Le mois de novembre consacré au souvenir des âmes du purgatoire
Source : Livre "Le mois de novembre consacré au souvenir des âmes du purgatoire"
PRÉFACE
DE LA PREMIÈRE EDITION.
DE LA PREMIÈRE EDITION.
Cet ouvrage a été entrepris dans le but de présenter aux Fidèles quelques considérations sur les peines du purgatoire, sur les motifs et les moyens de soulager les âmes qui y souffrent : il est terminé par des réflexions sur l'utilité de la pensée du purgatoire pour inspirer l'horreur du péché et le désir de satisfaire entièrement pendant cette vie à la justice divine.
Nous avons travaillé à mettre en ordre des extraits
de divers auteurs qui ont traité indirectement cette matière, afin d'en
faire un ensemble qui put servir de lectures pour tous les jours d'un mois :
nous nous sommes arrêté à cette division en 30 chapitres, afin que tout
fidèle pût faire aisément cette lecture de quelques minutes, et
sanctifier ainsi le mois de Novembre, dont le second jour est consacré par l'Église à la commémoration de tous les morts.
Il est étonnant que dans le long catalogue des livres
que la librairie religieuse imprime chaque jour, on ne trouve qu'un
seul ouvrage sur cette matière : il a paru en 1834 à Lyon, sous le titre de : Pieux souvenir des âmes du Purgatoire, pendant l'Octave des Morts et les premiers Lundis dechaque mois ; par Monseigneur l'évêque de Belley.
Nous
avions cru d'abord que cet excellent ouvrage nous dispenserait de tout
travail ultérieur : les méditations qu'il contient sur les peines
souffertes par nos frères dans le purgatoire,
sont très-propres à inspirer de la compassion ; aussi nous n'avons pas
hésité à insérer toute cette octave dans cet ouvrage sans y rien
changer.
Mais
nous avons pensé que dans ce siècle la charité est en général trop
languissante et trop peu éclairée ; qu'en conséquence ces méditations,
qui font connaître les peines du purgatoire, n'étaient pas suflisantes et qu'il serait fort utile pour bien des chrétiens d'approfondir davantage tout ce qui a rapport aux âmes du purgatoire :
c'est ce que nous avons voulu leur donner lieu de faire, en ajoutant a
l'ouvrage de Mgr. l'évêque de Belley, tout ce qui se trouve après le 9ème jour.
Nous avons indiqué à la fin de chaque méditation une indulgence applicable aux morts.
Nous sommes heureux d'avoir pu nous servir du Recueil des indulgences, traduit
sur une édition approuvée à Rome, et imprimé à Tournay ; nous sommes
sûr, en faisant notre choix dans ce recueil, de n'indiquer que des indulgences authentiques.
La
manière rapide dont s'est épuisée la première édition a prouvé que
l'auteur avait comblé une lacune en publiant un opuscule sur cette
matière ; et les approbations flatteuses qu'il a reçues lors de sa
publication l'ont engagé à le perfectionner de plus en plus pour cette deuxième édition. En effet, le Courrier de la Meuse du 22 Octobre 1838, disait en parlant de cet ouvrage : "La presse religieuse présente à la piété des catholiques
de toutes les conditions une foule d'ouvrages simples et clairs,
substantiels et pleins de ce suc de la doctrine évangélique telle que
l'Église l'entend et l'enseigne, qui fortifie le cœur en même temps qu'il nourrit l'intelligence. C'est à cette catégorie qu'appartient le Mois de Novembre qu'un de nos éditeurs catholiques vient de publier. Déjà presque chaque mois de l'année a son Manuel approprié à une dévotion spéciale. Quel mois méritait moins d'être négligé sous ce rapport que le mois consacré dans tout l'univers catholique à célébrer les joies du ciel et à consoler par des prières ceux de nos frères dans la foi qui se trouvent encore enchaînés dans le lieu de l'expiation. L'ouvrage que nous annonçons comble une véritable lacune dans la série des Mois spirituels
que nous possédons déjà ; et il nous a paru composé de manière à
obtenir un succès au moins égal à celui qu'ont obtenu plusieurs autres
opuscules de ce genre."
Un Professeur de théologie, écrivait à l'auteur le 5 Décembre 1838 :
"Ce fut à vous une belle inspiration que celle-là, et l'on peut penser que votre œuvre sera précieuse aux yeux de ces bonnes âmes ; je sais qu'entretemps elle a été fort bien accueillie par des personnes de grande piété à qui je l'ai procurée, et ce que j'en ai pu lire moi-même m'a fait le plus
grand plaisir. Votre idée de rattacher à votre sujet presque toutes les
indulgences qui existent m'a paru aussi ingénieuse et heureuse qu'elle
est édifiante et salutaire."
Un ecclésiastique du doyenné de Verviers, dans une lettre à l'auteur, le 13 Novembre 1838, lui disait :
«
Ce m'a été une satisfaction de recevoir votre petit livre : je vous
adresse mon sincère compliment sur la manière dont vous avez plaidé la
cause des âmes du purgatoire. C'est
très-bien. Piété, foi, zèle, science, tout concourt à édifier et à
éclairer dans ce bon petit ouvrage ; tout y porte excellemment à la
dévotion envers nos frères souffrants dans le purgatoire. Il serait à souhaiter que les prédicateurs, désignés pour les sermons de l'octave des trépassés, convinssent entre eux de suivre l'ordre des matières tel que vous l'avez tracé. Cette méthode, me semble-t-il, produirait du fruit. »
PRIERE
A LA SAINTE VIERGE,
Mère de Miséricorde.
C'est sous vos auspices, divine Marie, que nous publions cet ouvrage.
Vous exercez votre empire non-seulement au ciel et sur la terre, mais aussi dans le purgatoire : les âmes qui
y souffrent sont l'objet constant de vos miséricordes, et rien ne peut
vous être plus agréable que de s'intéresser à elles pour hâter le moment de leur entrée dans le séjour de la gloire.
Faites, ô ma Mère et ma reine ! Mère et reine de toutes les âmes du purgatoire,
faites que cet ouvrage inspire aux Fidèles une tendre charité pour leurs frères souffrants ;
qu'il contribue à augmenter les secours dont ils ont un si pressant et si grand besoin.
O
Vierge puissante ! jetez un regard favorable sur ce faible travail ; il
suffira pour lui faire produire quelque fruit, et pour procurer la
gloire de Dieu, unique but que nous ayons eu en vue en l'entreprenant :
Dieu seul, Dieu seul maintenant et à jamais !
Ainsi soit-il.
INDULGENCE
DE QUARANTE JOURS.
L'on sait que le souverain Pontife a accordé des indulgences aux Fidèles qui, pendant le mois de Mai, honoreraient d'une manière spéciale la très-sainte Vierge. L'autorité ecclésiastique du diocèse de Liége a été suppliée de considérer si les motifs, qui avaient engagé le souverain Pontife à accorder cette faveur, n'existaient pas également pour d'autres dévotions propres à d'autres mois de
l'année ; si, par exemple, il ne serait pas avantageux pour les Fidèles
de ce diocèse de les inviter, par la concession de quelque faveur
spirituelle, à honorer d'une manière spéciale
1° le mystère de l'Incarnation pendant le mois de Décembre,
2° les saints Anges pendant le mois de Septembre, et
3° à s'occuper d'une manière particulière du soulagement des âmes du purgatoire pendant le mois de Novembre.
L'extrême sollicitude du premier Pasteur de ce diocèse pour le salut de ses ouailles, et son vif désir de voir se répandre, vu le fruit
qu'on en retire, l'usage quotidien de la méditation et de la lecture
spirituelle, usage rendu si facile, en ce qui concerne ces trois
dévotions, par les ouvrages y relatifs, publiés récemment à Liége, lui
ont fait peser mûrement et prendre en considération cette supplique : en
conséquence, l'un de Messieurs les Vicaires-Généraux y a fait la
réponse suivante, qui accorde en ces termes l'indulgence demandée :
« En réponse à votre lettre du 18 courant, Sa Grandeur, Monseigneur notre rèvèrendissime Évêque, a bien voulu me charger de vous faire
savoir qu'Elle accorde une Indulgence de quarante jours, chaque jour du mois de Décembre, aux Fidèles de son diocèse qui honoreront d'une manière spéciale le mystère de l'Incarnation. Sa Grandeur attache la même faveur aux mois de Septembre et de Novembre, pour les Fidèles qui
emploieront particulièrement ce temps à la dévotion aux saints linges et au soulagement des âmes du Purgatoire. »
Liége, le 23 Novembre 1839.
H.-J. JACQUEMOTTE, Vic.-gén.
(Pour le 31 Octobre.)
Enseignement de l'Église sur le Purgatoire.
Pour bien comprendre l'enseignement de l'Eglise sur le purgatoire, il faut distinguer deux choses dans le péché, à savoir : la coulpe et la peine.
La coulpe est l'effet que le péché produit dans l'âme en affaiblissant la grâce sanctifiante ou même en la lui faisant perdre entièrement.
Le péché
qui affaiblit la grâce sanctifiante s'appelle péché véniel. Celui qui
fait perdre entièrement à notre âme la grâce sanctifiante
s'appelle péché mortel.
Si on jette une goutte d'eau sur un fer rouge ou sur un charbon allumé, on affaiblit l'activité du feu, on produit un petit point noir ; si, au lieu d'une goutte d'eau, on en jette une grande quantité, le fer rouge et le charbon allumé deviennent entièrement noirs. Il arrive dans l'âme quelque chose de semblable quand elle commet des péchés véniels ou des péchés mortels. Ces derniers éteignent en elle la grâce sanctifiante, la rendent hideuse aux yeux de Dieu et de la cour céleste; le péché véniel affaiblit la grâce, laisse dans l'âmedes taches qui déplaisent à Dieu. Ce double effet s'appelle la coulpe du péché.
La peine du péché est la punition que mérite toute désobéissance à la loi de Dieu.
Si on pouvait violer une loi humaine impunément, bientôt tout le monde cesserait de l'observer, et le désordre s'introduirait partout dans la société.
Or, il en serait de même des lois divines : il faut aussi qu'il y ait une punition contre ceux qui les enfreignent.
Quand on désobéit aux lois humaines, ce sont les juges qui ordonnent que le coupable soit condamné à payer une amende, qu'il soit emprisonné, ou même qu'il soit mis à mort.
A l'égard des lois
divines, la Providence ne punit pas toujours les coupables dans ce
monde, elle leur ordonne de faire pénitence et de se punir eux-mêmes,
par une douleur sincère de leurs péchés, et par des privations volontaires et des œuvres satisfactoires : il suffit de lire les Prophètes, l'Évangile , les écrits des Apôtres, des SS. Pères, les décisions des conciles et les vies des Saints, pour se convaincre de l'obligation qui est imposée aux pécheurs de se convertir sincèrement, et d'expier leurs péchés par des œuvres satisfactoires.
La
foi nous apprend que les pécheurs, qui n'ont pas expié leurs péchés
dans ce monde, seront obligés de les expier après la mort, dans un lieu
appelé Purgatoire.
Les pécheurs, qui se sont rendus coupables de péchés mortels, et qui en ont un sincère regret, en obtiennent le pardon
en se confessant : l'absolution efface leurs péchés et leur accorde la
rémission de la peine éternelle qu'ils avaient mérité de subir dans
l'enfer ; mais ordinairement (1) ils seront obligés de subir dans le purgatoire une
peine temporelle, qui sera d'autant plus longue et plus sévère que
leurs péchés seront plus nombreux et plus énormes, et qu'ils auront été
plus négligents pour les expier.
(1)Nous disons ordinairement, parce qu'il y a des pécheurs
dont ta contrition est si vive et l'amour qu'ils ont pour Dieu, si
fervent, qu'ils obtiennent la rémission de la peine et de la coulpe de
leurs péchés ; mais ces exemples sont rares.
Doctrine très raisonnable et qui devrait faire faire de sérieuses réflexions à tous ceux qui diffèrent de se convertir : outre le danger, auquel ils s'exposent, d'être surpris par la mort et d'aller en enfer, ils se préparent au moins de longs regrets dans le purgatoire.
Les péchés véniels , dont on n'a pas fait pénitence , on peut les expier en purgatoire,
et quant à la peine et quant à la coulpe ; mais il faut faire ici une
observation essentielle, qui nous fera mieux connaître la nature et
l'effet des indulgences : c'est que la peine du péché est remise par les indulgences, tandis que la coulpe ne peut être remise dans l'autre vie que par l'expiation entière des fautes commises. Observation bien propre à nous inspirer la contrition et la douleur sincère des plus
petites fautes, puisque nous payerions si cher la négligence que nous
mettrions, dans cette vie, à nous en corriger et à en obtenir le pardon.
Les peines qu'on endure dans le purgatoire sont :
1° la séparation de Dieu, dont on aperçoit les perfections et auquel on voudrait être uni ;
2° la vue des péchés qu'on a commis, qui excitera des regrets et des remords en empêchant l'âme d'aller au ciel ;
3° la vue des péchés auxquels on a donné occasion par ses conseils, ses négligences, et qui rendent malheureuses des personnes qu'on aime ;
4° le souvenir des grâces qu'on a reçues et dont on connaît mieux le prix ;
5°
l'action d'un feu surnaturel qui fait expier à la partie inférieure de
l'âme toutes les satisfactions coupables qu'elle s'est procurées par les
sens ;
6° c'est une réunion de peines si grandes, que saint Augustin les appelle
cruelles et inexprimables, et ne craint pas de dire qu'elles sont
au-dessus de toutes les souffrances de cette vie ; saint Cyprien, saint
Jérôme, saint Ambroise, saint Césaire d'Arles, saint Grégoire, pape,
tiennent le même langage ; saint Thomas va plus loin encore puisqu'il dit que les peines du purgatoire sont
les mêmes que celles de l'enfer, et qu'il n'y a de différence qu'à
raison de la durée ; car elles dureront peu si on les compare à
l'éternité des peines de l'enfer ; mais, considérées en elles-mêmes, elles dureront toujours beaucoup. Un quart d'heure, un jour, un mois, un an de douleur dans cette vie paraissent toujours bien longs ; or il n'y a que les âmes les plus ferventes qui puissent espérer de rester si peu de temps en purgatoire ; l'Église autorise les anniversaires de plusieurs années et même de plusieurs siècles ; des auteurs graves pensent qu'il y aura des pécheurs qui resteront en purgatoire jusqu'à la fin du monde.
On est moins étonné de cette opinion quand on pense que ceux qui se
sont rendus coupables de plusieurs péchés mortels ont par là mérité plusieurs fois les peines éternelles de l'enfer ; or le purgatoire est comme une compensation et une commutation des peines de l'enfer.
La foi ne nous apprend pas où est le purgatoire. Saint Thomas et quelques autres auteurs croient qu'il est dans l'enfer même ou près de l'enfer ; mais le saint docteur ajoute qu'il y a des âmes qui font leur purgatoire dans le lieu
même où leurs fautes ont été commises ; ce dernier sentiment est assez
conforme à l'opinion qui régnait autrefois parmi les philosophes de
l'antiquité, et qui règne encore parmi les Fidèles.
Nous pouvons secourir les âmes du purgatoire et abréger leurs souffrances, en vertu de cette admirable communion des Saints dont il est parlé dansle symbole des Apôtres, et à laquelle la plupart des chrétiens ne font pas assez d'attention. On distingue trois Églises, dont Jésus-Christ est le chef : l'Église triomphante qui est dans le ciel, l'Église souffrante qui est dans le purgatoire, et l'Église militante qui est encore sur la terre. En vertu de la communion des Saints
ces trois églises n'en font qu'une : il y a union et communication
entre les Fidèles qui sont sur la terre, les Saints qui sont dans le ciel, et les âmes qui sont dans le purgatoire. En
vertu de cette union, nous honorons les Saints, qui de leur côté prient
pour nous et demandent les grâces dont nous avons besoin ; les âmes du purgatoire prient également pour nous, selon la plupart des auteurs, quand nous prions pour elles et faisons des bonnes œuvres pour obtenir leur délivrance.
Les bonnes œuvres qu'il faut faire pour obtenir le soulagement des âmes du purgatoire, sont :
1° faire des prières ;
2° faire offrir le saint sacrifice de la messe, qui est la plus excellente de toutes les prières ;
3° faire la sainte communion ; 4° faire des aumônes ;
5° jeûner et faire d'autres pénitences ;
6° gagner des indulgences.
Les motifs qui nous engagent à secourir les âmes du purgatoire, sont : 1° la compassion, à raison de leurs souffrances ;
2° l'amitié que nous avions pour elles pendant la vie ;
3° la reconnaissance : ce sont des pères, des mères, des maîtres, des bienfaiteurs ;
4° la justice : si nous possédons leurs biens ; s'ils ont fait des fondations ;
5° l'obéissance à l'Église qui prescrit des prières ;
6° notre propre intérêt : les âmes prieront pour nous, surtout quand elles seront dans le ciel ; les bonnes œuvres que nous faisons nous sont utiles à nous-mêmes ; elles servent à nous faire craindre le purgatoire et à nous le faire éviter.
L'on peut invoquer les âmes du purgatoire, et leur adresser des prières : c'est le sentiment
de plusieurs théologiens ; et quoiqu'elles ne puissent plus mériter
pour elles, quand elles exercent la charité envers nous, en demandant
les choses qui nous sont nécessaires, Dieu daigne les exaucer. Les
Saints dans le ciel ne peuvent plus mériter pour eux ; cependant ils peuvent prier pour nous.
RÉSOLUTIONS.
Si nous devons prier tous les jours pour la délivrance des âmes du purgatoire ; si du moins tel est le vœu de la charité, et telle la pratique des vrais enfants de l'Eglise, que ne devons-nous pas faire le jour et pendant l'octave de la commémoration des morts ? Sans doute, à l'exemple de la plupart des Fidèles, nous nous préparerons, par la réception des Sacrements, à élever des mains pures vers le ciel pendant cette octave et pendant tout le mois, et à gagner des indulgences plénières et partielles pour la délivrance de ces âmes souffrantes. Prenons donc en ce jour la résolution, et ayons soin de la renouveler chaque jour du mois,
d'appliquer à cette intention toutes nos bonnes œuvres, toutes nos
prières, nous attachant surtout à réciter celles auxquelles les
souverains Pontifes ont accordé d'abondantes indulgences. Choisissons à
cet effet les prières qui nous conviennent le mieux entre celles indiquées à la fin de chaque jour. Mais ne nous bornons pas à pratiquer cette dévotion dans le cours du mois de Novembre ; la lecture de cet ouvrage, en nous montrant l'état de ces âmes, les
motifs et les moyens de les soulager, nous inspirera sans doute la
résolution de ne laisser passer aucun jour de notre vie, sans songer à
elles et sans les assister.
PRIÈRE.
Père saint ! rien de souillé ne peut entrer dans votre royaume ; votre justice exige que les âmes ne paraissent devant vous que complètement purifiées.
Mais, Seigneur, votre bonté nous permet, à nous membres de votre église militante, de venir au secours de nos frères qui expient dans le purgatoire les fautes les plus légères qui les défigurent encore à vos yeux.
Maintenant
qu'ils ne peuvent plus satisfaire par eux-mêmes, c'est nous, Seigneur,
qu'ils implorent et qu'ils conjurent de payer leurs dettes.
Recevez, mon Dieu, les prières que nous allons tous vous adresser avec l'Église universelle : recevez le sacrifice de votre Fils qu'elle vous offre pour cette partie souffrante du corps de ce même Fils, pour ces âmes que vous avez aimées de toute éternité.
Mais
faites aussi, Seigneur, qu'en vous priant pour elles, nous apprenions à
vous désirer ardemment, et à soupirer sans cesse après la vie
bienheureuse. Par N.-S. J.-C. Ainsi soit-il.
Invocation à la sainte Vierge et aux Anges gardiens de toutes les âmes du purgatoire.
Vierge sainte, mère de Dieu et en même temps mère de toutes ces saintes âmes qui vous invoquèrent si souvent dans cette vallée de larmes ;
Anges gardiens de tous ces chrétiens qui suivirent si souvent vos inspirations,
venez encore à leur secours pour hâter le moment de leur entrée dans la Jérusalem céleste ;
excitez tous les Fidèles à s'intéresser aux âmes du purgatoire, et à embrasser cette dévotion si négligée.
Que tous comprennent les immenses avantages qu'ils en retireront pour eux-mêmes, en ouvrant les portes du ciel à tant d'âmes, qui ne peuvent les oublier après en avoir reçu un si insigne bienfait.
O
mon bon Ange ! je vous en supplie , rappelez-moi fréquemment cette
portion de l'Église de Dieu, si digne de compassion, et que je puis
secourir si aisément, et cependant si puissamment ! Ainsi soit-il.
PREMIERE PARTIE
DES PEINES DU PURGATOIRE.
MÉDITATIONS POUR L'OCTAVE DES MORTS.
PREMIER JOUR
LE JOUR DE LA TOUSSAINT.
Méditation sur le bonheur du ciel.
Permettez, ô mon Dieu ! que je m'élève aujourd'hui par la foi au milieu des esprits bienheureux dont nous honorons la mémoire : votre bonté me destine à partager un jour la gloire des Saints ; je dois donc considérer l'étendue de leur bonheur, afin de ranimer mon courage, et de les suivre avec ardeur dans le chemin qui les a conduits jusqu'à vous.
Qu'elle
est immense, qu'elle est incompréhensible la récompense que vous
réservez à vos élus ! Si votre magnificence brille avec tant d'éclat
dans les objets qui nous environnent, dans la vaste étendue des cieux, dans les rayons éblouissants du soleil, dans la douce clarté des astres pendant une nuit tranquille ; quelle splendeur ne devez-vous pas avoir déployée dans le séjour
de vos récompenses, où nos iniquités ne mettront plus d'obstacles à vos
dons ? Non, Seigneur, tout ce que je vois, tout ce que j'admire autour
de moi, n'est rien auprès de ce que j'espère, et de ce que les Saints,
qui sont mes frères, possèdent déjà. Vous nous avez préparé, dans la
cité permanente, des biens qui surpassent infiniment tout ce que l'œil peut voir, tout ce que l'oreille peut entendre, tout ce que le cœur
peut désirer (S. Paul 1. Cor. chap. 2, v. 9). C'est vous-même qui
voulez être notre récompense ; elle sera donc infinie dans son objet,
éternelle dans sa durée.
