chap.33 de la Genèse. Il y
a un semblable passage en l’Apocalypse " quis dignus apperire liberum
et solvere septem signacula ejus ? Et nemo inventus est , neque in cœlo,
neque in terrae, neque subtus terram ". Ne constitue-t-il pas ici une
Église en laquelle Dieu soit loué sous terre ? Et que peut-elle être
sinon le Purgatoire ?
ARTICLE VIII
DES CONCILES QUI ONT REÇU LE PURGATOIRE COMME ARTICLE DE FOI
Arius
comme je l’ai dit auparavant commença à prêcher contre les catholiques,
disant les prières qu’ils faisaient pour les morts être
superstitieuses; il y a encore des sectaires à notre époque sur ce
point. Notre-Seigneur nous donne la règle en son évangile comme l’on
doit se comporter en pareilles occasions. " si peccaverit in te frater
tuus, etc… ". Ecoutons donc ce que l’Église nous enseigne à cet endroit :
en Afrique, au concile de Carthage, en Espagne au concile Bracarense,
en France au concile de Chalon, etc…, et en tous ces conciles, vous
verrez que l’Église tient pour authentique la prière pour les trépassés,
et par conséquent le Purgatoire. Et après, ce qu’elle avait défini par
parties, elle l’a défini en son corps général au concile de Latran sous
Innocent III, au concile de Florence, et finalement au concile de
Trente.
Mais
quelle plus sainte résolution de l’Église voudrait-on avoir que celle
qui est couchée en toutes ses messes ? Regardez les liturgies de Saint
Jacques, Saint Basile, Saint Chrysostome, de Saint Ambroise, desquelles
se servent encore tous les chrétiens orientaux, vous y verrez la
commémoration pour les morts comme elle se voit, à peu de choses près,
en la nôtre. Quoi ? Si Pierre Martyr, l’un des habiles qui a suivi le
parti adverse, sur le chap. 3 de la 1ère lettre aux
Corinthiens, confesse que toute l’Église a suivi cette opinion, je n’ai
plus à faire de m’amuser sur cette preuve. Il dit qu’elle a erré et
faillit; ah, qui croirait cela ? " quis es tu qui judicas Ecclesiam Dei ?
etc… ". et si l’Église peut errer, et vous , Pierre Martyr,
pourriez-vous ne pas errer ? Sans doute, et c’est pourquoi je croirai
que vous avez erré et non l’Église.
ARTICLE IX
DES PÈRES ANCIENS
C’est
une belle chose et pleine de consolation, de voir le beau rapport que
l’Église présente a avec l’ancienne, particulièrement en la croyance :
disons ce qui fait notre propos sur le Purgatoire. Tous les anciens
Pères l’ont cru et attesté que c’était la foi apostolique. Voici les
auteurs que nous en avons: entre les disciples des Apôtres, saint
Clément et saint Denis, après saint Athanase, saint Basile, saint
Grégoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Jérôme, Augustin etc…c’est à dire
toute l’antiquité, même devant 1200 ans que tous ces Pères ont vécu;
desquels, il m’eût été très aisé d’apporter quelques témoignages qui
sont recueillis dans les livres de nos catholiques, comme dans le
Catéchisme de Canisius. Mais sur tous qui voudra voir au long et
fidèlement cités le passages des Pères anciens, qu’il prenne en main
l’œuvre de Canisius. Mais certes, Calvin nous délivre de cette peine,
car il écrit " ante 1300 annos usu receptum fuit ut precationes fierent
pro defunctis " , et ajoute ensuite " se omnes, fateor, in errorem
abrepti fuerunt ". Nous n’avons donc que faire de chercher le nom et le
lieu des anciens Pères pour prouver le Purgatoire, puisque pour se
mettre en compte, Calvin les tient pour zéro. Quelle apparence y-a-t-il
qu’un seul Calvin soit infaillible et que l’Antiquité tout entière ait
failli ? On dit que les anciens Pères ont cru au Purgatoire pour