I. La récompense des Saints sera infinie dans son objet.
C'est quelque chose de bien grand, ô mon Dieu ! que ce bonheur ineffable préparé dans le ciel
pour ceux qui vous aiment ! La magnificence de ce beau séjour, la
délivrance de tous les maux, la jouissance de tous les biens ; la
compagnie des Anges et des Saints, les charmes de leur conversation, la douce harmonie de leurs concerts, tout enfin se réunira pour inonder les élus d'un torrent de délices.
Mais ce qui me touche infiniment davantage, ô Dieu de bonté ! ce que je ne puis me lasser de considérer dans le sentiment
de ma reconnaissance, c'est que vous y serez vous-même notre
récompense. Vous nous mettrez pour ainsi dire en possession de vos
perfections adorables : vous nous ferez partager votre gloire, votre
puissance, votre éternité.
Il est vrai, Seigneur, vous nous avez créés à votre image ; mais cette image est maintenant bien imparfaite, bien dégradée, bien défigurée par le péché... Au ciel, tout sera
rétabli dans l'ordre, vous retracerez de nouveau en nous votre
ressemblance, et c'est alors que s'accomplira la parole de l'Écriture
: J'ai dit : Vous êtes des dieux.
0 Dieu éternel ! Dieu infini ! se peut-il que vous vouliez être le partage
de votre faible créature, vous unir, vous confondre en quelque sorte
avec elle, afin de la rendre heureuse de votre propre bonheur ! Mon âme
soupire avec ardeur après le moment où elle verra se réaliser une si douce attente, et je me réjouis avec le Prophète dans l'espérance d'entrer un jour dans votre maison (Ps. 121).
Alors
je vous louerai, je vous adorerai ; non plus, comme je l'ai fait
souvent, avec un esprit dissipé et un cœur tiède, mais dans un transport
éternel d'amour. Alors je vous verrai ; non plus, comme à présent, à
travers les ombres de la foi, mais à découvert, sans nuages, et dans
toute la splendeur de votre beauté.
Alors
surtout je vous aimerai, je connaîtrai vos amabilités infinies,
l'excellence de vos dons, la multitude de vos bienfaits, et je publierai
éternellement vos miséricordes dans l'assemblée des Saints.
II. Oui, la récompense des Saints sera éternelle dans sa durée.
Dans le ciel,
ô mon Dieu ! nous vous posséderons réellement ; ici-bas nous ne pouvons
nous former une idée de la joie qui résulte de la douce assurance
d'être unis à vous pour toujours pour toujours !
Il n'y aura plus d'infidélités, plus de résistances à votre grâce ; nous vous aimerons éternellement, sans partage, et vous régnerez à jamais en nous...
'Ah,
Seigneur ! si les Saints ont éprouvé tant de consolations à
s'entretenir avec vous, lorsqu'ils étaient encore sur la terre ; si un
saint Antoine, après avoir passé la nuit en prières, se plaignait au
soleil de ce qu'il venait trop tôt interrompre
une occupation si chère à son cœur ; si j'ai goûté moi-même tant de
douceurs, dans les moments où votre amour se faisait sentir à mon âme
avec plus de force, que sera-ce lorsque nous vous posséderons et vous
contemplerons à découvert, dans l'éclat de votre gloire, sans pouvoir
jamais être séparés de vous !....
Je méditerai souvent cette consolante pensée : « Dieu veut se donner à moi éternellement.... »
Puisque
c'est pour toujours que vous voulez être mon partage, c'est aussi pour
toujours, sans interruption, sans inconstance, que je veux mettre mon
bonheur à vous servir et à vous sacrifier tous mes penchants.
PRIÈRE.
Mon
Dieu ! la mesure de l'amour que j'aurai pour vous ici-bas, réglera
l'étendue de mon bonheur et de mon amour dans la vie future. Faites-moi
donc la grâce de vous aimer sur la terre avec toute l'ardeur dont mon
cœur peut être capable, et de commencer ce que je dois faire un jour
avec les bienheureux. Que je vous loue, que je vous connaisse, que je
vous aime comme les Saints ; que je vive comme eux, que
je meure comme eux, et que ma récompense soit de vous posséder et de
vous bénir éternellement avec eux. Par N.-S. J.-C. Ainsi soil-il.
Indulgence applicable aux morts. — Indulgence plénière une fois par mois pour
ceux qui font une demi-heure, ou au moins un quart-d'heure, d'oraison
mentale ou méditation ; pourvu que s'étant confessés, ils communient et
prient selon les intentions de l'Église.
Indulgence
de sept ans et sept quarantaines pour chaque fois que, vraiment
contrits et ayant communié, on enseigne à faire la méditation. (Bulle du 16 Décembre 1746.)
DEUXIEME JOUR
LE JOUR DES MORTS.
Sur les souffrances du Purgatoire en général,
PRÉPARATION (I).
(1) Cette préparation et la conclasion peuvent servir pour toutes les méJitaticns de ce mois.
1° Faites un acte de foi sur la présence de Dieu qui vous voit, adorez-le, consacrez-vous à lui.
2° Demandez pardon de vos péchés, qui sont le plus grand obstacle aux fruits de l'oraison ; insistez sur quelquesuns en particulier.
3° Invoquez les lumières de l'Esprit-Saint, le secours de la sainte Vierge, de votre bon Ange et de quelque Saint auquel vous avez plus de dévotion.
CORPS DE L'ORAISON.
Hier, ô mon Dieu ! j'ai médité sur le bonheur du ciel. Oh ! qu'il m'en coûte de quitter la contemplation de ce séjour de gloire, de consolation et de bonheur, dont le souvenir est si propre à nous encourager ; mais je dois obéir à votre Église qui veut que je m'occupe aujourd'hui des âmes souffrantes du purgatoire.
Je vous bénis, ô Jésus ! chef adorable de l'Église, et vous remercie d'avoir établi, entre les membres qui la composent dans le ciel, dans le purgatoire et sur la terre, ces liens de charité que la mort ne saurait détruire. Nous nous réjouissons du bonheur
de nos frères qui sont dans la gloire, ils vous présentent nos vœux et
nos prières, et demandent, pour nous et avec nous, les grâces dont nous
avons besoin pour les imiter et pour obtenir la même récompense qu'eux.
Vous voulez aussi que nous nous attendrissions sur le sort de ceux de nos frères qui n'ont point encore acquitté leurs
dettes envers votre redoutable justice, et que nous méditions sur la
rigueur de leurs souffrances, pour nous exciter à les soulager et à
éviter nous-mêmes de semblables malheurs. J'entre ô mon Sauveur ! dans
les vues de votre miséricorde, et je viens d'abord méditer, en votre
adorable présence, sur la rigueur des souffrances qu'on endure dans le purgatoire.
I. Les souffrances qu'on endure en purgatoire doivent être proportionnées à la grandeur de Dieu que le pécheur a offensé, à l'énormité et au nombre des péchés
dont il s'est rendu coupable. Cette règle de justice est dans ma
conscience, ô mon Dieu ! et c'est vous-même qui l'y avez gravée pour me servir de guide et de juge... Or, à ce titre, qu'elles doivent être redoutables les souffrances du purgatoire, puisque
vous êtes infiniment grand, infiniment pariait, et que toute
désobéissance envers vous, ô bonté suprême ! renferme un caractère de
révolte, de désordre et d'ingratitude qui mérite un châtiment infini !
Qui oserait dire, ô mon Dieu ! qu'on n'est pas plus coupable, quand on
outrage son roi, son bienfaiteur et son père, que lorsqu'on désobéit à
un inférieur, à un étranger, à un inconnu dont les droits sont nuls ou
incertains ? Mais n'êtes-vous pas, Seigneur, le plus grand de tous les rois, le plus généreux de tous les bienfaiteurs, le plus
tendre de tous les pères ? Il n'est donc point de désobéissance, point
de révolte, point d'outrage dont l'énormité puisse être comparée au
crime dont le pécheur se rend coupable
envers votre infinie majesté. Oui, il est infiniment coupable, et c'est
pour cela sans doute que les peines de l'enfer sont éternelles ; car, si
elles ne l'étaient pas, elles ne seraient pas proportionnées à l'injure
que vous avez reçue...
Les peines du purgatoire n'étant
pas infinies dans leur durée, je dois craindre qu'elles ne soient
infiniment plus rigoureuses dans leur intensité, même quand vous avez
pardonné au pécheur, même quand vous ne punissez en lui que des fautes légères.
Mais ici je ne suis pas livré à de simples conjectures, j'ouvre les annales du monde,
et je vois la femme de Loth changée en statue pour un simple regard de
curiosité ; je vois Moïse privé d'entrer dans la terre promise pour une
faute d'impatience et de défiance ; je vois David obligé de choisir
entre trois fléaux terribles, en punition d'un mouvement de vanité ; je
vois Ananie et Saphire punis de mort pour un simple mensonge.
Si vous punissez aussi sévèrement sous l'empire de la miséricorde, ô
mon Sauveur ! que sera-ce donc quand nous n'aurons plus, à notre
disposition, les mérites infinis de votre précieux sang, quand nous
serons dans cette prison, où il faudra payer jusqu'à la dernière obole
?.... Dissipez , ô mon Dieu ! l'aveuglement dans lequel nous sommes
plongés ; faites-nous comprendre combien il est injuste et cruel envers
lui-même, celui qui s'épargne dans cette vie, qui refuse de faire
pénitence et s'expose à subir de pareils tourments...
II. La raison éclairée par la foi suffit déjà pour m'inspirer des craintes ; le langage des Prophètes, des Apôtres et des Docteurs de l'Église est-il propre à me rassurer sur la rigueur des souffrances qu'éprouvent les âmes du purgatoire ? Non, sans doute : tous m'annoncent qu'il faut faire pénitence dans les larmes, le jeûne, la cendre, le cilice Le saint précurseur de Jésus-Christ et Jésus-Christ lui-même, ont tenu le même langage ; tous nous exhortent à faire des sacrifices d'expiation, de renoncement à nous-mêmes, de mortification des sens, sous peine de tomber entre les mains du Dieu vivant, selon la menace de l'Apôtre et de n'être sauvé qu'en passant par ce feu terrible et purifiant dont parle le même
Apôtre, et qui doit distinguer, dans nos œuvres, celles qui ont été
faites au nom de Jésus-Christ, ou celles qui n'ont été fondées que sur des motifs frivoles, que le vent dissipe comme la poussière ou que le feu consume comme la paille.
J'interroge saint Cyprien, et il me dit : « Il vaut bien mieux expier ses péchés ici-bas, même par le martyre, que de remettre à le faire dans l'autre vie, dans cette prison terrible ou l'on paie à Dieu jusqu'aux plus petites fautes. »
J'interroge saint Césaire d'Arles, et il me répond : « Que personne ne dise : Qu'importe le temps que je resterai dans le purgatoire, pourvu que je parvienne à la gloire éternelle. Car, mes frères, le feu du purgatoire sera plus insupportable que tous les tourments que l'on peut souffrir, ou même imaginer dans cette vie Vous, qui trembleriez s'il vous fallait mettre un moment le bout du doigt sur des brasiers ardents, comment supporterez-vous celui du purgatoire pendant plusieurs jours, plusieurs mois, plusieurs années ? »
J'interroge saint Augustin, et il m'assure que les souffrances du purgatoire sont aussi cruelles qu'inouïes ; il me dit que les tourments des Martyrs ne sont rien en comparaison de ceux du purgatoire. Saint Jérôme, saint Grégoire pape, tous les Saints me tiennent le même langage.
Saint Thomas, le théologien par excellence, l'oracle de son siècle et de tous les siècles ; saint Thomas ne craint pas de dire que les peines du purgatoire sont les mêmes que celles de l'enfer, et qu'elles n'en diffèrent que par la durée.
Quelle
serait donc, ô mon Dieu ! la disposition d'une âme qui aurait la
possibilité d'échapper un instant à votre justice ? avec quel
empressement elle viendrait foire pénitence dans cette vie ! Il n'est
aucune austérité qu'elle ne fût disposée à embrasser, aucun sacrifice
qu'elle ne fût prête à faire, pour se délivrer de la pénitence
redoutable qui lui est imposée dans le purgatoire.
Comment après cela, ô mon Dieu ! ne suis-je pas résolu à secourir ces pauvres âmes ? Me fussent-elles inconnues, un sentiment de commisération devrait me toucher ; hélas ! je me pique d'avoir le cœur sensible et compatissant pour ceux qui souffrent ; quelle compassion ne dois-je pas avoir pour des âmes aussi souffrantes ? Quand mes parents
et mes amis sont plongés dans la tristesse et la douleur, mon intérêt
redouble, et il n'est rien que je ne fasse pour leur procurer du soulagement
; mais c'est souvent en vain que je m'agite et que je m'afflige ; votre
justice et quelquefois votre miséricorde ne veulent pas que nos vœux
soient exaucés : vous faites souffrir le corps pour sauver l'âme. Il n'en est pas ainsi des personnes qui souffrent dans le purgatoire : je suis assuré de les secourir efficacement, et je veux le faire, ô mon Dieu ! par tous les moyens que vous mettez à ma disposition, par la prière, par le saint sacrifice de la messe, la sainte communion, l'aumône, le jeûne, les indulgences, etc. Je le ferai souvent, mais plus particulièrement pendant ce mois.
CONCLUSION.
1° Remerciez Dieu des grâces qu'il vous a faites, des bonnes pensées qu'il vous a inspirées.
2° Demandez-lui pardon des négligences que vous avez eues.
3° Renouvelez les résolutions prises le 31 Octobre.
Indulgence applicable aux morts. — Le chemin
de la Croix est de toutes les pratiques de piété celle à laquelle sont
attachées les indulgences les plus nombreuses et les plus faciles à
gagner.
On obtient en
faisant cette pratique plusieurs indulgences plénières et partielles ;
en la faisant plusieurs fois par jour, on gagne aussi plusieurs fois les
mêmes indulgences, toujours applicables aux âmes du purgatoire.
Il
faut sans doute purifier sa conscience par un acte de contrition pour
faire cette pratique d'une manière plus fructueuse et plus agréable à
Dieu ; mais la confession et la communion ne sont pas exigées comme pour
la plupart des autres
indulgences plénières ; les infirmes, les voyageurs, ou autres
personnes qui ne peuvent pas aller à l'église obtiennent les mêmes
indulgences en se procurant un Crucifix bénit à cet effet par le Pape, ou par un prêtre qui en ait reçu l'autorisation.
Vous trouverez à la fin de cet ouvrage un exercice du Chemin de la Croix pour les âmes du purgatoire.
Troisième jour
Sur la cause des souffrances qu'on endure en purgatoire.
Après avoir médité, ô mon Dieu ! sur la rigueur des souffrances qu'on éprouve dans le purgatoire, il est important pour moi de méditer sur les causes qui ont attiré un si grand malheur sur les pauvres âmes qui y sont détenues : je trouverai dans cette méditation un nouveau motif de venir à leur secours et de me préserver moi-même d'une pénitence aussi sévère dans l'autre vie.
I. Qui sont ceux qui vont en purgatoire ?
L'Eglise nous y montre d'abord des pécheurs infiniment coupables, qui ont passé leur vie dans le crime et le désordre
; qui ont abusé de tous les dons de Dieu, résisté à toutes ses grâces,
lutté contre tous les assauts que votre bonté infinie, ô mon Dieu !
livrait à leur cœur, pour les toucher ; cependant, par l'effet d'une
miséricorde incompréhensible, à la prière d'une mère tendre, d'une
épouse pleine de foi, d'un enfant paré de toutes les richesses de la
grâce et de l'innocence, ce pécheur est rentré en lui-même au moment de
la mort, ou sur le déclin de la vie ; il a compris tout ce qu'il y avait de coupable dans son obstination dans le mal,
il a compris tout ce qu'il y avait de déraisonnable et d'imprudent à
paraître au tribunal de J.-C., couvert de crimes ; il a fait une bonne
confession ; il s'est converti sincèrement, et il est mort dans ces
heureuses dispositions.
Mais
est-il juste que ce pécheur soit admis tout de suite parmi les Saints ?
Non, mon Dieu ! vous devez à votre sainteté, à votre sagesse, à votre
justice, de mettre une différence entre l'âme fidèle et ce pécheur
si longtemps obstiné ; il a mérité l'enfer mille fois et peut-être un
million de fois, par les péchés mortels dont il s'est rendu coupable ;
sa vie n'a été qu'une longue suite d'iniquités ; il n'a pas accompli le précepte
de la pénitence sur la terre, il faut qu'il l'accomplisse après la mort
; il faut que cette pénitence soit proportionnée au nombre et à
l'énormité de ses crimes ; il faut qu'elle soit une compensation ou du moins une commutation des peines de l'enfer ; dès lors je ne dois plus m'étonner de la rigueur des peines qu'il endure et de la longueur du temps qu'il restera en purgatoire.
Mais que cette pensée est effrayante pour moi, ô mon Dieu ! qu'elle est
propre à me toucher, à m'inspirer une salutaire compassion pour tant de
personnes qui m'intéressent et qui ne se sont converties qu'au moment
de la mort ; je me réjouissais de leur conversion et j'avais de justes
raisons de le faire ; mais je ne pensais pas assez aux flammes purifiantes où elles gémissent et où elles gémiront encore longtemps.
II. Parmi les pécheurs qui sont dans le purgatoire, il en est qui sont moins coupables sans doute, mais dont la punition est cependant aussi sévère. C'étaient des âmes faibles et inconstantes dans le bien, dont la vie était une alternative continuelle de vices et de vertus, de conversions et de rechutes. Le temps de Pâques, du jubilé,
d'une retraite, les trouvait disposés à tout faire pour vous, ô mon
Dieu ! à tout sacrifier pour remplir leurs devoirs ; mais bientôt après
la dissipation les entraînait, les passions les subjugaient de nouveau,
les habitudes reprenaient leurs cours, et l'iniquité devenait pour ainsi
dire leur élément. Hélas ! Seigneur ! que de bonté vous avez eue pour
eux en les poursuivant ! que de patience vous avez exercée en les
attendant ! quel malheur si vous les aviez appelés à votre tribunal
pendant qu'ils étaient loin de vous! Mais non, ô Dieu de miséricorde !
vous avez compati à leurs faiblesses, vous avez eu égard aux bonnes
œuvres qu'ils ont faites, aux bons exemples qu'ils ont donnés, au
repentir qu'ils ont éprouvé et manifesté au déclin de la vie et surtout
au moment de la mort ; ils ont reçu tous les sacrements dans de saintes
dispositions, vous leur avez pardonné ; mais ils n'ont pas fait
pénitence.
Les bonnes œuvres qu'ils ont faites ont servi à obtenir leur conversion ; mais la plupart n'en a retiré aucun mérite pour le ciel, parce qu'elles n'ont pas été faites en état de grâce. C'est donc aussi dans le purgatoire que
ces pécheurs vont achever leur pénitence ; n'eussent-ils commis qu'un
seul péché mortel, qu'elle devrait être longue cette pénitence ! qu'elle
devrait être sévère, puisqu'ils ont mérité de la subir éternellement.
C'est encore en tremblant, ô mon Dieu ! que j'entends prononcer cet
arrêt, parce que je crains d'y trouver ma propre condamnation : daignez
avoir pitié de moi et des âmes coupables qui sont déjà entre les mains de votre justice.
III. Mais que vois-je, ô mon Dieu ! parmi les âmes qui sont dans le purgatoire, il en est qui vous ont servi constamment avec fidélité ; il en est qui n'ont jamais souillé par le péché mortel la robe d'innocence qu'elles avaient reçue au baptême, ou qui du moins n'ont jamais persévéré dans ce malheureux état ; il en est qui se sont consacrés à vous par des vœux héroïques Oh ! c'est ici que
ma foi est déconcertée, et que ma conscience est plus troublée ! j'ai
besoin de me rappeler votre bonté infinie, ô mon Dieu ! l'union étroite
que vous voulez contracter avec vos élus, l'invitation que vous leur
ferez de partager votre gloire, vos perfections infinies, pour
comprendre que votre sévérité
est toujours dictée par votre justice. J'ai besoin de me rappeler qu'il
est impossible que rien de souillé et d'imparfait puisse entrer dans
l'essence divine.
Je considère donc de plus près la robe nuptiale dont ces âmes sont
revêtues, et je la vois couverte d'une infinité de petites taches qui
en ternissent l'éclat et la beauté ; je comprends alors, ô mon Dieu !
que ces taches n'ayant point été consumées par le feu de la charité, elles doivent l'être par les flammes du purgatoire. Je
comprends que si ces taches paraissent peu considérables à nos yeux,
c'est que nous n'avons pas une assez haute idée de votre sainteté....
C'est le nombre de ces taches, Seigneur ! qui provoque votre sévérité, c'est l'abondance des lumières et des moyens de sanctification que vous avez accordés à ces âmes, et dont elles n'ont pas profité, qui les rend plus coupables.
Il n'est donc personne qui puisse espérer d'échapper à cette purification douloureuse qui nous est préparée dans le purgatoire ; personne
qui ne doive craindre.... Dans quelle classe de pécheurs dois-je me
mettre, ô mon Dieu ! c'est à ma conscience à répondre.
RÉSOLUTIONS ET PRIÈRE.
Puisque je puis encore me soustraire aux souffrances du purgatoire, ou du moins
en diminuer la durée ou l'intensité, je vais m'appliquer, ô mon Dieu ! à
mener une vie plus mortifiée, plus humble et plus pénitente.
Je vais nourrir dans mon cœur le feu de votre divin amour et l'alimenter à chaque instant par des sacrifices ;
je
vais m'appliquer à supporter avec plus de patience les contradictions,
les maladies, les privations auxquelles je serai assujetti malgré moi ;
je vais m'imposer des pénitences volontaires, qui me fassent expier les satisfactions criminelles auxquelles je me serai abandonné ;
je vais multiplier le nombre de mes bonnes œuvres, pour apaiser votre justice et obtenir grâce pour les âmes du purgatoire et pour moi.
Par J.-C. N.-S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Toutes les fois qu'on récite les actes de foi, d'espérance et de
charité, on gagne sept ans et sept quarantaines d'indulgence, et de plus
une indulgence plénière tous les mois si
on les a récités tous les jours, pourvu que, s'étant confessé et ayant
communié, on prie selon les intentions de l'Église. Il y a des personnes pieuses qui récitent un chapelet d'actes de foi, d'espérance et de charité, c'est-à-dire qu'elles récitent ces actes autant
de fois qu'il y a de grains à leur chapelet : cette pratique leur fait
gagner beaucoup d'indulgences qu'on peut appliquer aux âmes du purgatoire
; les personnes âgées, infirmes, ou peu occupées pourraient faire cela
sans se fatiguer beaucoup. Il n'y a point de formule prescrite pour
gagner ces indulgences ; il suffit d'exprimer l'objet et le motif de l'acte. (Rescrit du 15 Janvier 1728 et Décret du 28 Janvier 1756.)
Quatrième jour
Sur la peine que les âmes du purgatoire endurent, par la privation de la vue de Dieu.
Ce n'est pas assez pour moi, ô mon Dieu ! d'avoir considéré en général les souffrances des âmes que votre justice retient dans le purgatoire. Je
dois les approfondir, les méditer en particulier, afin de mieux
comprendre la grandeur de leurs peines, et de pénétrer plus profondément
mon âme dessentiments que la foi doit y exciter.
I.
Je me transporte, ô mon Dieu ! au moment où une âme sort de ce monde,
pour paraître devant votre redoutable tribunal. Un grand spectacle,
selon l'expression de saint Ambroise, s'offre alors à ses regards : vous
vous découvrez à elle avec toutes vos perfections
adorables ; elle vous voit dans la splendeur de votre gloire, de votre
puissance, de votre beauté ; elle est comme investie par l'éclat de
votre majesté infinie, et ressent pour vous un amour que nous ne pouvons
ni comprendre, ni exprimer. Elle entend les Anges qui chantent vos
louanges, elle voit toute la cour céleste qui vous adore, et met son
bonheur à vous posséder. Elle voudrait se réunir à ces esprits
bienheureux, s'élancer dans votre sein pour être à jamais unie à vous,
et voilà que vous la repoussez par cette terrible parole
: Retire-toi de moi.
0 mon Dieu ! il faudrait connaître, comme cette âme, vos amabilités infinies, l'amour qu'elle a pour vous, le désir
qu'elle ressent de vous posséder, pour concevoir ce qu'elle souffre en
entendant cette terrible sentence : Retire-toi de moi.
Quelle serait la douleur d'un enfant éloigné d'un père tendrement chéri, si, au moment où il le revoit
après une longue absence, au moment où il veut se précipiter dans ses
bras, et se livrer à l'effusion de sa tendresse, ce père le repoussait
avec indignation au lieu de recevoir ses embrassements ! faible image
de la douleur d'une âme, qui reconnaît en Dieu son père, son
créateur, son rédempteur, son bienfaiteur, qui se précipite vers lui,
et se sent retenue par ces mots sévères : Retire-toi de moi toujours quelque chose qui nous fait dire avec saint Augustin : Vous n'êtes pas mon Dieu.
Hélas,
Seigneur ! j'ai bien mérité de l'entendre cette redoutable condamnation
: mes infidélités, mon peu d'ardeur pour me purifier de mes fautes, et
m'unir à vous dans cette vie, me rendent bien digne d'être séparé de
vous après ma mort. Mais je suis encore par votre bonté dans le règne
de la miséricorde, et je vais dès ce moment m'efforcer de réparer mes
pertes, en vous aimant de toutes mes forces, en vous servant avec plus
de générosité, et en faisant pénitence de tout ce qui a pu vous déplaire
en moi.
II. J'accompagne en esprit dans le purgatoire,
ô mon Dieu ! l'âme que votre justice y a précipitée. L'amour qu'elle a
pour vous a fait son tourment lorsque vous l'avez repoussée ; c'est
encore cet amour qui cause sa douleur la plus vive, tant qu'elle se voit
éloignée de vous. Nous l'éprouvons déjà dans ce monde : notre cœur est
fait pour vous et il n'y a que vous qui puissiez le rendre
heureux. Quels que soient les objets auxquels ce cœur s'attache, ils ne
peuvent jamais nous satisfaire, et nous sentons toujours quelque chose
qui nous ait fait dire avec Saint Augustin : Vous n'êtes pas mon Dieu !
Mais, cette âme entrée dans la vie future le comprend bien autrement que nous ne pouvons le faire : le voile,
qui vous cache à nos regards, ne subsiste plus pour elle ; les
créatures ne viennent plus la distraire, et, dans la soif qui la dévore,
elle voudrait avoir, non pas deux ailes, mais un million d'ailes pour
s'élever jusqu'à vous.
«
O mon Dieu ! s'écrie-t-elle , c'est à présent que je sens que je suis
faite pour vous aimer, et que je ne puis trouver de repos qu'en vous.
Vous êtes le centre de toutes mes affections ; je vous aime de tout mon cœur, et je brûle du désir
d'être unie à vous. » Mais comment recevez-vous, Seigneur, les vœux de
cette pauvre âme qui soupire après vous avec tant d'ardeur ?.... "Ce
n'est pas le moment, répondez-vous, de me prouver que tu m'aimes, il fallait le dire et surtout le montrer lorsque tu étais sur la terre." Tu me disais bien au pied des autels
: "Mon Dieu, je vous aime detout mon cœur ;" mais tes paroles étaient
bientôt démenties par ta conduite. Me montrais-tu ton amour, lorsque tu
perdais si aisément de vue ma présence ; lorsque tu te livrais à
la dissipation, à la vanité, à la sensualité ; que tu méprisais mes
inspirations et mes grâces. Tu n'as pas voulu répondre aux invitations
de ma tendresse, et maintenant je serai sourd à tes désirs, jusqu'à ce
que tu aies expié tes infidélités dans ce lieu de souffrances. »
Quel
tourment, Seigneur ! Vous connaître, vous aimer, ne penser qu'à vous,
s'élancer continuellement vers vous, se voir toujours repoussé, et
savoir qu'on s'est attiré soimême une punition si douloureuse, parce
qu'on n'a pas voulu répondre à votre amour !
Divin Jésus, exercez votre miséricorde infinie sur ces âmes affligées qui vous désirent, et donnez-leur la paix et le bonheur
qu'elles ne peuvent trouver que dans votre sein ; faites-moi aussi
sentir les effets de votre bonté, et ne permettez pas que ces
considérations me soient inutiles. Accordez-moi la grâce de vous aimer
avec ardeur ; de le dire souvent avec un cœur sincère, de vous le prouver
encore plus par mes œuvres et mes sacrifices, afin que je puisse
toujours demeurer uni à vous, et n'être séparé de vous ni ici-bas , ni
dans l'éternité. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Ceux quf visitent une image du S.
Cœur de Jésus exposée dans une église et prient ou méditent selon les
intentions de l'Église devant cette image, gagnent sept ans et sept
quarantaines d'indulgences ; si on fait cette visite plusieurs fois par
jour, on gagne la même indulgence chaque fois. (Rescrit du 2 Janvier 1790.)
Cinquième jour
Sur la peine que les âmes du purgatoire endurent par la vue de leurs péchés.
Aimable Sauveur, qui avez bien voulu vous charger des péchés du monde
et tomber en agonie sous ce poids terrible, faites-moi comprendre la
douleur d'une âme qui n'a pas voulu se purifier ici-bas en unissant sa
contrition à la vôtre, et qui est obligée de pleurer ses fautes dans le séjour
de l'expiation. Cette vue sera bien propre à me faire sentir la
nécessité de satisfaire maintenant à votre justice, et de nourrir en moi
l'esprit de componction et de mortification.
I. Quelle peine n'ai-je pas ressentie, ô mon Père ! ô mon Dieu ! dans certains moments où la lumière de votre grâce me montrait
plus à découvert les souillures de mon âme ; où je pénétrais mieux la
multitude et l'énormité de mes fautes ; où je sentais combien il est
amer d'avoir péché contre vous ! Cependant je ne connaissais que bien
faiblement toute la profondeur de mes plaies, et l'étendue de mes
misères. Quelle sera donc, dans le purgatoire, la
douleur d'une âme qui, éclairée par la lumière de votre justice, se
verra couverte de toutes les infidélités qu'elle aura commises, quand
elle en pénétrera toutes les circonstances, et qu'elle en sentira toute
l'amertume, sans pouvoir en détourner sa pensée un seul instant ?
Au milieu d'une chaleur brûlante, un homme se trouve enveloppé d'un manteau dont la pesanteur l'accable, et il lui est impossible de s'en décharger. Si une multitude d'insectes sont renfermés dans ce manteau, s'ils dévorent, s'ils tourmentent sans relâche par leurs piqûres le malheureux qui en est revêtu, que de douleurs n'éprouvera-t-il pas ? .... Si la honte se joint encore à ce supplice ; si le manteau
est sale et déchiré, les lambeaux, les taches multipliées, qu'on
aperçoit sur ce vêtement, ne peuvent que doubler sa peine ; c'est en
présence d'une compagnie respectable qu'il paraît dans un état aussi humiliant : n'est-ce pas là, Seigneur, une figure imparfaite de l'état d'une âme accablée, dans le purgatoire, par la vue de ses péchés ? ....
Oh ! qu'il est pesant ce manteau d'iniquités dont elle est chargée ! ....
Quelle
confusion ne ressent-elle pas d'être aperçue par vos divins regards et
par toute la cour céleste sous ce vêtement d'ignominie ! Toutes ses
fautes sont autant de vers rongeurs qui la déchirent et ne lui laissent point de repos.
Que nous serions insensibles, ô mon Dieu ! si nous ne cherchions pas à soulager les âmes placées
dans une position si douloureuse ! Mais que nous sommes aveugles de
songer si peu nous-mêmes aux moyens de satisfaire à votre justice. Nous
nous empressons d'éviter tout ce qui déplaît à nos sens : les incommodités des saisons,
une légère souffrance, quelques contradictions dans nos goûts,
suffisent bien souvent pour exciter nos plaintes et nos murmures ; nous
ne les endurons qu'avec peine ; nous mettons tout en œuvre pour nous les
épargner. Et nous oublions que c'est votre miséricorde qui nous frappe
en ce monde, pour nous éviter dans l'autre les coups de votre rigueur.
Ranimez
notre foi, Seigneur, daignez former en nous l'esprit de pénitence, et
pénétrez bien nos cœurs de la douleur de nos fautes, afin que nous ne
soyons pas accablés dans la vie future par ce redoutable fardeau.
II. Éclairez-moi de plus en plus, ô mon Dieu ! et faites-moi connaître les sentiments d'une âme, à la vue des péchés
qui la retiennent éloignée de vous ; afin que je compatisse à ses
peines, et que je m'épargne à moi-même de semblables regrets.
Je considère dans le purgatoire un
pécheur que votre miséricorde a longtemps supporté sur la terre, et qui
s'est enfin repenti de ses iniquités. Vous lui avez remis la peine
éternelle qui était due à ses crimes ; vous lui avez rendu votre amour ;
mais il a donné peu de temps à la pénitence ; il ne l'a pas embrassée
avec assez d'ardeur, et votre justice doit être satisfaite dans l'autre
vie. Le voilà donc rendu à lui-même, séparé de tous les objets qui pouvaient partager ses pensées, et lui faire perdre le souvenir de ses honteux déréglements.
Il
repasse dans son esprit cette longue suite d'ingratitudes, par
lesquelles il semblait chercher à lasser votre patience : tant de
préceptes violés, tant de remords étouffés, tant d'actions, de paroles, de pensées, de désirs coupables, qui doivent attirer sur lui le poids de votre indignation. C'est alors qu'il comprend l'étendue de cette miséricorde que vous aviez exercée à l'heureuse époque de sa conversion.
Comme il se reproche de l'avoir si aisément perdue de vue, d'avoir cessé de gémir sur des fautes
dont votre bonté devait lui faire mieux comprendre la malice, de
n'avoir pas fait une pénitence assez généreuse, pour répondre à votre
amour et se purifier entièrement !
Je considère encore une âme juste, qui a eu le bonheur
de conserver votre grâce ; mais qui a souvent contristé votre Esprit
Saint par de légères infidélités. Plus cette âme est pure, plus elle a
d'amour pour vous, ô Dieu infiniment saint ! plus aussi elle a horreur des moindres
taches qu'elle aperçoit en elle, plus elle a de douleur de ne pas avoir
eu soin de les éviter, ou de les faire disparaître, dans le temps où elle le pouvait
si aisément. Elle se dit à ellemême avec amertume : « Si j'avais obéi à
mon Dieu dans cette occasion où il m'en coûtait si peu, si je ne lui
avais pas refusé ce sacrifice, cette parole, si j'avais gagné cette
indulgence, je ne serais pas à présent séparée
de lui. Je ne me verrais pas couverte de ces taches honteuses qui lui
déplaisent, et je goûterais avec les Saints les délices de son amour. »
Regrets inutiles : les larmes ne purifient plus quand on a laissé
passer le temps de la miséricorde ; il faut que cette âme affligée demeure chargée du poids de ses offenses, sans pouvoir les effacer par ses soupirs !
PRIÈRE.
Mon
Dieu ! qui me donnez la grâce de prévoir ces châtiments, accordez-moi
encore celle de les éviter par une fidélité sans borne et une pénitence
sévère.
La charité couvre la multitude des pèches ; je veux donc vous aimer beaucoup, afin que vous puissiez me remettre beaucoup de fautes ;
marcher avec courage dans les voies de la mortification ;
conserver
dans mon cœur la douleur de vous avoir déplu, et recourir souvent à
votre miséricorde, pour obtenir mon pardon et celui des âmes qui ne peuvent plus vous fléchir.
Par J.-C. N.-S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Trois cents jours d'indulgences chaque fois qu'on récite l'invocation
suivante, avec dévotion et un cœur contrit :
Jésus, Marie, Joseph,
Je vous donne mon cœur, je vous donne ma vie ;
Jésus, Marie, Joseph,
Venez à mon secours lors de mon agonie ;
Jésus, Marie, Joseph,
Que par vous dans la paix je termine ma vie.
Il
n'est pas nécessaire de suivre la formule littérale de cette prière, il
suffit qu'on invoque les saints noms de Jésus, de Marie et de Joseph,
et qu'on demande les grâces qui y sont mentionnées.
Les
personnes malades, ou peu occupées, pourraient dire cette invocation
sur chaque grain de leur chapelet.— Indulgence de cent jours lorsque
l'on ne dira qu'une de ces prières jaculatoires. (Décret du 28 Avril 1807.)
Sixième jour
Sur la peine qu'on ressent en purgatoire, par la vue des péchés qu'on a donné occasion de commettre.
C'est une satisfaction bien douce, aimable Jésus ! pour les Saints, qui ont imité votre zèle, de voir dans le ciel des âmes qui leur sont redevables de la félicité qu'elles goûtent. Qu'il est consolant d'avoir travaillé à vous gagner des cœurs, quand on sait combien vous désirez d'allumer le feu
de votre amour sur la terre ; mais qu'il est douloureux de penser qu'on
a contribué à renverser votre empire, et à perdre les âmes qui ont coûté tout votre sang. Voilà Seigneur une des peines qui se font sentir dans le purgatoire. Aidez-moi à la bien comprendre, et ne permettez pas que j'en fasse l'expérience dans ce lieu de douleur.
I. Une âme juste, qui vous connaît et vous aime, ô mon Dieu ! comme on le fait
dans la vie future, souffre un tourment bien rigoureux en voyant les
iniquités qui la séparent de vous. Elle souffre peut-être plus encore,
en considérant les péchés qu'elle a fait commettre aux autres, parce que
l'amour du prochain,
se réunissant à l'amour qu'elle a pour vous, augmente sa douleur, a 0
mon Dieu ! s'écrie-t-elle, si je n'avais offensé que vous, je pourrais
adoucir mes regrets en pensant que ces flammes me purifient de mes
fautes ; mais comment pourrais-je réparer le mal
que j'ai fait à mes frères par mes mauvais exemples et mes conseils ?
Je devais les porter au bien ; vous m'aviez commandé de les aimer comme
vous nous avez aimés vous-même ; vous, Seigneur, qui n'avez pas cru en
faire trop, en descendant du ciel et en donnant votre vie pour nous procurer le salut. Mais au lieu de les sauver, j'ai travaillé à leur perte. C'est en marchant sur mes traces et en écoutant mes paroles, qu'ils se sont éloignés de vous. »
Mon Dieu ! dira cette personne chargée par état de veiller sur les âmes que la Providence avait confiées à sa garde : « Vous m'aviez donné des enfants, des serviteurs, des élèves.
C'étaient là de précieux dépôts dont je n'ignorais pas que je devais un
jour vous rendre compte, et j'ai négligé d'en prendre soin. Mon peu de
vigilance sur leur conduite, mon peu de zèle pour les instruire et les
porter au bien, a été la cause de leurs chutes : j'ai laissé périr sans
culture ces plantes que vous aviez arrosées de votre précieux sang.
Si
un grand prince m'avait confié l'éducation de ses enfants, je n'aurais
rien négligé pour m'acquitter dignement d'un emploi si honorable. Vous
êtes le père de ceux dont vous m'aviez
promis de regarder comme fait à vous-même tout ce que je ferais pour
eux, et de récompenser mes efforts par une gloire éternelle. Que je suis
coupable d'avoir si mal répondu aux vues de votre amour ! »
Je plains, ô mon Dieu ! le sort de ceux qui sont livrés à ces remords déchirants dans le purgatoire ; je vous supplie d'exercer sur eux votre clémence, et de leur donner la paix et le repos.
Mais ne pourrais-je pas m'adresser à moi-même de semblables reproches,
et n'ai-je pas bien sujet de craindre les rigueurs de votre justice, si
je ne profite pas des lumières que votre
bonté me donne en ce moment ? Pardon, Seigneur, de tant de scandales et
d'omissions dont je me suis rendu coupable ; aidez-moi à les expier par
mon repentir, et à réparer le tort que j'ai fait à votre gloire, en m'appliquant avec zèle à procurer le salut de mon prochain.
II. Je n'ai pas encore compris, ô mon Dieu ! tout ce qu'il y a de pénible dans les regrets d'une âme qui gémit en purgatoire, sur les péchés dont elle a été la cause. La vue des maux
que ces fautes ont attirés sur ceux qui les ont commises, est encore
pour elle un tourment bien digne d'exciter notre compassion.
Pour qui cette âme a-t-elle été une occasion de scandale et de chute ? Pour des frères, des sœurs, des amis ou des parents
chéris, qui sont peut-être avec elle dans ce séjour d'expiation. Elle
voit leurs souffrances, elle entend leurs plaintes ; combien elle doit
souffrir elle-même en songeant qu'elle est la cause de leurs douleurs !
Mais si le scandale avait été donné dans une matière importante, si l'àme, qui l'a reçu, avait été précipitée dans un abime éternel !
O
mon Dieu ! je m'arrête et je frémis à cette pensée déchirante ; il
n'est pas possible de concevoir et d'exprimer tout ce qu'il y a d'amer
dans ce reproche de la conscience
: J'ai perdu une âme, elle criera éternellement vengeance contre moi, dans l'enfer.
Il y a encore sur la terre des amis, des frères
vivants que l'on a portés au mal ; ils continuent de suivre les
exemples de cette âme ; elle sait qu'ils offensent Dieu, qu'ils sont en
danger de se perdre ; elle sent qu'elle est l'auteur de tous ces maux ;
et elle ne peut plus les arrêter !!!
PRIÈRE.
Ah
! Seigneur, je conçois maintenant que mes offenses ne sont pas les
seules qui doivent exciter mes craintes, et qu'on ne saurait répandre
trop de larmes, quand on a eu le malheur de porter les autres à pécher.
Je l'ai eu ce malheur, et je le déplore en votre présence ;
mais je vais commencer une vie nouvelle avec le secours de votre grâce.
Je m'efforcerai par mes paroles et par mes exemples de porter mes frères à vous servir ;
je veillerai avec plus de soin sur les âmes que votre providence à confiées à ma sollicitude, et je vous demanderai souvent pour elles et pour moi le pardon et les grâces dont nous avons besoin.
Bénissez mes résolutions, divin Jésus ;
faites passer dans mon cœur, pour les rendre efficaces, une partie du zèle qui consume le vôtre, et recevez, pour la délivrance des âmes que votre justice retient captives, toutes les œuvres de charité que je pourrai embrasser.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgence de cent jours , une fois par jour, à ceux qui réciteront
avec dévotion les pieuses aspirations suivantes :
Vive, vive Jésus, cette divine hostie,
Qui pour nous répandit tout son sang sur la croix !
C'est dans ce sang si pur que nous eûmes la vie....
Pour bénir sa bonté, réunissons nos voix.
Qui pour nous répandit tout son sang sur la croix !
C'est dans ce sang si pur que nous eûmes la vie....
Pour bénir sa bonté, réunissons nos voix.
Que ce sang précieux soit loué d'âge en âge ;
C'est lui qui du monde acquitta la rançon ;
C'est lui qui de notre âme est le divin breuvage ,
Le bain sacré, la guérison.
C'est lui qui du monde acquitta la rançon ;
C'est lui qui de notre âme est le divin breuvage ,
Le bain sacré, la guérison.
Oui, le sang de Jésus comble notre espérance,
Et du Père éternel apaise le courroux !
Le sang du jeune Abel au ciel criait vengeance,
Mais celui de Jésus crie grâce pour nous.
Et du Père éternel apaise le courroux !
Le sang du jeune Abel au ciel criait vengeance,
Mais celui de Jésus crie grâce pour nous.
Si
de ce sang nos cœurs présentent quelque image, L'ange exterminateur
rapidement s'enfuit : Si l'on rend à ce sang gloire et tribut
d'hommage, Le ciel s'émeut de joie, l'enfer vaincu rugit.
Chantons donc de concert, du fond de notre cœur : Gloire soit à jamais au sang du Rédempteur !
(Rescrit du 18 Octobre 1815.)
Septième jour
Sur la peine que les âmes du purgatoire endurent par la vue des bienfaits de Dieu.
J'adore,
ô mon Dieu ! l'équité de vos jugements, qui éclate dans vos châtiments
aussi bien que dans vos récompenses. Vous ne laisserez aucune de nos
œuvres sans la punir ou la couronner dans la vie future. Tous nos pas,
toutes nos paroles seront comptés : un verre d'eau douné pour l'amour de
vous aura une gloire éternelle pour récompense, et toutes nos
infidélités nous seront reprochées. Ce n'est pas seulement sur les
péchés que nous avons commis que vous exercerez votre jugement. Vous
nous rappellerez le souvenir des grâces que vous nous aurez accordées, et vous nous demanderez compte des fruits qu'elles auront produits en nous. Les Saints conserveront dans le ciel
ce précieux souvenir, ils seront pénétrés d'un transport éternel
d'amour et de reconnaissance, en considérant vos miséricordes. On
conservera aussi dans le purgatoire la mémoire de vos bienfaits ; mais cette vue, si douce pour les bienheureux, ne sera qu'un sujet de regret et de douleur pour les âmes qui
auront abusé de vos dons précieux. Je vais, ô mon Dieu ! méditer devant
vous l'étendue de cette souffrance, afin de me l'épargner à moi-même,
et de soulager les âmes qui l'éprouvent en ce moment.