s’accommoder au vulgaire : belle excuse; n’était-ce pas aux Pères d’ôter
toute erreur du Peuple, s’ils l’y voyaient adhérer, et non l’y
entretenir et y condescendre ? Cette excuse ne fait donc qu’accuser les
anciens. Mais comment est-ce que les Pères n’ont pas cru à bon escient
le Purgatoire, puisque Arius, comme je l’ai dit auparavant, a été tenu
pour hérétique parce qu’il le niait ? C’est pitié de voir l’audace avec
laquelle Calvin traite saint Augustin parce qu’il fit prier et pria pour
sa mère sainte Monique, et pour tout prétexte, apporte que saint
Augustin semble douter du feu du Purgatoire. Mais ceci ne change rien à
notre propos, car il est vrai que saint Augustin dit qu’on peut douter
du feu et de la qualité de celui-ci, mais non du Purgatoire : or, soit
que la purgation se fasse par le feu ou autrement, soit que le feu ait
même qualité que celui de l’Enfer ou non, il est avéré qu’il y a un
Purgatoire et une purgation. Il ne met donc pas en doute le Purgatoire,
mais la qualité de celui-ci. Ce que ne nieront jamais ceux qui ont lu le
Livre de la Cité et celui " de cura pro mortuis agenda ", et en mille
autres lieux. Voilà donc comme nous sommes au chemin des saints et des
anciens Pères quand à cet article du Purgatoire.
ARTICLE X
DE DEUX RAISONS PRINCIPALES ET DU TEMOIGNAGE DES ETRANGERS POUR LE PURGATOIRE
Voici
deux invincibles raisons du Purgatoire : d’abord, il y a des péchés
légers et qui ne rendent pas l’homme coupable de l’Enfer; si donc
l’homme meurt en cet état, que deviendra-t-il ? Le Paradis ne reçoit
rien de souillé, l’Enfer est une peine trop criminelle, il n’est pas dû à
raison de son péché; il faut donc avouer qu’il restera en un
Purgatoire, ou étant bien purifié, il ira par la suite au Ciel. Or qu’il
y ait des péchés qui ne rendent pas l’homme coupable de l’Enfer,
Notre-Seigneur le dit en saint Mathieu : " qui irascitur fratri suo,
reus erit judicieux ; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio;
qui dixerit fatue, reus irit gehennae ignis. ". Qu’est-ce je vous prie,
d’être coupable de la géhenne du feu, sinon être coupable de l’Enfer ?
Or, cette peine n’est due qu’à ceux qui appellent " fatue " : ceux qui
montent en colère, ceux qui expriment leur colère par parole non
injurieuse et diffamatoire, ne sont pas au même rang. Ainsi, l’un mérite
le jugement, c’est à dire que sa colère soit mise en jugement, comme la
parole oiseuse, de laquelle Notre-Seigneur dit qu’il faut rendre
compte; l’autre mérite le Conseil, à savoir qu’on délibère s’il sera
condamné ou non. Le 3ème seul est celui-là qui sans doute infailliblement sera damné : donc, le 1eret le 2ème sont
péchés qui ne rendent pas l’homme coupable de la mort éternelle, mais
d’une correction temporelle; et partant, si l’homme meurt avec ces
péchés, par accident ou autrement, il faut qu’il subisse le jugement
d’une peine temporelle, moyennant laquelle son âme étant purgée il ira
au Ciel avec les Bienheureux. De ces péchés parle le sage : car, le
juste ne peut pécher, tant qu’il est juste, de péchés qui méritent la
damnation. Il s’entend donc qu’il commet des péchés pour lesquels la
damnation n’est pas due, que les catholiques appellent véniels, lesquels
peuvent se purger en l’autre monde, au Purgatoire.
Ensuite, la raison est qu’après le pardon, demeure en partie, la peine due à celui-ci, comme par exemple, le péché est pardonné au roi David, le Prophète lui disant "Deus quoque transtulit peccatum tuum, sed quia blasphemare fecisti inimicos nomen Domini"
En savoir plus sur François de Sales :
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