I. On méditera dans le purgatoire, et
l'on méditera sans distraction, sur les faveurs qu'on aura reçues de
Dieu, et sur l'ingratitude avec laquelle on les aura méprisées. Toutes
les grâces reviendront à la pensée ; on comprendra alors combien l'on
s'est rendu coupable, en dédaignant les trésors de la divine bonté. Il
me semble entendre, ô mon Dieu ! la voix d'une âme qui fut autrefois
l'objet de votre prédilection, et qui gémit sur l'abus des grâces
intérieures qui lui ont été prodiguées. « Que sont devenus,
s'écrie-t-elle dans sa douleur, ces temps heureux, où Dieu me parlait au
cœur, comme un tendre père parle à l'enfant qu'il aime. Avec quelle
bonté il m'invitait à lui donner mon amour, à m'occuper de lui, à
retrancher ce défaut, à lui faire ce sacrifice ! » J'entendais ces
inspirations et je reconnaissais la voix de sa grâce ; mais j'ai endurci mon cœur, et j'ai refusé de répondre à ses desseins.
A
quoi ont servi tant de remords qui m'ont reproché mes fautes ? tant de
bons désirs, de saints attraits que l'Esprit Saint a formés en moi ? Je
versais quelques larmes ; je prenais des résolutions aux pieds du Seigneur,
et je les oubliais presque aussitôt pour suivre mes penchants, sans
être arrêté par la crainte de lui déplaire. Combien de fois ne m'a-t-il
pas invité à me livrer au saint exercice de l'oraison, pour entendre ses
leçons, lui exposer mes besoins, puiser dans le trésor
de ses grâces ! Je me suis rendu tous ces secours inutiles, par mon peu
de ferveur ; je n'ai pas voulu répondre à l'amour de mon Dieu, et
maintenant je ne sens plus que le poids de son indignation.... »
C'est ainsi que la connaissance des bienfaits de Dieu, qui doit faire notre bonheur dans le ciel, devient dans le purgatoire le tourment des âmes qui n'ont pas voulu y correspondre. Prévenons ce tourment en disant à Dieu du fond
de notre cœur : « Dieu de bonté ! qui exercez depuis si longtemps sur
moi votre clémence, vous me faites la grâce de reconnaître mon portrait
dans ce tableau que votre lumière me découvre.
Et moi aussi j'ai souvent endurci mon cœur contre la voix de votre
grâce. Attendrai-je, pour réparer ce malheur, le temps
où les remords seront sans fruit, et les satisfactions sans mérite.
Non, mon Dieu, je veux m'appliquer dès ce moment, par mon repentir, ma
reconnaissance et ma fidélité à votre grâce, à réparer l'abus que j'ai
fait de vos dons. Pénétrez mon cœur du souvenir
de vos bienfaits et de mon ingratitude. Conservez-y toujours ce double
sentiment, pour me servir d'aiguillon dans votre service, et faites que
je sois sans cesse occupé sur la terre à vous témoigner ma
reconnaissance, pour que je puisse encore chanter vos miséricordes dans
l'éternité. »
II. On considérera dans le purgatoire toutes les grâces qu'on aura reçues durant la vie ; grâces intérieures, qui n'auront été aperçues que par le cœur,
ou plutôt, ô mon Dieu ! qui n'auront été bien connues jusqu'alors que
parvotre miséricorde infinie ; car qui peut savoir tout ce que vous
opérez dans une âme que vous voulez attirer à vous ? Grâces extérieures :
c'est ce qui me reste à considérer en votre présence, afin de mieux
comprendre les regrets qu'on se prépare quand on ne profite pas de vos
dons.
Quelle
longue suite de bienfaits se présente à ma pensée, divin Jésus !
lorsque je me représente les moyens que vous avez établis pour nous
appliquer les mérites de votre précieux sang ! A peine m'aviez-vous
accordé le bienfait de l'existence que vous m'avez rendu par le baptême l'enfant de Dieu et de l'Église, votre frère, votre membre, et le cohéritier de votre gloire ; des parents chrétiens, des maîtres
zélés ont dirigé mes pas dans la voie de vos commandements ; vous
m'avez donné dès ma jeunesse un confesseur charitable, dont les avis
auraient dû opérer en moi les plus heureux effets ; vous me prodiguiez des instructions qui auraient produit des fruits au centuple dans une terre moins ingrate ; la voix de vos ministres, de saintes lectures, des exemples édifiants, des conseils
salutaires me pressaient continuellement de vous servir avec plus de
fidélité, et j'ai résisté à toutes ces invitations. Combien de
communions qui devaient enrichir mon âme des vertus
renfermées dans votre cœur adorable, et qui me sont devenues inutiles
par mon peu de préparation et de recueillement ! Vous me conduisiez dans
la retraite pour me faire entendre votre voix avec plus de force ;
tantôt vous me ménagiez des occasions de me recueillir, et vous communiquiez à ceux que vous m'aviez donnés pour guides des lumières
plus pénétrantes sur mes besoins, un zèle ardent pour me retirer de ma
langueur ; et moi, je me dérobais à leur vigilance, afin de me perdre
plus aisément ; j'arrêtais votre main bienfaisante, en persévérant dans
ce défaut qui vous fermait mon cœur. Où serais-je, ô mon Dieu ! si votre
bonté n'avait surpassé ma malice ; ces flammes dévorantes
auraient-elles suffi pour me faire expier mon ingratitude, si vous
m'aviez retiré, comme je le méritais, les grâces qui m'ont retenu sur le bord de l'abîme éternel ? Ah ! comment ai-je pu vous aimer si peu, vous qui ne cessiez de me combler des marques
de votre bonté et de votre miséricorde ? Comment ai-je pu , pour une
légère satisfaction, pour ne pas m'imposer un peu de contrainte, un
faible sacrifice, consentir à vous déplaire et me mettre dans la
nécessité de demeurer éloigné de vous !
Tels sont, dans le purgatoire, les
regrets d'une âme juste qui n'a pas toujours été fidèle aux grâces dont
Dieu l'a comblée. Mais il faudrait aimer comme elle pour concevoir la
douleur que ces remords lui font éprouver.
PRIÈRE.
Faites-moi
sentir, Seigneur, autant que j'en suis capable, cet amour qui pénétrera
nos cœurs, lorsque nous connaîtrons vos perfections adorables dans la
vie future, afin que je puisse aussi gémir, comme je le dois, sur les ingratitudes dont je me suis rendu coupable envers vous.
Il
me sera doux de pleurer maintenant l'abus de vos bienfaits et de
l'expier en portant votre croix, parce que ma pénitence unie à la vôtre
me rendra plus agréable à vos yeux, et plus digne de vos récompenses.
Aidez-moi donc à prévenir des regrets
stériles, par un repentir efficace, et purifiez-moi entièrement dans ce
monde par la mortification, par l'amour, par la reconnaissance, afin
que je ne sois point séparé de vous quand je sortirai de cet exil, et
que les eflets de votre miséricorde ne soient jamais le sujet de ma condamnation.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Ceux qui récitent le Veni
Creator, ou la prose de la
Pentecôte Veni, sancte Spiritus, et emitte cœlitûs, etc., gagnent chaque
fois cent jours d'indulgences et de plus une indulgence plénière tous
les mois, s'ils l'ont récité tous les
jours et font la sainte communion après s'être confessés. Ils doivent
prier selon les intentions ordinaires. (Bref du 20 Mai 1790.)
Huitième jour
Sur la peine qu'on endure dans le purgatoire.
Le péché souille l'âme qui le commande, et le corps qui l'exécute. Il doit donc être puni dans l'âme et dans le corps, et c'est là, ô mon Dieu ! ce qui s'accomplit par votre justice dans le purgatoire. L'âme spirituelle souffrira, par un effet de votre puissance infinie, des peines
sensibles, pour expier les fautes qu'elle aura commises dans les sens
qui lui auront servi d'organes, « Celui dont les œuvres auront été
imparfaites sera sauvé, dit le grand Apôtre ; mais il sera sauvé comme par le feu (1). » Et les Pères de l'Église, interprétant ce passage, entendent par ce feu celui qui purifie les justes dans le purgatoire,
et nous enseignent que les tourments qu'on y endure surpassent tout ce
qu'on peut souffrir de plus rigoureux ici-bas. Je vais, Seigneur,
descendre par la foi dans ces brasiers ardents, où mes amis et
mes parents gémissent peut-être, afin de compatir aux souffrances de
ceux qui les habitent, et de concevoir l'horreur que je dois avoir pour le péché qui vous a contraint de les créer.
(1) S. Paul, 1. Cor., ch. 3, v. 1S.
I. Le feu de ce monde, ô mon Dieu ! a été allumé par votre miséricorde afin de servir à nos besoins, et cependant nous le regardons, avec raison, comme le plus rigoureux de tous les supplices. Quelle doit donc être la rigueur du feu allumé par votre justice, afin de punir nos offenses et de réparer l'injure faite à votre grandeur infinie, par le péché ? Oui, ce feu surnaturel aura des qualités
bien différentes de celui que nous voyons sur la terre. Ce sera un feu
qui agira sous votre divine influence, et qui participera en quelque
sorte de votre puissance, de votre justice, de votre sainteté. La
violence de la douleur nous empêche quelquefois de la sentir dans toute
son étendue, parce qu'elle nous fait perdre la connaissance ; un feu
ardent se détruit bientôt lui-même, et il ne lui faut pas longtemps pour
ôter à ceux qu'il consume le sentiment et la vie ; mais il n'en sera pas ainsi de celui du purgatoire : ce feu participera de votre puissance, il ne se consumera point lui-même. Son activité est toujours égale, et le sentiment
de la douleur qu'il produit ne s'affaiblit point en se prolongeant. Il
participe encore de votre justice ; il découvre dans l'âme jusqu'aux
moindres souillures, et ne laisse rien sans châtiment ; il punit dans la
langue les paroles coupables qu'elle a prononcées, dans les yeux, tous
les regards qui les ont profanés, dans les oreilles, tout ce qu'elles
ont écouté de contraire à votre loi. Oh ! combien l'âme, tourmentée par
ce feu terrible, regrette de n'avoir
pas réduit son corps en servitude par une mortification générale ! comme
elle se reproche d'avoir accordé à ses sens tout ce qui pouvait les
satisfaire, au lieu de s'en servir pour pratiquer une pénitence par
laquelle il lui était si aisé de se purifier ! Je n'attendrai pas, ô mon
Dieu ! d'éprouver moi-même un si redoutable châtiment, pour réparer les
fautes que j'ai commises par toutes les portes de mon âme. Je me
mortifierai dans mes paroles, dans toute ma conduite, je ne me servirai
plus de mes sens que pour votre gloire et pour l'accomplissement de
votre volonté. Soutenez-moi, Seigneur, car ma faiblesse est incapable de
tout sans votre grâce. Je vous offre, pour l'expiation de mes offenses,
et pour le soulagement des âmes qui se purifient dans les flammes, ces légers sacrifices que je suis résolu de m'imposer.
II. Ce qu'il y a peut-être de plus terrible, ô mon Dieu ! dans le feu du purgatoire, c'est l'intelligence et le discernement
que vous lui donnez pour reprocher à l'âme les fautes qui l'ont
éloignée de vous. Ce feu vengeur de votre sainteté outragée distingue le nombre,
les circonstances de toutes les infidélités qui ont été commises ; il
rappelle à l'esprit toutes les pensées déréglées, au cœur toutes les
affections coupables ; il porte avec lui une lumière pénétrante qui
montre à découvert tout ce qu'il y a d'affreux dans le péché, et en fait sentir toute la confusion. Alors, l'âme est déchirée tout à la fois par le désir ardent qui la porte à s'élancer vers vous, et le sentiment
de son indignité qui l'accable de honte. Elle ne regarde plus comme de
petites choses ces fautes qu'elle excusait avec tant de facilité, et si
elle voulait encore se justifier sur la légèreté de la matière, sur sa
jeunesse, sur le peu de temps qu'elle a passé sur la terre, le feu vengeur lui répondrait : « Tu n'en as été que plus coupable en refusant à ton Dieu, pendant ce peu de jours, des sacrifices si légers, qui devaient te procurer le bonheur de lui être uni pour l'éternité. » Du moins,
Seigneur, si l'on pouvait se dire au milieu de ces terribles
souffrances, ce que les Martyrs se disaient autrefois dans les
supplices, ce que le chrétien infirme
peut encore se dire aujourd'hui sur son lit de douleur : « Les peines
que j'endure me rendent plus agréable aux yeux de Dieu ; je lui donne des témoignages
de mon amour ; je deviens semblable à Jésus-Christ, et mes souffrances
unies aux siennes seront toutes récompensées par une gloire infinie.
Mais on ne peut plus tenir ce langage, quand on est entré dans le règne
de votre justice. Les peines sont alors sans aucun mérite, parce
qu'elles ne sont plus volontaires, et que Jésus-Christ ne souffre plus
avec nous.
Cependant,
Seigneur, votre miséricorde vous porte à désirer de trouver quelqu'un
qui arrête votre bras, en satisfaisant pour ces âmes que
vous ne frappez qu'à regret. Eh bien ! me voici prêt à embrasser tous
les moyens que votre bonté me présente pour les soulager : les bonnes
œuvres, les prières, les sacrements, les indulgences, les occasions de
souffrir que votre providence me ménage, et toutes les privations que je
pourrai m'imposer.
PRIERE.
0 Marie ! vous que l'Église appelle avec tant de raison la consolatrice des affligés et le salut des infirmes, venez au secours de ces âmes souffrantes, et daignez employer en leur faveur votre puissante intercession.
Saint Alphonse m'apprend que votre nom suffit pour leur procurer de la consolation lorsqu'il retentit dans le lieu de leurs douleurs, et que vos prières sont comme une douce rosée qui descend dans les flammes pour en tempérer les ardeurs.
J'invoquerai donc souvent votre nom, auguste Marie, je ne me lasserai point d'implorer votre bonté pour moi et pour ces âmes affligées, je mettrai entre vos mains tout ce que je ferai pour leur soulagement.
Mes
péchés me rendent indigne d'obtenir les grâces que je sollicite, mais
vos vertus et vos glorieux priviléges vous donnent tout pouvoir auprès
de votre Fils, et je serai toujours exaucé en vous prenant pour mon
appui.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Ceux qui disent avec dévotion et à genoux le De Profundis et le Requiem œternam, gagnent chaque fois une indulgence de cent jours. Cette prière doit se dire une heure après l'Angélus, c'est-à-dire à l'entrée de la nuit. — Ceux qui ne savent pas le De Profundis, peuvent dire un Pater et un Ave en ajoutant : Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel, et que votre lumière luise à jamais sur eux. »
Il
y a indulgence plénière une fois par an pour ceux qui l'auront ainsi
récitée tous les jours, pourvu que confessés ils communient et prient
selon les intentions de l'Église. (Bref du 14 Août 1736 et rescrit du 18 Mars 1781.)
Neuvième jour
Sur la durée des souffrances du purgatoire et l'oubli des vivants à l'égard des morts.
Qu'il est redoutable, ô mon Dieu ! ce feu vengeur et surnaturel allumé dans le purgatoire pour
suppléer à la pénitence que n'ont pas faite les pécheurs convertis, et
pour faire expier aux justes les péchés même les plus légers dont ils se
sont rendus coupables ! Mais si, revenant sur les méditations
précédentes, je jette un coup d'œil sur les regrets que fait éprouver
aux âmes du purgatoire l'abus des grâces sans nombre qu'elles ont reçues, et des moyens de sanctification qui leur ont été prodigués ; si on joint à ce tableau la vue des péchés
qu'elles ont commis ou fait commettre ; si on y joint surtout, ô mon
Dieu ! ce ver rongeur, ce tourment de l'amour qu'elles ont pour vous, et
qui leur fait désirer si ardemment de s'unir à vous, sans pouvoir
l'obtenir : quelles souffrances peuvent être comparées à celles d'une
âme du purgatoire ? Il n'en est pas sur la terre, nous disent les saints Docteurs, et cependant on peut encore y ajouter la longueur du temps que durent ces peines, et l'oubli dont nous nous rendons coupables envers elles.
I. Combien de temps doivent durer les souffrances des âmes du purgatoire ? c'est le secret de la Divinité.
Vous
seul, ô mon Dieu ! pouvez connaître la juste proportion qu'il doit y
avoir entre les dettes que nous avons contractées envers vous et la
ferveur que nous avons mise à les payer.
L'enseignement
de votre Eglise ne nous apprend rien sur cela ; mais sa conduite
toujours sage, toujours dirigée par vous, a de quoi nous effrayer.
Dès les premiers siècles, elle voulait qu'on fit des prières, qu'on chantât des psaumes, qu'on offrît le saint sacrifice de la messe, le troisième, le neuvième, le quarantième jour ; qu'on fit même l'anniversaire et qu'on le répétât plusieurs fois....
0
vous ! qui gémissez depuis longtemps dans un lit de douleur, dites-nous
s'ils passent vite les moments de souffrance ; dites-nous combien elle
paraît longue la nuit qui vous laisse en proie aux gémissements et aux
larmes. Il n'est pas jusques au sommeil paisible qu'on voit goûter aux
autres qui ne fasse sentir plus vivement la peine d'en être privé On compte les heures, on attend le jour
avec impatience, et quand il est arrivé, que de nouveaux genres
d'inquiétudes et de tourments semblent se donner rendez-vous autour du malade ! . . . . Mille soucis, mille préoccupations l'agitent, les jours lui paraissent des années, et les années des siècles.
Que sera-ce donc dans le purgatoire, ô mon Dieu ! où les maux sont si cruels ! Que sera-ce d'y rester plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années, et même plusieurs siècles !
Or, l'Église permet les anniversaires séculaires, et elle nous fait entendre par-là qu'il y a des pécheurs qui, en compensation des peines de l'enfer qu'ils ont méritées par leurs péchés, feront pénitence dans le purgatoire pendant plusieurs siècles, et même jusques à la fin du monde. Justice infinie de mon Dieu, que vous êtes
redoutable, et que nous sommes aveugles d'y penser si peu ! A quoi
pensons-nous donc, et que peut-il y avoir qui soit plus digne de notre
attention, qui demande de notre part plus de prévoyance ?
Réveillez,
Seigneur, toute mon attention sur ces vérités importantes et pratiques ;
faites que je les médite pour moi, qui puis encore les mettre à profit,
et pour les âmes du purgatoire que je puis soulager, et que j'ai trop oubliées jusqu'à présent : oubli que je dois me reprocher, pour l'éviter à l'avenir.
II. Les âmes du purgatoire savent, comme nous et mieux que nous, la facilité que nous avons de les soulager et d'abréger le temps de leurs souffrances ; elles voient de temps en temps des compagnes de leur malheur, qui sont délivrées par les prières des vivants, par le saint
sacrifice de la messe, par toutes sortes de bonnes œuvres. Quel
redoublement de peines elles doivent éprouver en voyant qu'on les
oublie!
Ecoutons le langage
que leur prête l'Église dans ses offices : ... « Ayez pitié de nous,
vous qui êtes nos amis, parce que la main redoutable du Tout-Puissant nous a frappés ; vous nous avez donné tant de marques d'attachement, d'intérêt et de tendresse pendant la vie, ne vous resterait-il aucun sentiment de compassion après notre mort, dans le moment
où nous en aurions plus besoin ?.... Ayez pitié de nous, vous qui par
vos conseils, vos exemples, vos négligences à veiller sur notre
conduite, avez contribué à prolonger nos souffrances dans ce lieu
d'expiation !.... Ayez pitié de nous, vous qui partagiez nos plus douces
jouissances, nos fêtes brillantes, nos repas somptueux, ces plaisirs
frivoles, s'ils n'étaient pas criminels, dont nous expions ici les
fausses et coupables délices !.... Ayez pitié de nous, vous qui habitez
nos maisons, qui possédez nos champs ! Pourriez-vous nous oublier,
tandis qu'il vous est impossible d'ouvrir les yeux, de faire un pas,
d'entretenir une conversation sans que notre nom et nos bienfaits se
présentent à vous ?.... Ayez pitié de nous, vous qui avez hérité de
notre fortune, et que nous avons spécialement chargés, par des legs et des fondations, de faire acquitter le saint sacrifice de la messe, et de distribuer des aumônes aux pauvres, pour obtenir le repos après lequel nous soupirons ! comment ne rougissez-vous pas de nous oublier, de nous refuser une si petite portion des biens que nous vous avons laissés. Ayez pitié de nous, vous qui pleurez encore notre mort, qui nous érigiez des monuments
couverts d'éloges fastueux ! Eh ! que nous importent aujourd'hui ces
vains arrangements de mots, ces monuments de marbre et d'airain ? Ni vos
larmes, fruit de la sensibilité, ni vos pompes funèbres, inspirées par
l'amour propre, ni vos éloges mensongers, ne peuvent nous être utiles et
soulager nos maux : quelques prières ferventes, quelques larmes de
pénitence, quelques aumônes versées dans le sein des pauvres, mais principalement le saint
sacrifice de la messe que vous feriez offrir pour nous, voilà ce qu'il
nous faut, voilà ce qui nous consolerait, voilà ce qui adoucirait nos
douleurs, voilà ce qui abrégerait le temps de nos souffrances. »
Ai-je pensé, ô mon Dieu ! que les âmes qui
m'adressent un langage si touchant sont celles de mes parents, de mes
amis, de mes bienfaiteurs, de ce père et de cette mère qui m'étaient si
chers ?.... Ai-je pensé que c'est tel N. ou tel N. morts depuis
longtemps peut-être, dont j'habite la maison, dont je possède les biens,
et envers lesquels j'use de prescriptions pour me délivrer des obligations
qui m'ont été imposées ? Ai-je pensé que c'est l'âme de tel N. mort
depuis peu, que j'aimais, que j'aime encore, qui cherche
à remuer mon cœur, à réveiller ma foi, à invoquer ma générosité ?
pourrais-je négliger encore les sacrifices qu'ils me demandent ? Non,
Seigneur, je ne serai pas insensible à ces tendres reproches....
RÉSOLUTIONS.
Je vous remercie, ô mon Dieu ! de m'avoir rappelé des obligations qu'il est si facile de perdre de vue : cette Octave des morts a fait sur moi une vive impression.
Pendant le reste de ce mois de
Novembre, en m'instruisant de plus en plus sur la charité envers les
morts, je continuerai à offrir mes prières, mes communions, le saint
sacrifice de la messe auquel j'assisterai, les indulgences que je
gagnerai, et généralement toutes les bonnes œuvres que je ferai, pour le soulagement des âmes du purgatoire.
Tous les Lundis je prierai spécialement pour elles. Le premier Lundi de chaque mois surtout,
je redoublerai de zèle et de ferveur pour obtenir leur délivrance.
J'assisterai au saint sacrifice de la messe à cette intention ; je
relirai une des méditations propres à me rappeler cet important devoir, et la résolution que je prends de le remplir avec plus de fidélité. J'y trouverai le double avantage que je me suis promis pendant cette Octave, celui de soulager mes frères, et celui de me préserver, du moins en partie, des souffrances que j'éprouverais dans ce séjour de douleur, si je n'avais pas fait une sévère pénitence de mes péchés.
PRIÈRE.
Bénissez, ô mon Dieu ! les saintes et salutaires dispositions que vous m'inspirez.
Et vous, Vierge sainte, mère des affligés, obtenez-moi la grâce de les avoir sans cesse devant les yeux.
Mon
bon Ange gardien, donnez-moi de temps en temps quelques-uns de ces
avertissements intérieurs qui sont si intimes, si touchants, si
efficaces quand on s'y rend attentif.
Mon saint Patron, Saints et Saintes du paradis, veillez sur nous, priez pour nous, afin que nous profitions de vos leçons et de vos exemples.
Ames souffrantes dans le purgatoire, qui
pouvez obtenir pour nous de nouvelles grâces et de nouvelles faveurs,
quoique vos prières soient devenues sans mérite et sans force pour vous,
priez pour nous au milieu de vos peines ;
nous travaillerons sans relâche à les abréger, et à vous ouvrir les portes du ciel où nous avons la confiance que vous nous restituerez au centuple tout ce que nous aurons fait pour vous.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Indulgences accordées à perpétuité par Pie VII (Bref du 7 Février 1817), à tous les Fidèles qui réciteront pour le repos des âmes du purgatoire,
avec un cœur contrit et en réfléchissant avec dévotion à la Passion de
N.-S. J.-C., cinq Pater et cinq Ave avec les versets que l'on trouve
plus bas.
1° Indulgence de trois cents jours pour chaque fois.
2° Indulgence plénière une fois par mois, pour tous ceux qui réciteront ces prières chaque jour du mois, le jour à leur choix, ou s'étant confessés et ayant commmunié, ils prieront pour les intentions de l'Église et pour le repos éternel des âmes du purgatoire.
PRIÈRES.
Cinq Pater et cinq Ave.
Nous vous supplions de venir au secours de vos serviteurs que vous avez rachetés par votre précieux sang.
Donnez-leur, Seigneur, votre repos éternel, et que votre lumière luise à jamais sur eux, qu'ils reposent en paix. Ainsi soit-il.
Dixième jour
La pensée du purgatoire doit nous inspirer plus de consolation que d'appréhension.
Après avoir médité les jours précédents sur l'état de souffrance et les diverses peines des âmes du purgatoire, pour
nous former une juste idée de cette portion de l'Église de J.-C.,
méditons aujourd'hui les réflexions de saint François de Sales, dont
l'opinion était que de la pensée du purgatoire nous pouvions tirer plus de consolation que d'appréhension.
« La plupart de ceux, disait-il, qui craignent tant le purgatoire, le font
en vue de leur intérêt et de l'amour qu'ils ont pour eux-mêmes, plus
que pour l'intérêt de Dieu. Il est vrai que les tourments en sont si
grands, que les plus extrêmes douleurs de cette vie n'y peuvent être
comparées ; mais aussi les satisfactions intérieures y sont telles,
qu'il n'y a point de prospérité ni de contentement sur la terre qui les
puissent égaler, quoiqu'elles soient encore infiniment inférieures aux
délices du paradis : car, autres sont les biens que Dieu donne pour la consolation des captifs, dit saint Augustin ; autres ceux qu'il a réservés pour faire la félicité de ses enfants.
1. Les âmes dans le purgatoire sont dans une continuelle union avec Dieu.
2.
Elles y sont parfaitement soumises à sa volonté, ou, pour mieux dire,
leur volonté est tellement transformée en celle de Dieu, qu'elles ne
peuvent vouloir que ce que Dieu veut : en sorte que, si le paradis
leur était ouvert, elles se précipiteraient en enfer plutôt que de
paraître devant Dieu avec les souillures qu'elles voient encore en
elles.
3. Elles s'y purifient volontairement et amoureusement, parce que tel est le bon plaisir divin.
4. Elles veulent y être en la façon qu'il plaît à Dieu et pour autant de temps qu'il lui plaira.
5. Elles sont impeccables, et ne peuvent avoir le moindre mouvement d'impatience, ni commettre la moindre imperfection.
6. Elles aiment Dieu plus qu'elles-mêmes et que toutes choses, d'un amour accompli, pur et désintéressé.
7. Elles y sont consolées par les Anges.
8. Elles y sont assurées de leur salut, dans une espérance qui ne peut être confondue dans son attente.
9. Leur amertume très-grande est dans une paix très-profonde.
10.
Si c'est une espèce d'enfer quant à la douleur ; c'est un paradis quant
à la douceur que répand la charité dans leur cœur ; charité plus forte
que la mort et plus puissante que l'enfer.
11. Heureux état plus désirable que redoutable, puisque ces flammes sont flammes d'amour et de charité !
12.
Redoutables néanmoins, puisqu'elles retardent la fin de toute
consommation, qui consiste à voir Dieu et à l'aimer, et, par cette vue
et cet amour, le louer et le glorifier dans toute l'étendue de l'éternité.
Si cela est ainsi, me dit-on, pourquoi tant recommander les âmes du purgatoire ? — C'est que, reprend saint François de Sales, malgré ces avantages, l'état de ces âmes est fort douloureux, et vraiment digne de notre compassion ; et d'ailleurs c'est que la gloire qu'elles rendront à Dieu dans le ciel
est retardée. Ces deux motifs doivent nous engager à leur procurer une
prompte délivrance par nos prières, nos jeûnes, nos aumônes et toutes
sortes de bonnes œuvres, mais particulièrement par l'offrande du sacrifice de la sainte messe.
Ainsi, d'une part, lorsqu'on réfléchit sur les tourments divers, sur les intolérables supplices du purgatoire, on y découvre bien des rapports avec l'affreuse demeure des réprouvés ; souffrances, privation, éloignement de l'Être infiniment parfait, infiniment aimable, c'est-à-dire la peine du dam, n'en est-ce pas assez pour se tracer l'image trop sensible du plus grand des maux
? N'est-on pas forcé de reconnaître tous les caractères d'un enfer
passager ? — D'autre part, en considérant la manière paisible dont ces âmes saintes
se sentent purifier de plus en plus par les souffrances ; la sérénité
inaltérable, l'inexprimable douceur de leur acquiescement à la volonté
suprême, les bénédictions continuelles qu'elles donnent aux coups les
plus rigoureux de la main adorable dont la pesanteur les accable : en
remarquant surtout leur charité consommée, peut-on s'y méprendre et ne
pas voir qu'il n'y a en ce lieu que des élus, des prédestinés, les vrais amis du bon Dieu, ses enfants, les héritiers de son royaume, et bientôt, si nous le voulons, les heureux possesseurs de son essence et de toute sa gloire ? Ne semble-t il pas même que déjà ces âmes goûtent le repos éternel, tant elles sont calmes au milieu des flammes expiatrices ? si elles ne contemplent pas encore face à face le Saint des saints, du moins
la visite, la société de ses Anges, les consolations admirables
qu'elles en reçoivent, enfin la certitude de leur future félicité, les
animent, les soutiennent, les établissent dans une paix profonde.
Cependant, quelqu'assurées qu'elles soient de plaire au Seigneur et d'en
jouir à jamais, leur douleur actuelle est extrême ; et ne perdons pas
de vue que nous pouvons les secourir, les soulager, abréger le temps de leur prison, et même les en délivrer.
Ces vérités sont sanctionnées par l'Église dans la prière pour les âmes du purgatoire qu'elle a insérée dans le canon de la messe, après la consécration. Le prêtre dit : « Souvenez-vous aussi, Seigneur, de vos serviteurs et de vos servantes N. N. qui, marqués du sceau de la foi, ont fini leur vie mortelle, pour s'endormir du sommeil
de paix.—Nous vous supplions, Seigneur, de leur accorder par votre
miséricorde, à eux et à tous ceux qui reposent en Jésus-Christ, le lieu
de rafraîchissement, de lumière et de paix ; par le même J.-C. N.-S. Ainsi soit-il. »
Remarquez ces expressions, tous ceux qui reposent en J.-C, n'est-ce pas indiquer une des prérogatives du paradis ? Mais en même temps elle demande pour ces âmes le lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix, parce que c'est aussi une espèce d'enfer pour ces âmes, à cause des ardeurs des expiations qu'elles souffrent, des ténèbres où elles sont et des agitations qu'elles éprouvent. Ainsi cette prière de l'Église nous démontre tout à la fois et l'état des âmes dans le purgatoire et le soin qu'à son exemple nous devons avoir de les recommander au Seigneur.
Enfin
l'exemple de notre divin Sauveur nous aide à concevoir les vérités que
nous avons méditées aujourd'hui. Non-seulement il était assuré de sa
gloire, mais sa très sainte âme en jouissait dès le premier
moment de sa bienheureuse création, et cependant cette jouissance dans
sa suprême partie, a-t-elle empêché les peines inouïes de sa douloureuse
passion ? De même l'assurance d'aller un jour dans le ciel donne aux âmes du purgatoire des consolations indicibles, mais elle n'empêche pourtant pas qu'elles ne souffrent d'une manière inexplicable.
INSTRUCTION.
La lecture de ce jour doit nous inspirer le désir d'acquérir les dispositions de ces saintes âmes, dans toutes nos tribulations, dans toutes les croix que le bon Dieu nous envoie pour expier nos péchés, pour nous donner occasion de faire notre purgatoire en ce monde.
En
priant pour elles, demandons-leur de nous obtenir ces dispositions,
afin que nous puissions expier entièrement nos fautes par une
résignation parfaite à la volonté divine, même dans les circonstances
les plus pénibles, et par la pratique de toutes les vertus.
PRIÈRE.
O
Dieu de bonté ! qui n'avez pas permis que la mort me surprit dans mon
péché, faites qu'en priant pour votre Eglise souffrante , j'apprenne à
ne vivre et à ne souffrir que pour vous : que toujours soumis à votre
sainte volonté, je repose aussi en Jésus-Christ, dans toutes les
tribulations de la vie, afin qu'entièrement purifié à l'heure de la
mort, j'aille rejoindre les âmes que j'aurai aidé à délivrer des souffrances du purgatoire.
Par J.-C. N.-S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — On gagne cent jours d'indulgence, une fois le jour, en disant avec dévotion et le cœur
contrit, l'oraison jaculatoire suivante : Que la très-juste,
très-élevée et très aimable volonté de Dieu soit accomplie en toutes choses ; qu'elle soit louée et exaltée à jamais. Ainsi t soit-il. »
Pour ceux qui la réciteraient tous les jours, il y a indulgence plénière une fois l'an, le jour
à leur choix, aux conditions ordinaires de se confesser, communier et
prier selon les intentions de l'Église ; et enfin indulgence plénière à
la mort, pour ceux qui l'auraient récitée souvent pendant leur vie et
feraient le sacrifice de leur vie avec une parfaite résignation. (Décret du 19 Mai 1818.)
DEUXIEME PARTIE.
DES MOTIFS ET DES MOYENS
DE SOULAGER LES AMES DU PURGATOIRE.
Onzième jour
Motifs qui doivent vous engager à secourir les âmes du purgatoire.
1° L'intérêt de Dieu.
Entre
les motifs nombreux que la raison et la religion fournissent à l'envi
pour prouver la nécessité, l'importance et les avantages de la dévotion
pour les âmes du purgatoire, il n'en est certainement pas de plus propre à faire impression sur des cœurs chrétiens, que celui que nous allons méditer aujourd'hui.
En effet, l'intérêt de Dieu ! Réfléchissons, un instant sur le sens de ces mots : l'intérêt de Dieu ! c'est-à-dire : il s'agit de procurer à Dieu un accroissement de gloire, et peut-être un des plus grands qu'il
puisse recevoir. En faut-il davantage pour nous faire embrasser avec
ardeur cette dévotion ?.... Nous sommes heureux de pouvoir prendre pour
guide sur ce sujet le grand orateur, Bourdaloue, qui développe ce point avec la solidité et la profondeur qui le caractérisent.
Négliger les âmes du purgatoire, c'est n'avoir nul zèle pour Dieu, qui, trouvant sa gloire dans la délivrance de ces âmes justes,
veut se la procurer par nous, membres de son Eglise militante, et il a
droit de s'en prendre à nous, quand il en est frustré.
Nous avons quelquefois, il est vrai, du zèle
pour Dieu ; mais notre ignorance, aussi grossière qu'inexcusable dans
les choses de Dieu, fait que nous n'appliquons pas ce zèle aux
véritables sujets où l'intérêt de Dieu est engagé.
Or, pour concevoir jusqu'à quel point il est engagé relativement aux âmes du purgatoire, écoutons le célèbre Pierre de Blois, qui, fondé sur la plus solide théologie, nous enseigne que la dévotion pour le soulagement des âmes du purgatoire et pour leur délivrance, est une espèce de zèle qui, par rapport à son objet, ne le cède pas à celui de la conversion des païens et le surpasse même en quelque sorte. Pourquoi ? parce que les âmes du purgatoire étant des âmes saintes et prédestinées, des âmes confirmées en grâces, elles sont incomparablement plus nobles devant Dieu que celles des païens, elles sont pins aimées et plus chéries de Dieu que celles des païens, elles sont actuellement dans un état bien plus propre à glorifier Dieu que celles des païens.
Jésus-Christ
lui-même a voulu nous servir de modèle et nous a donné dans sa personne
l'idée de cette dévotion ou de ce zèle pour les âmes du purgatoire : ce fut lorsqu'il descendit aux enfers, c'est-à-dire, dans cette prison, où, selon l'Écriture, les âmes des anciens Patriarches étaient retenues ; il les y consola par sa présence et les en tira par sa puissance.
Aussi saint Pierre ne nous parle de cette descente aux enfers que comme d'une mission divine qu'y fit le Sauveur du monde
: J.-C, dit-il, alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison. Il
ne tient qu'à nous d'imiter ainsi J.-C, nous pouvons, sans descendre
dans ces prisons souterraines, délivrer des âmes aussi parfaites et aussi saintes ; et, en le faisant
comme lui, en vue de la gloire qui doit en revenir à Dieu, de quelque
condition que nous soyons, nous participons à cet esprit apostolique
dont il a été la source.
Mais voici une pensée de l'abbé Rupert encore plus touchante. L'on sait que les âmes, qui souffrent dans le purgatoire,
y sont dans un état de violence, parce qu'elles y sont privées de la
vue de Dieu ; la chose est évidente ; mais a-t-on jamais réfléchi que le purgatoire fût un état de violence pour Dieu même ? cette pensée nous étonne peut-être ; du moins
l'intérêt de Dieu ne nous permet pas de la considérer avec indifférence
: méditons-la avec attention. — En quoi consiste cet état de violence
par rapport à Dieu ? Le voici : c'est que dans le purgatoire Dieu voit des âmes qu'il aime d'un amour sincère, d'un amour tendre et paternel, et auxquelles néanmoins il ne peut faire aucun bien ; des âmes remplies de mérite, de sainteté, de vertu, et qu'il ne peut toutefois encore récompenser ; des âmes qui
sont ses élues et ses épouses, et qu'il est forcé de frapper et de
punir. Est-il rien de plus opposé aux inclinations d'un Dieu si
miséricordieux et si charitable ? Or, nous pouvons faire cesser cette
violence en délivrant ces âmes de leur prison, et en leur ouvrant par nos prières le ciel
qui leur est fermé. C'est là qu'elles se réuniront à Dieu ; c'est là
que son amour pour elles agira dans toute son étendue. Tandis qu'elles sont dans le purgatoire, cet
amour de Dieu est comme un torrent de délices prêt à les inonder, mais
arrêté par l'obstacle d'un péché dont la dette n'est pas encore
acquittée. Que ferons-nous ? nous lèverons l'obstacle en satisfaisant
pour elles. Car Dieu s'est mis dans une espèce d'impuissance de leur
faire du bien, puisque dans l'ordre surnaturel, il n'a que deux sortes de biens : les biens de la grâce et les biens de la gloire. Or, du moment que ces âmes prédestinées
sont sorties de ce monde, il n'y a plus de grâce pour elles, parce
qu'elles ne sont plus en état de mériter ; et il ne peut pas encore leur
donner la gloire, parce qu'elles ne sont pas suffisamment épurées pour
la posséder.
La bonté divine cependant ne les a pas abandonnées : elle s'est lié les mains, mais elle nous a donné le pouvoir de les lui délier en intercédant, en satisfaisant pour elles.
Dieu semble nous dire : c'est par vous que ces âmes affligées recevront du soulagement
dans leurs souffrances ; c'est par vous que, malgré les lois de ma
justice rigoureuse, elles éprouveront les effets de ma miséricorde.
Ainsi quand, usant de ce pouvoir, nous délivrons par nos prières une de ces âmes, non-seulement nous procurons à Dieu
une gloire très-pure, mais nous lui donnons une joie très-sensible ;
non-seulement nous faisons triompher sa bonté, mais nous nous conformons
aux dispositions secrètes de sa justice, puisque la justice que Dieu
exerce envers les âmes du purgatoire
n'est, pour ainsi dire, qu'une justice forcée, une justice aisée à
fléchir, et qui ne demande qu'un intercesseur pour l'apaiser.
Dieu seul, s'écrie Boudon, dans son excellent opuscule intitulé, la gloire de la sainte Trinité dans les âmes du purgatoire, Dieu seul, l'intérêt de Dieu seul, de sa gloire, c'est le grand motif qui doit nous presser de soulager les âmes du purgatoire.
Quel moyen en effet plus propre à procurer sa gloire, puisque leur délivrance les met dans le ciel,
où Dieu est parfaitement connu, aimé et glorifie. C'est donc contribuer
de la manière la plus parfaite à sa plus grande gloire que de coopérer à
la délivrance des âmes du purgatoire, pour les faire entrer dans le paradis.
INSTRUCTION.
Que toutes les personnes zélées pour la gloire de Dieu, c'est-à-dire que tous les vrais
chrétiens fassent réflexion sur cette vérité ; et si une sainte Thérèse
et d'autres Saints ont protesté qu'ils auraient voulu souffrir tous les
tourments imaginables pour un seul degré de la gloire de Dieu, que ne
doit-on pas faire, que ne doit-on pas souffrir pour la délivrance des âmes qui sont dans les flammes purifiantes ? puisque c'est la voie pour lui en faire rendre des millions de degrés ; et cela non pour un moment, mais pour toute l'éternité.
PRIÈRE.
Tout
à votre plus grande gloire, ô mon Dieu ! telle sera toujours ma devise,
et puisque je suis convaincu que c'est travailler efficacement à
procurer cette gloire que de secourir les âmes du purgatoire, je vous demande, ô Dieu miséricordieux ! la grâce de m'intéresser toute ma vie à ces âmes, afin qu'elles vous glorifient et qu'elles m'aident à vous glorifier éternellement.
Par J.-C. N.-S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à perpétuité à tous les Fidèles qui feront, avec
un cœur contrit, une neuvaine pour se préparer saintement à la fête de
Noël :
1° Indulgence de trois cents jours pour chaque jour de la neuvaine.
2° Indulgence plénière pour ceux qui ayant fait la neuvaine entière et qui, s'étant confessés, communieront le jour de Noël, ou un des jours de l'octave de cette fête, et prieront selon les intentions de l'Église.
Les mêmes indulgences sont accordées à tous les Fidèles qui feront dans le cours de l'année, à quelqu'époque que ce soit, une autre neuvaine en l'honneur de l'enfant Jésus. (Rescrit du 12 Août 1815. — 9 Juillet 1830.)
Douzième jour
Suite des motifs qui doivent nous engager à secourir les âmes du purgatoire.
2° L'intérêt de ces âmes.
On ne peut se figurer une misère pareille à celle d'une âme qui, d'une part, souffre des maux dont notre imagination ne pourrait se former la plus petite idée, des maux qui du purgatoire lui
feraient un enfer, si l'espérance ne la soutenait ; et qui, d'autre
part, est dans une entière impuissance de s'en délivrer, et même de se
procurer le moindre soulagement. Tel est l'état des âmes du purgatoire : en existe-t-il de plus digne de compassion ? Aussi il se rencontrerait difficilement un cœur assez dur pour n'en être pas touché, s'il le comprenait
ou si seulement il voulait y réfléchir. En effet, quelle impression
n'éprouveriez-vous pas, si Dieu faisait paraître devant vous une de ces âmes affligées, et que vous fussiez témoin de leurs tourments ? si vous entendiez leurs gémissements et leurs plaintes, et si, du fond de leurs cachots, elles poussaient jusqu'à vous ce cri lamentable : misereminimet !!! ayez pitié de moi !!!
Il
est certain que plus une personne est pauvre, plus nous sommes obligés
de la secourir. Or, qui est plus pauvre que celui qui n'a rien, qui doit
beaucoup, et qui n'a aucun moyen de travailler, de gagner ou de
demander ; et qui cependant doit satisfaire jusqu'au dernier denier, en
souffrant des tourments inexprimables jusqu'à ce qu'il ait satisfait.
Méditons un instant cet état extrême de misère et de pauvreté, et nous aurons une idée de l'état de délaissement des âmes du purgatoire et du besoin extrême qu'elles ont qu'on vienne à leur secours.
Nous
comprendrons aussi pourquoi saint Thomas enseigne que les prières
offertes pour les morts sont mieux reçues que celles que l'on fait pour
les vivants, parce qu'ils ne peuvent s'aider.
Il y a une obligation étroite, et la loi de Dieu le commande,
d'assister ceux qui sont dans la dernière nécessité. Cette loi est
générale, et s'étend sur les personnes étrangères et inconnues : mais il
y en a dans les flammes purifiantes qui sont de notre connaissance,
envers lesquelles nous avons peut-être des obligations, ou qui ne sont dans ces flammes qu'à cause de nous : il y a de nos amis, de nos parents, des frères, des pères et des mères qui se voient au milieu des tourments,
délaissés de ceux qui leur doivent leur existence, leur fortune, etc. ;
quelle douleur pour eux, parmi de si grandes peines, de ne recevoir
aucun secours de tant de personnes que les liens formés par la parenté
ou l'amitié leur faisaient considérer comme d'autres eux-mêmes ?
Voyez
quelle différence entre la conduite que nous tenons à leur égard depuis
leur mort, et celle que nous tenions de leur vivant : au moindre petit
mal qu'ils éprouvaient nous travaillions à les soulager ; aucune peine
ne nous coûtait : si nous avions vu une étincelle les atteindre, nous
eussions aussitôt volé pour l'éteindre : si la maladie violente qui a
tranché leurs jours eût dégénéré en une longue infirmité, s'ils
languissaient encore sur leur lit de douleur, oserions-nous leur refuser
quelques
veilles, quelques assiduités ? Et maintenant, misérables et aveugles
que nous sommes, nous les abandonnons, malgré la facilité de les
secourir, dans des supplices qui ne se
comprennent point ! Partout si une maison brûle on y court de tous côtés
; on voit une agitation générale, et cela pour empêcher que du bois, que des meubles ne brûlent ; et des âmes créées à l'image de Dieu, et des personnes
pour qui nous devons avoir la plus grande considération, elles ont beau
crier, appeler au secours, l'on ne fait rien pour elles ; on les
oublie, on les néglige, quoiqu'on soit convaincu qu'elles peuvent avoir le plus grand besoin d'être secourues !
Faites à autrui ce que vous voudriez qu'on vous fit. Or, réfléchissez un instant et supposez-vous mort en état de grâce : le souverain
juge a trouvé votre conscience exempte ou purifiée de tout délit assez
grave pour vous faire encourir son indignation ; mais d'anciennes fautes
trop légèrement expiées, une vie un peu sensuelle, des passions
encore vives, plusieurs omissions inexcusables, etc., vous empêchent de
posséder l'héritage céleste, d'ici à un terme connu de Dieu seul, et
peut-être éloigné. Vous voilà donc réduit à une captivité
extrêmement douloureuse, vos pensées se portent vers la terre, où
bientôt votre souvenir sera entièrement effacé. Vous y voyez tous les
hommes remplis d'eux-mêmes, et occupés du présent, comme s'il n'y avait point d'avenir. Oh ! si vous le pouviez, que ne feriez-vous pas pour intéresser leur insensibilité, pour toucher leur cœur, pour solliciter des prières, des bonnes œuvres propres à soulager vos maux ? Vous sentiriez alors tout le prix de cette divine charité qui est l'âme du christianisme, l'espoir des malheureux, la ressource et le lien des deux
mondes. Eh bien ! cette charité admirable que vous ne cesseriez
d'implorer dans la cruelle extrémité où il est à propos de vous
contempler vous-même d'avance, cette charité si sainte, si active, si
compatissante, ne vous parle-t-elle pas au fond du cœur pour tant d'âmes souffrantes dont vous pouvez, à certains égards, être le sauveur ? Dieu lui-même ne vous dit-il pas : Ce que vous ferez au moindre des miens, je le réputerai
fait à moi-même ? Ne parlons plus de parents, d'amis, etc.; oublions,
s'il se peut, tous les égards humains, tous les intérêts de la chair et du sang ; ne voyons ici que Dieu qui nous presse, nous sollicite, et veut être l'objet de
la charité qu'il nous inspire. Secourons ses enfants, ses élus qui
n'ont plus d'autre ressource que nos mérites qui, unis à ceux de
Jésus-Christ, sont tout-puissants auprès de Dieu pour la délivrance des âmes du purgatoire. Notre divin Sauveur ne promet-il pas le bonheur
éternel à ceux qui nourrissent ceux qui ont faim, vêtissent ceux qui
sont nus ? Et pourquoi ? parce que les services qu'on rend aux pauvres,
aux malheureux, c'est à Jésus-Christ qu'on les rend. Or, si ce Dieu de
bonté daigne se substituer à nos frères souffrants en cette vie ; à plus
forte raison se substitue-t-il à ceux qui souffrent dans l'autre, et
qui sont même les principaux membres de son corps mystique. Tous les
autres motifs, quelque justes, quelque beaux, quelqu'importants qu'ils
nous semblent, ne sont-ils pas moins forts que celui-ci ? Eh ! que
sommes-nous donc, s'il ne détermine pas nos volontés à faire les plus
grands efforts pour le soulagement de tant de justes, dans lesquels nous savons que J.-C. souffre, en nous laissant le pouvoir de le soulager ?
INSTRUCTION.
Habituons-nous à voir J.-C. dans chaque membre de l'église souffrante. Que ne doit pas produire en nous cette pensée : je peux soulager J.-C. souffrant !...
Elle réveillera sans doute notre foi, et nous fera prendre la résolution de ne négliger aucun moyen de secourir les âmes du purgatoire, qui peuvent être soulagées et délivrées par nous avant le terme fixé par Dieu.
PRIÈRE.
Oui, Seigneur, c'est vous-même que j'aurai intention de secourir en secourant les âmes du purgatoire :
je vous demande la grâce de ne perdre jamais de vue cette pensée qui
redouble mon zèle et mon empressement à soulager mes frères souffrants.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Indulgences accordées a perpétuité à tous les Fidèles qui récitent le matin, à midi et le soir, trois Gloria Patri pour remercier la très-sainte Trinité des faveurs et des grâces singulières qu'elle a accordées à la bienheuheureuse Vierge Marie, spécialement dans sa glorieuse Assomption.
1°
Cent jours d'indulgence pour chaque fois que l'on récitera ces
trois Gloria Patri, ce qui fait trois cents jours pour chaque jour.
2° Indulgence plénière, une fois par mois, pour ceux qui les auront récités exactement trois fois par jour, dans le cours du mois, le jour,
à leur choix, où, s'étant confessés et ayant communié, ils prieront
selon les intentions de l'Église. (Rescrit du 11 juillet 1815)
Treizième jour
Suite des motifs qui doivent nous engager à secourir les âmes du purgatoire.
3° Notre propre intérêt.
Si
les deux motifs que nous avons médités les jours précédents, ne
suffisent pas pour nous exciter à travailler à procurer la gloire de
Dieu et la délivrance des âmes souffrantes
; si nous sommes de ces hommes qui n'aiment qu'eux-mêmes, et qui n'ont
égard qu'à leur intérêt personnel, ce troisième motif ne nous laissera
aucun doute sur les avantages de cette dévotion. En effet, quel intérêt
plus grand pour nous que de contribuer à la délivrance d'une âme du purgatoire ? Quel avantage que de pouvoir dire : Il y a une âme dans le ciel
qui m'est en partie redevable de son bonheur, une âme que j'ai mise en
possession de sa béatitude, une âme spécialement engagée à prier pour
moi ! Ne peut-on pas compter cet avantage parmi les grâces du salut, et peut-être parmi les marques de la prédestination ? Si Dieu, par une révélation expresse, me faisait aujourd'hui connaître dans le séjour bienheureux une âme que j'eusse tirée du purgatoire,
et qu'il me la désignât en particulier, avec quelle foi ne
l'invoquerais-je pas ? avec quelle confiance n'aurais-je pas recours à
elle ? avec quelle ferveur ne lui recommanderais-je pas mon salut
éternel ? Or, il ne tient qu'à nous d'avoir cette consolation : car s'il
y a en effet quelqu'une de ces âmes fidèles dont nous ayons avancé le bonheur, quoique nous ne la connaissions pas, elle nous connaît bien ; et nous pouvons toujours en espérer du secours,
comme d'une âme qui nous est acquise, dont nous avons été en quelque
sorte les libérateurs, et qui, par conséquent, ne nous oubliera jamais.
Non, elle ne fera certainement pas comme cet officier de Pharaon, qui,
dès qu'il fut sorti de sa captivité, ne se souvint plus de Joseph, ni des étroites
obligations qu'il lui avait. Il n'est pas nécessaire que nous disions à
cette âme glorieuse ce que Joseph dit à cet homme ingrat : Ame sainte, à
qui, tout pécheur que je suis, j'ai pu procurer la liberté et la
félicité dont vous jouissez, souvenez-vous de moi dans le lieu
de votre repos, et usez envers moi de miséricorde, comme j'en ai usé
envers vous : sovez touchée de mon état, comme je l'ai été du vôtre, et engagez Dieu par vos prières me tirer de l'esclavage de mon péché, comme je l'ai engagé par les miennes à vous tirer du lieu
de vos souffrances. Il serait inutile de lui tenir ce langage,
puisqu'étant sainte et bienheureuse, elle est désormais incapable de
manquer à aucun devoir.
Mais, d'un autre côté, savons-nous ce qui nous arrivera, si nous n'avons pas ce zèle pour les âmes du purgatoire ? c'est
qu'on nous traitera un jour comme nous aurons traité les autres ; c'est
que Dieu permettra qu'on nous abandonne, comme nous aurons abandonné
les autres.
Vérité si constante, que dans la pensée d'un savant théologien, un chrétien qui n'aurait jamais prié avec l'Église pour les âmes du purgatoire, par une juste punition de Dieu, serait lui-même incapable de profiter dans le purgatoire des prières
que l'Eglise offrirait pour lui ; et quoique cette opinion ne soit pas
absolument reçue, au moins est-elle plus probable en ce sens que si, par
la vertu des prières de l'Eglise, il y a des grâces pour les âmes du purgatoire,nul
n'y doit moins prétendre, ni n'en serait exclu avec plus de raison, que
celui qui, pendant sa vie, aura négligé de prier pour les âmes de ses frères. En outre Dieu
permettra que nos amis, nos parents, nos survivants les plus chers et
les plus intimes ne songent plus à nous, dès qu'ils cesseront de nous
voir, et qu'ils nous effacent de leur mémoire, comme nous aurons effacé
de nos cœurs ceux qui nous avaient précédé en l'autre monde. Or, quelle
perte irréparable pour nous que celle de la reconnaissance infinie des âmes dont nous aurions accéléré le bonheur
par l'application de nos mérites ! Oui ! reconnaissance infinie,
puisqu'elle serait en quelque sorte proportionnée au bien immense que
nous leur aurions procuré. Jouir plus tôt d'un Dieu ; cet avantage se
peut-il comprendre ou exprimer ? Et l'âme qui nous en serait redevable
abandonnerait-elle la nôtre à la merci des dangers sans nombre dont nous sommes sans cesse menacés ? Oh ! comme elle veillerait sur nous du haut des cieux, comme elle s'empresserait de présenter nos vœux et nos prières devant le trône
de l'Éternel ! comme elle solliciterait en notre faveur ses grâces les
plus abondantes et les plus précieuses ! Contribuer de tout son pouvoir à
la prompte transmigration des âmes du lieu de leur exil dans la cité permanente du Roi des cieux, c'est donc travailler pour ses propres intérêts, opérer efficacement son salut, l'assurer même, autant qu'il est possible. Donnez et il vous sera donné, dit J.-C; ainsi, si vous donnez vos soins à ces pauvres âmes, la
divine Providence prendra soin de vous ; si vous les négligez, on vous
négligera. C'est ce que l'on voit tous les jours : Dieu, par un juste
jugement, permet qu'on oublie ceux qui ont oublié les âmes des défunts. L'écrivain sacré a donc raison de dire : C'est une sainte et salutaire pensée que de prier pour les morts.
INSTRUCTION.
Si
nous sommes encore trop imparfaits, trop charnels en quelque sorte,
pour que les deux premiers motifs fassent impression sur nous, ce
troisième nous fera sans doute réfléchir.
La
prière pour les morts est sainte et salutaire ! ces deux qualités nous
prouvent les avantages de tous genres attachés à la dévotion pour les âmes du purgatoire : nous ne serons donc pas assez ennemis de nous-mêmes pour la négliger plus longtemps.
PRIÈRE.
O Dieu tout-puissant ! vous avez daigné permettre, dans votre infinie bonté, que les œuvres de miséricorde méritent, à ceux qui les
exercent, les grâces les plus abondantes : mille actions de grâces vous
soient rendues de nous avoir donné un moyen si salutaire de travailler à
notre salut, en nous intéressant aux âmes du purgatoire. Accordez-nous
d'être fidèles à pratiquer cette dévotion, ne doutant pas qu'elle ne
nous soit très-profitable : Par les mérites de N.S. J.-C. Ainsi soit il.
Indulgence applicable aux morts. —
Il y a 300 jours d'indulgence pour ceux qui prient pour les Fidèles
agonisants. Ils doivent réciter trois fois le Pater en l'honneur de la passion et de l'agonie de J.-C., et trois fois Ave, en l'honneur des souffrances de la Reine des Martyrs
pendant l'agonie de son Fils adorable sur la croix. Ceux qui auront
pratiqué cette dévotion, au moins une fois par jour, durant un mois, gagneront une indulgence plénière le jour qu'ils voudront, à condition qu'ils se confessent, communient et prient selon les intentions de l'Église. (Décret du 18 Avril 1809.)
Quatorzième jour
Autres motifs qui doivent nous engager à secourir les ânes du purgatoire.
L'intérêt de la majesté du Roi des rois, que nous ne pouvons glorifier avec plus d'assurance de lui plaire et de contenter son désir, qu'en peuplant le ciel de nouveaux hôtes ; l'intérêt du prochain que nous tirons de la captivité la plus pénible, pour le faire aussitôt jouir du bonheur, céleste ; notre intérêt personnel, c'est-à-dire celui de notre sûreté au milieu des innombrables ennemis du salut ; celui de notre prospérité même sur la terre ; celui d'une prompte délivrance du lieu d'exil, destiné à purifier les âmes, et de l'accélération de notre couronnement dans le royaume des cieux
; enfin la charité, la justice, la reconnaissance : tels sont les
motifs, aussi touchants que sublimes, qui ont été l'objet de nos
méditations les jours précédents.
Ils
ont dû nous prouver combien cette dévotion est propre à glorifier Dieu
et, en outre , combien elle est utile au prochain et à nous-mêmes.
Nous allons
aujourd'hui méditer deux nouveaux caractères qui la distinguent, et qui
nous feront comprendre qu'elle est fondée sur les lumières de la
raison, et qu'elle est consolante.
Nous
verrons par là que les hérétiques, en attaquant, dans leur rage contre
l'Église catholique, la prière pour les morts, n'ont pas seulement foulé
aux pieds la foi et l'enseignement de l'Église universelle, et la
tradition de tous les siècles, mais qu'ils ont même méprisé les lumières
que la raison seule fournit pour établir cette vérité.
En effet, le simple bon sens, sans science, sans érudition, suffit pour montrer combien la prière pour les morts est raisonnable.
Qu'on
demande à un chrétien ce que devient l'âme au moment de la mort ? Lui,
qui reconnnaît un Dieu juste, qui adore un Dieu miséricordieux et
néanmoins un Dieu ennemi de toute iniquité, incapable par son essence et
par sa nature de laisser entrer dans son royaume rien d'infecté par la
contagion du péché, il ne placera pas l'âme encore souillée à côté de celle qui est pure, la faiblesse avec le courage,
les œuvres de la fragile humanité avec les œuvres chrétiennes.
Cependant, il ne sera pas assez injuste pour fermer à jamais l'entrée du ciel à ces âmes, à
la vérité encore souillées, mais qui brillèrent par la pureté de la
foi, la vivacité de l'espérance et l'ardeur de la charité. Non, il
n'enveloppera pas dans un même sort la surprise et la malice, la
faiblesse et le crime, l'homme de bien souillé de quelques tâches légères et le scélérat
noyé dans son iniquité. L'un sera purifié, et l'autre sera réprouvé.
Point de chrétien, tant soit peu sensé, qui ne raisonne ainsi. De là
vient que de tous les dogmes de l'Église catholique il n'y en a guère de
plus répandu, de plus généralement reconnu, par ses adversaires mêmes,
que le dogme du purgatoire.
La connaissance d'un Dieu juste et saint a réuni les religions les plus ennemies, les plus opposées dans la croyance d'un purgatoire, c'est-à-dire d'un lieu où l'âme se purifie entièrement avant de jouir de la récompense éternelle.
Mais les prières des Fidèles
ont-elles entrée dans ce rigoureux séjour ? car c'est là une condition
essentiellement requise pour que ces prières soient raisonnables.
Laissons encore de côté les preuves de la tradition et des Pères en faveur de cette vérité, et raisonnons. Nos prières portées dans un lieu où règne la justice d'un Dieu offensé, mais en même temps ami des âmes qu'il
châtie, mais en même temps disposé à la miséricorde et à la clémence ;
nos prières, dis-je, seront-elles rejetées si elles sont faites avec
ferveur pour le soulagement et la délivrance de ces âmes captives ?
Ce
Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres, de nous aider
les uns les autres, de prier les uns pour les autres : ce Dieu qui veut
que tous les chrétiens soient liés ensemble par la prière et par les
saintes œuvres, comme les membres d'un seul et même corps ; ce Dieu qui,
au témoignage de l'Écriture, exauce si efficacement les prières des vivants pour d'autres vivants, méprisera-t-il des vœux purs et ardents en faveur de nos frères morts ?
Non, le Dieu de la charité ne rejetera pas l'œuvre de la plus grande, de la plus excellente charité ; car c'est encore là un des caractères de la prière pour les morts ; les méditations faites jusqu'à ce jour le prouvent suffisamment, et nous dispensent de nous étendre sur ce point.
Développons plutôt un instant lesecond caractère de la dévotion envers les âmes du purgatoire, qui nous la montrera pleine de consolation.
En effet, quelles sont les réflexions que peut
et que doit m'inspirer la prière pour les morts ? Elle m'apprend que je
dois mourir aussi un jour, et elle m'apprend en même temps que je suis
immortel. Elle m'avertit que mes frères ne sont plus et qu'ils sont
encore ; qu'ils ne vivent plus en ce monde, mais qu'ils vivent au-delà du monde. Comme eux, j'ai une âme immortelle, comme eux, j'ai des droits à la jouissance du ciel ; quelques jours d'une vie terrestre ne sont que le commencement de mon être. Bientôt les illusions d'un monde fugitif disparaîtront sans retour ; des biens solides et permanents doivent en prendre la place.
Cette grande vérité s'altère et s'oublie dans le tumulte des passions, dans le tourbillon des affaires
; la prière pour les morts me la rappelle : elle me montre tout à la
fois ce que je suis, ce que je serai un jour, ce que je serai toujours.
Actuellement
je prie pour mes frères, un jour ils prieront pour moi. Plus saints que
moi, plus puissants que moi, ils prieront avec plus de succès, avec
plus d'efficacité que moi ; et la faveur dont ils jouiront auprès de
Dieu, ils l'emploieront pour moi. Quelle idée consolante ! quel motif de
prier pour les morts ! Ce sont des amis, selon l'expression du Sauveur du monde, qui m'ouvriront les tabernacles éternels. Et sur la terre, ce que je vois faire à l'Église de Dieu pour ses enfants morts dans sa communion, elle le fera
un jour pour moi : je jouirai aussi de ses bienfaits, surtout si je
m'occupe avec elle de ses membres souffrants. Mes parents et mes amis
m'oublieront aussitôt que j'aurai disparu de dessus la terre ; ne
m'oubliassent-ils pas, bientôt ils disparaîtront eux-mêmes.
L'Eglise du Dieu
vivant vivra toujours et ne m'oubliera jamais. La mémoire de l'impie
périra , mais la mienne subsistera : l'Eglise ne perdra jamais de vue
une âme qu'elle a adoptée et qui lui a été
fidèle. Mon père et ma mère m'ont abandonné ; mais le Seigneur, l'épouse du Seigneur, la sainte Église, m'a recueilli (Ps. 26).
Telles
sont les réflexions que nous devons faire en priant pour les morts ; et
nous devons les considérer comme un motif bien puissant de pratiquer
cette dévotion déclarée par l'Esprit de Dieu sainte et salutaire.
INSTRUCTION.
Jusqu'à
présent peut-être nous n'avions regardé la prière pour les morts que
comme quelque chose de triste, uniquement propre à nous donner desidées lugubres ; et c'était peut-être ce qui nous la faisait négliger.
Les
réflexions précédentes nous la feront sans doute considérer sous un
autre aspect, et nous inspireront la résolution de ne plus négliger
cette œuvre de la plus éminente charité, et pour notre prochain et pour
nous-mêmes.
PRIÈRE.
0
Dieu de bonté ! je me joins à la sainte Eglise, à cette tendre mère, et
je vous implore de concert avec elle pour tous ces enfants chéris que le lieu
d'expiation achève de purifier, et auxquels personne ne s'intéresse
directement. Rendez, Seigneur, plus efficaces les prières que nous vous
adressons pour ces âmes privées de tout secours : faites-les participer abondamment aux mérites infinis du sang précieux de notre divin Sauveur, J.-C. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Voici les indulgences attachées aux chapelets bénits par un prêtre qui en a le pouvoir.
1° Cent jours d'indulgence à chaque fois pour ceux qui, possédant ce chapelet, sont dans l'usage de le réciter au moins une fois par semaine, ou de dire l'office divin, ou le petit office de la sainte Vierge, ou l'office des morts,
ou les vêpres, ou au moins un nocturne et laudes de ce dernier office,
ou d'entendre la messe, ou de dire les sept psaumes de la pénitence avec
les versets et les oraisons, ou les psaumes graduels.
2°
S'ils visitent au moins une fois par semaine les prisonniers ou les
malades dans les hôpitaux, ou assistent les pauvres, ou enseignent la
doctrine chrétienne, soit à l'église, soit à leur maison, à leurs
enfants, à leurs parents, ou à leurs domestiques, ils gagneront 200
jours d'indulgence à chaque fois.
3° Une indulgence plénière les jours de la plupart des fêtes de Notre-Seigneur, de la sainte Vierge, et des Apôtres, sous la condition générale de se confesser, de communier et de prier pour les fins accoutumées.
4°
S'ils font toutes les œuvres susdites les autres jours de fêtes de
Notre-Seigneur et de la sainte Vierge, ils gagneront, chacun de ces
jours, 7 ans et 7 quarantaines ; s'ils le font le Dimanche et autres jours de fêtes, 5 ans et 5 quarantaines et si c'était un jour ordinaire de la semaine, 100 jours.
(La fin à demain.)
Quinzième jour
Nous devons secourir tous les morts, même ceux que nous croyons déjà dans le ciel.
Quoique
convaincus de l'importance et de l'efficacité de la prière pour les
morts, nous admettons souvent un préjugé bien funeste pour certaines âmes.
On les néglige parce qu'on les considérait comme saintes, comme vivant toujours dans la grâce de Dieu ; on les croit donc dans le ciel, et par conséquent on les oublie, on ne leur porte aucun secours.
Ce n'est pas que le souvenir de ces vertueuses âmes soit
effacé : au contraire, on ne cesse d'en parler avec de nouveaux éloges,
et on se fait gloire d'avoir eu part à leur intimité. Mais il semble
que l'admiration même tarisse toutes les sources de la compassion
qu'elles méritent. Il semble que l'excellence même de leurs qualités et
la réputation avantageuse dont elles jouissent, empêchent tout le monde
de songer à leurs besoins pressants. Ainsi se hâte-t-on de les placer
au ciel, quelquefois longtemps avant qu'elles n'y soient : car, qui ne
sait que Dieu découvre dans les plus grandes âmes ce que ni l'homme ni l'ange ne soupçonnent même pas ?
Dieu seul connaît la mesure des grâces dont il les favorise, et celle de leur fidélité à y correspondre : Dieu est le seul témoin et le juste appréciateur de leurs combats et de leurs victoires : Dieu seul voit la hauteur du rang
qu'il leur destine dans son royaume, et les conditions auxquelles elles
doivent y atteindre. Quelle âme plus héroïque, plus consommée en Dieu,
que celle d'un P. La colombière, jésuite ? Cependant ne se vit-elle pas
arrêtée au moment de prendre possession de sa couronne, suivant
la révélation qu'en eut sa pénitente, la principale institutrice de la
dévotion au sacré cœur de Jésus ? Quelqu'éminentes qu'aient donc paru
les vertus de ceux ou de celles que la mort nous enlève, soyons
persuadés que nous ne saurions leur témoigner un amour plus tendre et
plus généreux qu'en nous occupant vivement du passage, toujours inquiétant, du temps à l'éternité. Et, du reste, nous ne devons pas craindre de perdre le fruit de nos vœux et de nos prières en faveur de ces âmes, déjà peut-être introduites au lieu du repos éternel : les besoins de l'église souffrante ne sont-ils pas immenses ?
Abandonnons
au Seigneur l'application de nos œuvres satisfactoires ; si l'âme pour
laquelle nous prions n'a pas besoin de nos secours, ils ne seront pas
perdus, ils seront appliqués à d'autres infortunés.
Le préjugé
que nous combattons aujourd'hui provient de la fausse idée que les
hommes se forment de la sainteté ; ils ne connaissent pas la pureté
nécessaire pour paraître devant Dieu. Pour peu qu'ils voulussent y
réfléchir, ils se convaincraient de la vérité de l'opinion de tous les
Saints sur la rareté prodigieuse des âmes assez éprouvées, assez saintes pour passer sans délai de cette vallée de larmes à la céleste patrie, dans les tabernaclesdu Dieu vivant. Ils comprendraient même en tremblant que le nombre des âmes jugées dignes d'aller en purgatoire est très-petit. Si l'on s'en tient cependant à l'opinion presque générale des chrétiens, ne semble-t-il pas, au contraire, que le purgatoire est le partage ou la destinée du plus grand nombre des mourants ? C'est qu'ils s'aveuglent sur les obligations que nous impose le titre
de disciples de J.-C., c'est-à-dire disciples de l'Homme-Dieu, pauvre,
humble, doux, pénitent, mortifié, méprisé, etc., etc. Qu'ils examinent
en particulier chaque vertu absolument nécessaire pour être sauvé. Sur
la charité seule, que de prévarications imperceptibles à une foule de
gens d'esprit, de gens éclairés ? Savent-ils que quelquefois le silence même est très-criminel ? Pénètrent-ils jamais les vrais motifs de tant d'omissions à l'égard du prochain ? Apperçoivent-ils tout le danger
d'une médisance fine ? Soupçonnent-ils seulement les suites d'une
légère raillerie ? Touchant l'intérêt, la cupidité, l'ambition, ils
s'autorisent des moindres prétextes ; une
raison tant soit peu spécieuse les détermine aussitôt. Quant à la
vanité, et souvent une vanité aussi étrange que puérile, qui pourrait en calculer au juste les délits ? Et la sensualité, et l'oisiveté Quel amas, quelle immensité de dettes
on accumule ! Multiplier continuellement les fautes légères de toute
espèce, et n'y prendre pas garde ; se laisser aller à tous ses goûts,
ses penchants, ses caprices, sans autre considération que celle de ne
pas enfreindre ou violer les préceptes quant à l'essentiel ; ne songer
qu'aux douceurs de la vie et jamais à la pénitence ; ne se priver de
rien, ne se gêner en rien ; n'avoir jamais aucun sacrifice à faire ;
substituer souvent sa santé au devoir, son amusement aux affaires, le jeu aux bonnes œuvres ; se réjouir tant que l'on peut, réfléchir sur son âme le moins que l'on peut ; toujours voir le présent,
rarement l'avenir ; éloigner l'idée de la mort ; prier néanmoins, mais
comment ? assister aux offices, entendre la parole de Dieu, approcher des Sacrements, faire des lectures pieuses, mais comment et avec quel fruit ? Ainsi vit-on ; ainsi meurt-on communément ; et voilà, ce semble, bien des classes
de fidèles, réputés bons, que nous présente ce petit tableau : fidèles
irréprochables aux yeux d'un monde, je ne dis pas profane, mais chrétien
même.
Que d'illusions détruites sur ces prétendus saints, si Dieu nous ouvrait les yeux, comme il les ouvrit au cardinal Aubert, devenu pape sous le nom d'Innocent VI.
Un
jour qu'il s'entretenait avec un solitaire, tout à coup Dieu fit voir à
l'un et à l'autre, qu'au moment même où ils conversaient ensemble, les âmes tombaient en foule dans l'enfer ; qu'un très petit nombre allait en purgatoire et que trois seulement avaient le bonheur d'entrer dans le ciel.
Défendons-nous toutefois d'une autre préjugé qui nous ferait considérer comme réprouvées certaines âmes qui,
pendant leur vie mortelle, nous ont paru vicieuses et coupables.
Jugement terrible que l'exemple de Jacob pleurant son fils Joseph, qu'il
croyait dévoré par une bête féroce, devrait nous empêcher de porter :
car, de même que Joseph respirait encore et gémissait dans la captivité,
en attendant le sort le plus
glorieux que Dieu lui préparait, cette âme, que vous croyez frappée
d'une mort éternelle, est peut-être une âme prédestinée ; elle languit
dans le purgatoire et Dieu lui destine une place dans le ciel.
Prions donc pour tous les morts, aussi bien pour les pécheurs morts dans la communion de l'Église, que pour les justes que nous croyons jouir déjà de la gloire céleste. Les secrets du cœur humain nous sont trop inconnus pour faire de ces exceptions, et priver par là de nos secours des âmes qui en ont peut-être le plus grand besoin.
CONSIDÉRATION.
Que la méditation de ce jour n'ait pas pour seul résultat de détruire en nous ce préjugé, si nous l'avrons pour certaines âmes ; qu'elle
nous fasse en outre rentrer en nous-mêmes ; et prenons la ferme
résolution de travailler à entrer sans délai après notre mort dans le ciel, de peur qu'à l'exemple de tant de chrétiens tièdes, qui ne visent qu'au purgatoire, nous ne soyons engloutis comme eux dans les abîmes éternels de l'enfer.
PRIÈRE.
Saints Anges gardiens de toutes ces âmes qui souffrent encore dans le purgatoire, et que leurs frères de l'église militante croyent faussement jouir du bonheur
éternel, dissipez ce funeste préjugé ; inspirez-nous de nous intéresser
efficacement à leur triste sort, et joignez-vous à nous pour obtenir du Dieu des miséricordes que nos satisfactions leur ouvrent incessamment les portes du ciel,
afin que, par leur intercession rendue plus vive par leur
reconnaissance, elles nous obtiennent la grâce de les rejoindre à
l'heure de notre mort. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — Suite des indulgences attachées aux chapelets bénits par un prêtre qui en a le pouvoir.
5°
Indulgence plénière à l'article de la mort pour celui qui, ayant été
fidèle à quelqu'une de ces pratiques, acceptera la mort avec
résignation, se confessera et communiera, ou, s'il ne le peut, entrera dans les sentiments d'une vraie douleur de ses fautes et invoquera de bouche, ou au moins de cœur, le nom de Jésus.
6° Pour celui qui, avant de communier ou de dire le petit office de la sainte Vierge, s'y préparera avec dévotion, 50 jours d'indulgence.
7° Pour celui qui examine sa conscience, se repent de ses péchés, forme la résolution de n'y plus retomber, et dit trois fois le Pater et l'Ave en l'honneur de la très-sainte Trinité, ou cinq fois en l'honneur des cinq plaies de N.-S., 100 jours d'indulgence.
8°
50 jours pour ceux qui prient dévotement en disant, au moins une fois
l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, à l'intention des Fidèles mourants.
Les mêmes huit indulgences sont attachées aux croix et médailles bénites par un prêtre qui en a le pouvoir.
Les chapelets dit Brigittains font gagner des indulgences nombreuses, par exemple 500 jours d'indulgence sur chaque grain.
Les personnes qui en possèdent, peuvent, en le récitant, appliquer aux morts toutes ces indulgences.
On peut s'instruire utilement sur ce sujet dans le Traité des indulgences, par Bouvier, dont nous avons extrait cette liste d'indulgences.
Seizième jour
Défauts qui rendent infructueuse notre piété envers les morts.
Notre
charité doit être sans doute maintenant instruite et éclairée par les
méditations faites jusqu'à ce jour, sur la nécessité de soulager les
membres de l'église souffrante, et nous sommes déterminés à remplir ce
devoir que nous n'avons peut-être que trop négligé : occupons-nous donc
aujourd'hui des moyens convenables et efficaces de le remplir : car l'on peut avancer avec un grand évêque, qui fut autrefois une des lumières de l'Église de France, saint Sidoine Apollinaire, que dans le monde
même chrétien, il y a peu de personnes qui, selon les principes et les
règles de la religion, aient pour les morts une solide et vraie charité.
Et, en effet, on en voit peu qui contribuent réellement à soulager leurs peines ; peu qui se servant des moyens que nous fournit le christianisme,
leur procurent les secours dont ils ont besoin et dont ils pourraient
profiter. On ne laisse pas cependant, à en juger par les apparences,
d'avoir pour les morts de la piété ; mais il arrive que ce qu'on appelle
piété pour les morts, est une piété stérile et infructueuse ; ou une
piété d'ostentation ; ou une piété mondaine et païenne, qui n'agit point
par les vues de la foi ; ou, enfin, une piété qui, toute chrétienne
qu'elle est, ne produit que des œuvres mortes, c'est-à-dire des œuvres sans mérite, parce qu'elles ne sont pas faites en état de grâce.
L'on
peut appeler piété stérile et infructueuse pour les morts, celle qui ne
consiste qu'en de vains regrets, qu'en d'inutiles lamentations, qu'en des cris lugubres. « Nous voyons, dit saint Bernard, des morts pleurer d'autres morts ; nous voyons des hommes
vivants, mais tout mondains et par là morts devant Dieu, pleurer
sincèrement et amèrement la mort de ceux qui leur ont été chers pendant
la vie : mais que nous paraît-il de tout cela ? beaucoup de pleurs et
peu de prières, peu de charité, peu de de bonnes œuvres ; des gémissements, niais de nul effet ; des excès
de désolation sans aucun fruit. Ceux qui pleurent de la sorte, méritent
bien eux-mêmes d'être pleures : verè plorandi qui ità plorant. »
Et, en effet, de quel secours peut être à une âme l'excès de votre douleur ?
Tous
ces témoignages d'une affection outrée et sans mesure seront-ils
capables d'adoucir sa peine ; et pensez-vous que ce feu purifiant, dont
elle ressent les vives atteintes, puisse s'éteindre par les larmes qui
coulent de vos yeux ?
« Ah ! mon frère, écrivait saint Ambroise à un seigneur distingué, pour le consoler
sur la perte qu'il avait faite d'une sœur qu'il aimait uniquement,
réglez-vous jusque dans votre douleur. Toute violente qu'elle est, soyez
équitable et chrétien. Dieu vous a ôté une sœur, qui vous était plus
chère que vous-même : priez pour elle et pleurez sur vous. Pleurez sur
vous, parce que vous êtes un pécheur encore exposé aux tentations et aux
dangers de cette vie ; et priez pour elle afin de la délivrer des souffrances de l'autre. Voilà le zèle que vous devez avoir : car voilà ce qui peut lui servir, et de quoi elle vous sera éternellement redevable. »
Appliquons-nous à nous-mêmes ces paroles de saint Ambroise : nous éviterons par là le danger de n'avoir pour les morts qu'une piété stérile et infructueuse.
Rien de plus commun aussi qu'une piété d'ostentation pour les morts, c'est-à-dire une piété qui se borne à l'extérieur des devoirs funèbres, aux cérémonies d'un deuil, à l'appareil d'un convoi, à tout ce qui peut briller aux yeux des hommes
; aimant ce faux éclat jusque dans les choses les plus saintes, tels
que sont les services de l'Eglise, où souvent il y a plus de pompe que
de religion. Non pas toutefois qu'on veuille condamner tout ce ce qui se
pratique extérieurement dans les funérailles car l'abus qu'on en fait
n'empêche pas que ce ne soient de saints devoirs dans leur origine et
dans l'intention de l'Église, qui les a institués ; mais l'on veut
seulement dire que ce n'est pas à cela que doit se borner toute notre
piété envers les morts ; que, si nous en demeurons là, nous ne faisons
rien pour eux ; que, comme l'a très-bien remarqué saint Augustin, tout
ce soin d'une honorable sépulture est plutôt une consolation pour les
vivants qu'un soulagement pour les morts
; solatia vivorum, non subsidia mortuorum ; qu'une âme dans le purgatoire nous est incomparablement plus obligée des bonnes œuvres et des aumônes, dont nous lui appliquons le fruit,
que de toute la dépense et de toute la magnificence de ses obsèques ;
qu'une communion faite pour elle lui marque bien mieux notre
reconnaissance, que les plus riches et les plus superbes monuments ; et
qu'il y a, au reste, une espèce d'iniquité, ou même d'infidélité, à
n'épargner rien quand il s'agit de l'inhumation d'un corps, qui n'est
dans le tombeau que pourriture, tandis qu'on néglige de secourir une âme qui est l'épouse de Jésus-Christ et l'héritière du ciel.
Parlerons-nous
encore d'une autre espèce de piété pour les morts, de cette piété toute
mondaine et toute païenne, qui, n'ayant pour objet que la chair et le sang, n'agit pas dans les vues de la foi ? Elle n'inspire pour les morts que des sentiments naturels, que des sentiments peu soumis à Dieu, que des sentiments
qui montrent bien qu'au lieu d'aimer la créature pour Dieu, l'on n'aime
Dieu, ou plutôt l'on n'a recours à Dieu que pour la créature. Ah !
mes frères, disait saint Paul aux Thessaloniciens,
à Dieu ne plaise que je vous laisse ignorer ce qui concerne les morts , et la conduite que vous
devez tenir à leur égard. Je veux que vous te sachiez, afin que vous ne vous attristiez pas, comme tes nations infidèles, qui n'ont nulle espérance
dans l'avenir. Prenez garde, dit saint Jean Chrisostôme en expliquant
ce passage : il ne leur défendait pas de pleurer la mort de ceux qu'ils
avaient aimés et dû aimer pendant la vie ; mais il leur défendait de
pleurer comme les païens qui, n'étant pas éclairés des lumières de la vraie religion, confondent là-dessus la piété avec la sensibilité, le devoir avec la tendresse, ce qui doit être de Dieu avec ce qui est purement de l'homme. La foi seule nous apprend à en faire le discernement ; et réglant en nous l'un par l'autre, elle nous fait concevoir pour les morts des sentiments
chrétiens et raisonnables. Ce sera aussi la foi qui, les jours
suivants, nous apprendra quels sont les seuls moyens convenables et
efficaces, propres à apporter du soulagement aux âmes du purgatoire ; la prière, le saint
sacrifice, les bonnes œuvres : en un mot, tout ce que la vraie piété
pratique pour plaire à Dieu, et obtenir ses faveurs pour les vivants et
pour les morts.
RÉSOLUTION.
Retranchons
de notre piété pour les morts tout ce qu'il y a d'humain, tout ce qui
peut la rendre infructueuse : que la foi seule nous anime et soit le mobile de tout ce que nous faisons pour leur soulagement.
Quel désagrément, et pour nous et pour les morts auxquels nous nous intéressons, si des sentiments peu chrétiens nous faisaient perdre le fruit des soins que nous nous donnons pour marquer notre amour envers ceux que nous avons chéris sur la terre !
PRIÈRE.
Seigneur, mon Dieu ! je vous demande instamment la grâce d'être guidé par une foi vive dans tout ce que je ferai pour le soulagement des âmes du purgatoire : ne permettez pas que des motifs indignes d'un chrétien fassent de ces œuvres des œuvres mortes, sans mérite pour moi et sans aucun effet pour mes frères souffrants. Par les mérites de N.S. J.C. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à perpétuité à tous les Fidèles qui réciteront
avec dévotion et un cœur contrit, la prière suivante en l'honneur de
l'Ange gardien :
-1° Indulgence de cent jours pour chaque fois.
2° Indulgence plénière une fois par mois pour tous ceux qui l'auront récitée chaque jour : il faut, le jour choisi, se confesser, communier et prier selon les intentions de l'Église, dans une église publique.
3" Indulgence plénière le 2 Octobre, fête des saints Anges gardiens, pour ceux qui l'auront récitée toute l'année, matin et soir, sous les mêmes conditions que la précédente.
4° Indulgence plénière à l'article de la mort, pour ceux qui l'auront récitée fréquemment.
Prière. —
Ange de Dieu , qui êtes mon gardien , et aux soins duquel j'ai été
confié par la bonté suprême, daignez m'éclairer, me garder, me conduire
et me gouverner. Ainsi soit-il.
(Brefs du 2 Octobre 1795 et du 20 Septembre 1786. — Décret du 13 Mai 1821.)
Dix-septième jour
Piété envers les morts, toute chrétienne et cependant inutile.
Continuons à méditer les défauts qui empêchent que notre piété envers les morts leur soit d'aucun profit.
Celui qui va nous occuper aujourd'hui est le plus commun et le plus déplorable : car quoi de plus triste que d'employer inutilement les moyens qu'indique la religion, de faire sans fruit des œuvres saintes ?
Piété chrétienne dans le fond,
et néanmoins inutile devant Dieu ; ce sont deux caratères difficiles en
apparence à accorder, et qui se trouvent cependant dans tous ceux qui,
en priant pour les morts, sont eux-mêmes dans un état de mort,
c'est-à-dire dans la disgrâce et dans la haine de Dieu. Car, dans ce funeste et malheureux état de péché mortel, en vain le pécheur rend aux âmes du purgatoire des devoirs chrétiens, en vain prie-t-il et intercède t-il pour elles, en vain fait-il des largesses aux pauvres, en vain pratique-t-il tout ce que le zèle d'une dévotion particulière peut lui suggérer : ces âmes souffrantes
ne tireront jamais de lui aucun secours. Tandis que Dieu vous regarde, à
cause de-votre état de péché, comme son ennemi, vous êtes incapable de
les soulager : toutes vos prières sont réprouvées, toutes vos aumônes
perdues, tous vos jeûnes, toutes vos pénitences de nul effet : le péché,
dont votre conscience est chargée, anéantit la vertu de toutes vos
œuvres ; et comment serait-il possible que ce que vous faites fût de
quelque valeur pour ces saintes âmes, puisqu'il n'est de nul prix pour vous-même ? Le moyen
que vous fussiez en état d'acquitter leurs dettes auprès de la justice
divine, puisqu'il est certain que pour vous-même, Dieu, sans déroger à
sa miséricorde, ne reçoit rien alors de vous en payement ? Secourir une
âme dans le purgatoire, c'est lui transporter le fruit des bonnes œuvres qu'on pratique, et le lui céder : ainsi pour pouvoir, dans l'état de péché mortel, la soulager, il
faudrait que, dans cet état, les bonnes œuvres eussent quelque mérite
devant Dieu. Or, il est de foi qu'elles n'en ont aucun, parce que, sans
la grâce et la charité, ce sont des œuvres mortes, et qui n'ont pas le principe de la vie, et si elles sont mortes pour le pécheur qui les pratique, faut-il s'étonner qu'elles le soient encore plus pour ceux auxquels il prétend les appliquer ?
Il faut toutefois excepter le sacrifice de la messe, dont le mérite ne dépend point de la sainteté de celui qui l'offre, beaucoup moins de celui qui le fait
offrir, mais qui est uniquement attaché à la personne de Jésus-Christ
et au prix de son sang : il s'ensuit qu'un pécheur, dans l'état même de
son désordre, peut contribuer au repos des âmes du purgatoire en faisant offrir pour elles ce sacrifice, dont une des principales qualités est d'être souverainement propitiatoire pour les vivants et pour les morts. Il le peut, et il le doit avec d'autant plus de raison que ce sacrifice est le seul moyen que Dieu lui laisse de suppléer à l'impuissance où il se trouve de secourir autrement ces âmes prédestinées : car Dieu alors regarde l'hostie qu'on lui présente, qui est J.C., et non point celui par le ministère ou les soins duquel on la lui présente, qui est le pécheur. Mais, du reste, il est toujours vrai que le pécheur, en agissant par lui-même, ne peut rien faire qui soit profitable aux morts.
Si nous avons un vrai désir de soulager les âmes du purgatoire,
nous devons, avant tout, commencer par nous mettre en état de grâce :
c'est là l'essentiel, puisqu'autrement, malgré la meilleure volonté,
malgré nos prières et nos bonnes œuvres, nous ne leur serons d'aucun
secours. C'est aussi là le fondement de cette dévotion, si solennelle dans l'Église, qui consiste à se purifier par le sacrement de Pénitence et par la participation du corps de Jésus-Christ, pour se disposer à secourir utilement et infailliblement les âmes du purgatoire, le jour de la commémoration des morts.
De tout temps dans le christianisme
on a prié pour les morts, mais Dieu réservait à ces derniers temps
cette excellente pratique de se sanctifier pour les morts.
Autrefois
dans l'ancienne loi l'on observait quelque chose de semblable ; et
saint Paul, en écrivant aux Corinthiens, fait mention d'une espèce de
baptême dont les Juifs avaient coutume d'user pour le soulagement des morts. Mais ce que pratiquaient les Juifs, n'étaient que la figure, et la vérité devait s'accomplir en nous. Lavez-vous, nous dit le prophète Isaïe, purifiez-vous ; cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien ; venez ensuite, et soutenez devant moi la cause de ces âmes pour
qui vous vous intéressez : c'est alors que je vous écouterai, que
j'accepterai vos oblations, que je me laisserai fléchir par vos prières.
— Saint François-Xavier nous dit la même chose dans une de ses lettres :
« Vous pensez à vos frères qui souffrent dans un autre monde, vous avez
la religieuse ambition de les soulager ; mais pensez d'abord à
vous-mêmes : Dieu n'écoute point celui qui se présente à lui avec une
conscience souillée ; avant d'entreprendre de soustraire des âmes aux peines du purgatoire, commencez par délivrer les vôtres de l'enfer.»
Cet avertissement nous regarde tous, et pour peu que tout ce que nous avons médité jusqu'à ce jour, sur l'état des âmes de
l'église souffrante et sur les motifs de les secourir, ait laissé en
nous quelqu'impression, nous nous ferons un devoir de rentrer en grâce
avec Dieu et d'éviter les souillures du péché, pour pouvoir agir efficacement en leur faveur. Car par là nous glorifierons Dieu, par là nous ne perdrons pas le fruit de nos bonnes œuvres et nous consolerons nos frères dans leur affliction ; par là aussi nous attirerons sur nous les grâces du salut les plus abondantes.
CONSIDÉRATION.
Tout se lie dans notre divine Religion. Pour travailler efficacement au soulagement des âmes du purgatoire, notre premier devoir est de nous purifier.
Cette
obligation doit nons rendre encore plus chère cette dévotion, puisque,
indirectement, elle nous procure un si grand avantage.
N'oublions
jamais les principes médités en ce jour. Examinons-nous soigneusement,
lavons-nous, si c'est nécessaire, dans les eaux salutaires de la
pénitence, avant de songer à satisfaire pour ces âmes souffrantes et à les délivrer.
PRIÈRE.
0
mon saint Ange gardien ! c'est à vous que je m'adresse aujourd'hui pour
vous demander de me rappeler souvent à l'esprit que, si je veux
satisfaire mon vif désir de secourir les âmes du purgatoire, je
dois être en état de grâce, puisqu'autrement tout ce que je ferais pour
elles serait sans effet b: ajoutez ce motif à tous ceux que vous m'inspirez, afin que je sois de plus en plus attentif et empressé à rentrer dans cet état, si, ce qu'à Dieu ne plaise, le péché m'en avait fait sortir.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
On gagne une indulgence plénière, toutes les fois qu'après s'être
confessé et avoir fait la communion, on récite avec dévotion et un cœur
contrit cette prière devant un crucifix, en s'occupant de la passion de
J.C et en priant selon les intentions de l'Église :
Me
voici, ô Jésus ! aimable Sauveur, prosterné en votre présence : je vous
prie, et je vous supplie, avec toute l'ardeur dont je suis capable, de
daigner imprimer au fond de mon cœur les plus vifs sentiments de foi,
d'espérance et de charité, une vraie douleur de mes péchés, avec un
ferme propos de ne plus vous offenser ;
tandis que je vais, ô divin Jésus ! contempler vos cinq plaies, avec la plus tendre compassion, et le plus
sincère amour, en ayant présentes à mon esprit ces paroles prophétiques
de David
: Ils ont percé mes pieds et mes mains, ils ont compté tous mes os (Ps.
21. v. 17 et 18).
(Recrits du 10 Avril 1821. —17 Septembre 1823.)
Dix-huitième jour
Quels sont les différents moyens de soulager les morts.
Le Dieu de bonté et de miséricorde a établi une alliance de prières et de bonnes œuvres entre tous les membres de son Eglise, dans le ciel, sur la terre et dans le purgatoire : c'est la communion des Saints que proclame le Symbole des Apôtres.
En vertu de cette union nous pouvons soulager nos frères souffrants dans le purgatoire ; le Seigneur
a pour agréable tout ce que nous faisons en leur faveur, il l'accepte
comme une dette payée ; il est satisfait, il se relâche des droits
de sa justice en voyant la charité qui nous anime pour demander grâce
les uns pour les autres. C'est un bon père que l'amour filial désarme en
faveur d'un enfant coupable, lorsqu'il est sollicité par ses autres
enfants. Économie admirable de la justice et de la clémence divine
! Justifia et pax osculatœ sunt.
Le grand-prêtre Aaron, voyant que Dieu, irrité contre son peuple, avait fait sortir des entrailles de la terre un feu dévorant qui en avait fait périr plus de quatorze mille, courut au milieu du peuple, que le feu continuait d'embraser, offrit l'encens à Dieu, et, se tenant debout entre les morts et les vivants, il pria pour le peuple
et la plaie cessa
: Stans inter mortuos et viventes, obtulit thymiamata, et plaga cessavit. Exemple
admirable qui doit exciter notre zèle et notre piété, puisque les
lumières de la foi nous montrent une multitude innombrable d'âmes dans le purgatoire qui n'ont ni sacrifice, ni prêtre, ni autel pour offrir l'encens à Dieu.
Sur la terre un pécheur peut, avec la grâce du Seigneur, secouer et briser les fers dont le péché l'accable : mais les âmes du purgatoire ne peuvent rien ni par elles-mêmes, ni par le secours
de la grâce ; elles ont besoin de notre ministère pour sortir de leur
prison ; c'est à nous de les délier, de les élargir.
Les
laisserions nous dans un si grand besoin sans nous empresser de les en
tirer ? songeons que leurs chaînes sont de feu, et que, par conséquent,
il n'y a point de temps à perdre pour les leur ôter.
D'ailleurs ne serait-ce pas la plus grande cruauté, la plus insigne ingratitude de notre part, de ne pas répondre aux vues miséricordieuses de notre Père céleste, à qui sa justice ne permet plus de pardonner à ces âmes, mais qui nous donne le pouvoir de satisfaire pour elles ? Oh quel pouvoir ! Le mépriserions-nous !
Nous contribuons en deux manières à la délivrance des âmes du purgatoire ; par voie d'intercession et par voie de satisfaction. La première manière renferme le saint sacrifice de la messe et la prière : car tout le corps mystique de l'Église peut réunir son intercession commune en faveur des morts, et il le fait dans le saint
sacrifice de la messe. Chaque membre de l'Église peut aussi employer
séparément son intercession pour les morts ; et c'est ce qui arrive
lorsque quelqu'un en particulier adresse pour eux des prières au Père des miséricordes.
La seconde manière de soulager les morts, c'est-à-dire par voie de satisfaction , renferme le jeûne et l'aumône. Par le jeûne,
et par tout ce qu'on appelle les pénitences afflictives, nous pouvons
diminuer la peine que doivent les morts à la justice divine ; et par
l'aumône, nous pouvons la racheter, cette peine. Cependant, ces
compensations ne sont acceptées de Dieu que par
manière de suffrage, ainsi que s'exprime l'Église, parce qu'il n'y a pas
de proportion entre les peines qu'impose aux morts la justice divine,
et celles qu'elle accepte en échange de la part des vivants.
La justice divine ne condamne les hommes en ce monde qu'à de légères
peines : Maintenant il ne punit pas les crimes dans sa sévérité (Job).
Dans l'autre vie, Dieu exerce sa justice avec la dernière rigueur
: Je vous dis en vérité, vous ne sortirez point de là que vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole.(Matt.)
C'est donc toujours une grâce quand le Seigneur
reçoit les peines de cette vie pour compenser les peines de l'autre
vie. Il n'a pas coutume de rejeter cette compensation ; mais il est en
droit de le faire. Il ne nous reste donc que de prier avec instance qu'il veuille bien ne la point refuser.
Voilà
pourquoi les saintes Écritures ne nous disent rien de plus, sinon de
prier pour les morts : tout ce que nous faisons pour eux se doit
rapporter là. Ainsi jeûnons, mortifions notre chair, donnons l'aumône,
mais prions toujours en même temps la miséricorde du Seigneur, afin qu'elle daigne agréer ces offrandes, si inférieures aux dettes dont nous sollicitons la remise pour
nos frères. Unissons encore et nos offrandes et nos prières au sang de
Jésus-Christ qui demande beaucoup plus efficacement que nous. Une des vertus de ce sang adorable est d'ouvrir les prisons à tant d'âmes enchaînées
que dévore une soif ardente de voir Dieu, et que l'impuissance de se
délivrer par elles-mêmes retient dans les fers. C'est vous qui, par le sang de votre alliance, aveu fait sortir les captifs du fond du lac qui était sans eau. (Zach.)
N'oublions pas que, quoique les Fidèles condamnés au purgatoire soient
morts dans la grâce, il s'en trouve néanmoins parmi eux qui ont négligé
de prier pour les morts, et qui, par rapport à eux-mêmes, ont mieux
aimé remettre après la mort à satisfaire pour leurs péchés, que d'y
satisfaire pendant la vie. Par cette conduite ils ont mérité que le Seigneur
leur refuse la grâce qu'il accorde aux autres, en considération de nos
prières. Si nous voulons donc soulager ces morts, il faut prier pour eux
avec plus d'instance, parce qu'ils sont bien plus indignes d'avoir part
aux trésors de miséricorde que Dieu dispense dans le purgatoire, que les âmes qui furent autrefois et plus miséricordieuses envers les autres et plus précautionnées pour elles-mêmes.
RÉSOLUTION.
Puisque l'intérêt de Dieu, celui des âmes souffrantes et le nôtre nous font une obligation de prier pour les morts, prenons la résolution de nous éclairer sur la manière de remplir avec le plus
de fruit cet important devoir. Pensons souvent à cette qualité de
sauveurs que Dieu daigne nous accorder, et usons de ce pouvoir qui nous
procurera d'abondantes bénédictions, en même temps qu'il apportera
d'indicibles soulagements aux âmes du purgatoire.
PRIÈRE.
Je vous rends mille actions de grâce, ô mon Dieu ! de nous avoir accordé le pouvoir de soulager nos frères souffrants par des moyens
si faciles. Nous ne pouvons mieux exprimer notre reconnaissance,
Seigneur, qu'en faisant usage de ce pouvoir ; qu'en exerçant la qualité
glorieuse de sauveurs, que vous daignez nous faire partager avec votre
divin Fils, par les seuls mérites duquel nos œuvres peuvent vous être
agréables et apporter du soulagement aux âmes du purgatoire. Gloire à Dieu et à Jésus-Christ pour tous les bienfaits dont est comblée la sainte Eglise ! Ainsi soit-il.
Exemple.
Nous n'avons jusqu'à présent rapporté aucune des nombreuses révélations concernant le purgatoire que racontent des écrivains
respectables ; mais nous lisons dans la vie de saint Thomas d'Aquin un
fait rapporté par un auteur contemporain, et qui ne peut étonner dans la
vie d'un Saint comblé de tant de faveurs extraordinaires ; nous allons le copier parce qu'il est extrêmement propre à nous prouver combien nous pouvons aisément soulager les âmes du purgatoire, si nous sommes persévérants à intercéder pour elles.
Un
jour que saint Thomas répandait dans l'oraison son âme devant Dieu,
avec autant de confiance que d'humilité, sa sœur, morte depuis peu
abbesse de Sainte Marie de Capoue, lui apparut pour lui apprendre
qu'elle était en purgatoire, et le prier de l'aider par ses sacrifices à satisfaire à la justice de Dieu. Le Saint le fit
; il ajouta plusieurs mortifications aux prières qu'il offrit et qu'il
fit offrir pour elle. Après quelques jours sa sœur se montrant à lui une seconde fois, l'assura qu'elle était déjà dans la gloire, et le remercia
de ce qu'il avait fait pour lui en avancer la possession. Il lui
demanda quel était l'état de ses deux frères déjà morts. Elle lui
répondit qu'un des deux était en paradis, et l'autre encore dans le purgatoire. Saint Thomas demeura d'autant plus consolé, qu'il y avait longtemps que l'incertitude du salut
de ses frères affligeait sensiblement son cœur. Depuis leur mort il
n'avait cessé de solliciter la divine bonté de lui faire connaître quel
était l'état de ces âmes, pour lesquelles
il offrait tous les jours les saints mystères. Dieu voulut bien
marquer, par une double faveur, combien ses prières et sa charité lui étaient agréables, puisqu'il lui avait déjà accordé le salut d'un de ses frères, et qu'il lui envoyait sa sœur pour l'en assurer.
Cette sœur, qui lui apparut, était la môme qui, s'étant chargée de le détourner
d'entrer en religion, fut persuadée par son frère d'y entrer elle-même.
Ainsi la charité fraternelle de saint Thomas procura un double avantage
à sa sœur en l'arrachant pendant sa vie aux vanités du siècle, et en abrégeant les peines du purgatoire après sa mort.
Indulgence applicable aux morts. —
Cent jours d'indulgence une fois par jour, quand on récite avec
dévotion et un cœur contrit une des prières pour les âmes du purgatoire, pour tous les jours de la semaine, insérées à la fin de cet ouvrage, en y ajoutant un Pater, un Ave et le Psaume De Profundis. (Rescrit du 18 Novembre 1826.)
Dix-neuvième jour
Premier moyen propre à soulager les âmes du purgatoire.
Le saint sacrifice de la Messe.
Les moyens que nous avons de secourir les âmes qui souffrent dans le purgatoire, et qui sont propres à leur procurer du soulagement dans leurs peines, et même à les en délivrer, peuvent se diviser en trois classes :
1° Le saint
sacrifice de la messe, que l'on offre ou que l'on fait offrir à ce
dessein ; sacrifice qui, étant en partie institué pour cette fin, est
d'une efficacité merveilleuse.
2° Les prières, les jeûnes, les aumônes et toutes les œuvres pénibles qui étant satisfactoires peuvent être offertes pour le soulagement de ces âmes souffrantes.
3° Les indulgences qui leur sont applicables, et que nous pouvons gagner si facilement.
Nous allons aujourd'hui faire quelques réflexions sur le sacrifice
de l'autel, considéré comme sacrifice d'expiation, ayant la vertu de
satisfaire à la justice divine quand il est offert pour les morts.
Ce
que nous en avons dit prouve l'efficacité de ce sacrifice, qui ne perd
rien de son mérite par l'état de péché où se trouve celui qui l'offre.
C'est donc avec raison que saint Grégoire s'écrie : "Le sacrifice non sanglant de l'autel est un remède souverain pour soulager les morts."
Et
nous pourrions ici imiter la conduite de ce prophète qui, envoyé de
Dieu à un roi insensible aux misères de son peuple, s'adressa, non à ce
prince, mais à un autel , en s'écriant : Altare , altare ! autel, autel
! où l'on immole tous les jours la victime sainte ; victime de
propitiation et d'expiation pour les vivants et pour les morts. Ouvrez
tous les livres de religion : vous y verrez qu'on doit fonder et établir
ses espérances, principalement sur l'adorable sacrifice de la messe.
Lui seul peut opérer par lui-même, indépendamment des dispositions du prêtre ou des assistants, l'heureux effet que nous désirons. Il ne faut que penser au mérite que doit avoir aux yeux du Père
céleste l'immolation réelle, quoique mystique, de son Fils unique et
consubstantiel : cette pensée jointe à une foi vive nous inspirera une
confiance sans bornes, et nous nous empresserons de satisfaire l'ardeur
avec laquelle toutes les âmes du purgatoire attendent que le sang
de l'Agneau sans tâche coule pour elles sur les autels. Elles
éprouvent, elles sentent la vertu qu'il a, ce sang précieux, de calmer
leurs tourments, d'apaiser, d'éteindre les flammes auxquelles elles sont
en proie. L'on ne sera donc pas surpris de lire ce que raconte le bienheureux
Henri de Suso, qu'un religieux mort lui apparaissant se plaignit à lui
de ce qu'il en était délaissé ; et comme Suso lui répondit qu'il offrait
tous les jours ses prières pour lui ; il faut du sang de Jésus, lui répliqua-t-il, voulant parler du sacrifice
de la messe. De tout temps, l'Église l'a offert pour les morts ; la foi
nous enseigne cette vérité. A tous les sacrifices nous faisons mémoire des Fidèles « qui nous ont précédés avec le signe de la foi, et qui dorment dans le sommeil du la paix. » Mais, outre cette mention journalière et générale de toutes les âmes du purgatoire dans le Mémento pour les morts du
canon de la messe, l'Église désire encore que ce sacrifice expiatoire
soit offert pour les défunts à leur décès ; et dans tous les temps,
excepté certaines fêtes, elle permet que l'on dise des messes pour les morts, au gré des Fidèles qui les demandent. Et quoique, à toutes les messes auxquelles l'on assiste, l'on doive prier et offrir le sacrifice pour les morts, du moins
lorsqu'on est arrivé à la partie où l'Eglise les recommande, c'est
surtout aux messes de requiem qu'il faut joindre ses vœux à ceux de
l'Église et se pénétrer de zèle et de compassion pour la délivrance de
ces Ames souffrantes. Il faut dire avec le prêtre ces paroles touchantes : Requiem œternam dona eis, Domine ; Seigneur, accordez le repos
éternel à vos serviteurs. Ouvrez-leur ce beau séjour de lumière où vous
ferez leur éternelle félicité ; et lux perpétua luceat eis». Dieu de
miséricorde ! pardonnez à des enfants
que vous chérissez et sur lesquels vous n'exercez que malgré vous les
rigueurs de votre justice : absolve, etc., etc. En un mot, récitez avec
une charitable instance et avec une foi vive les prières que l'Eglise
adresse au Seigneur pour ses enfants décédés. La méthode pour la messe,
qui se trouve à la fin de ce volume, peut vous être très utile pour assister avec ferveur et avec fruit aux messes de morts.
Que les pauvres ne craignent pas d'être privés des fruits du sacrifice expiatoire, parce qu'ils n'ont pas le moyen de le faire offrir. C'est pour tous les morts qu'il est offert chaque jour dans tout l'univers. Le Père commun en applique le mérite à tous ses enfants. C'est un trésor que l'Église répand sur tous les Fidèles souffrants : en vertu de la communion des Saints,
les prières pour les morts sont communes ; ce qui ne profite pas aux
réprouvés profite aux Fidèles décédés dans la paix. Combien de mauvais
riches dans les enfers, pour qui on réclame en vain une goutte de
rafaîchissement ! C'est sur les pauvres qu'elle retombera ; c'est sur
eux que se répandront les soulagements inutilement sollicités pour des morts qui ont abusé des trésors de la terre. Le juste
distributeur de tous les dons sait rendre à chacun ce qui lui est dû :
il a pourvu à tout. Si votre père, votre mère, vos enfants, vos
héritiers manquent de moyens ou de volonté pour faire offrir pour vous le saint sacrifice, le Seigneur ne vous abandonnera pas ; il vous prendra sous sa protection ; il vous appliquera le fruit de tant de sacrifices perdus pour des riches réprouvés : Mon père et ma mère m'ont abandonné, mais le Seigneur m'a recueilli. (Ps.
26.) Ces réflexions doivent nous faire sentir l'avantage que nous avons
sur l'hérétique qui meurt dans le sein
d'une église schismatique, où l'on ne prie point pour les morts. Oh !
véritablement cette église n'est pas la véritable, car elle n'a point
pour eux le cœur et les entrailles d'une
vraie mère. Dès qu'ils ont disparu de la terre, elle les perd de vue,
elle les oublie, elle les abandonne à la justice de Dieu et à leur
destinée. L'Église catholique, au contraire, mère toujours sensible et
tendre, toujours inquiète sur le sort de ses enfants, les suit de cœur et d'esprit après leur mort. Elle s'efforce de toucher et de fléchir le Dieu de bonté par des sacrifices sans cesse renouvelés. Elle fait couler sur eux le sang de l'Agneau qui, comme une rosée rafraîchissante, tempère l'ardeur des flammes qui les purifient. Elle paye leurs dettes en offrant à Dieu pour eux la surabondance des satisfactions et des mérites infinis de Jésus-Christ, notre rédempteur.
Or, ou nous ne sommes plus enfants de cette tendre mère, nous ne sommes plus dignes de réclamer ce beau titre, ou nous devons entrer dans ses sentiments et ses vœux, et nous joindre à elle pour offrir la victime sainte pour la délivrance des âmes du purgatoire. C'est le moyen
par excellence de venir à leur secours, puisque c'est Jésus-Christ
lui-même que nous offrons à Dieu, c'est-à-dire ce sacrifice seul
agréable aux yeux de Dieu, seul expiatoire et propitiatoire, ce sang
répandu pour la rédemption du genre humain, et par la vertu duquel la justice divine peut être satisfaite.
De là ce zèle et cet empressement des mourants à demander qu'après leur mort on se souvienne d'eux dans les prières et surtout dans le sacrifice
de la messe. Rien n'est plus édifiant que d'entendre les derniers vœux
de sainte Monique, mère de saint Augustin. Elle ne demande point d'être
enterrée somptueusement, mais seulement qu'on se souvienne d'elle au
saint autel, au mystère duquel elle avait assisté tous les jours de sa
vie, et d'où elle savait qu'on dispense la victime sainte, dont le sang a effacé l'arrêt porté contre nous. » Monique assistait tous les jours au sacrifice de l'Église, elle connaissait le mérite et le prix de ce sacrifice. Elle demande qu'on se souvienne d'elle au saint autel. Les vœux de Monique étaient trop justes pour n'être pas exaucés ; et saint Augustin rapporte que, selon la sainte coutume, le corps de Monique étant encore auprès de la fosse, et avant qu'il y fût descendu, l'on offrit pour elle le sacrifice de notre Rédemption : preuve évidente que c'est une dévotion sainte, solide et des mieux appuyée que de prier pour les morts, et surtout d'offrir pour leur soulagement le sacrifice de l'Agneau sans tache.
RÉSOLUTION.
Combien de fois n'avons-nous pas assisté au saint sacrifice de la messe, sans même penser aux âmes du purgatoire, sans
nous joindre au prêtre intercédant pour elles ? Ne retombons plus dans
cette négligence, dans cette faute qui dénote une insensibilité ou une
ignorance bien coupable. A chaque messe, et particulièrement aux messes
pour les morts, unissons-nous avec ferveur au prêtre, à l'Église priant
pour les membres souffrants de Jésus-Christ, qui lui-même offrira cette
prière à son Père éternel, et en obtiendra certainement quelque
soulagement pour ces âmes prédestinées.
Offrande du saint Sacrifice pour le soulagement des âmes du Purgatoire.
Prosterné
humblement devant vous, souverain Créateur de l'univers, je viens vous
offrir votre divin Fils pour les fidèles morts dans votre grâce, mais
qui payent encore à votre justice les péchés qu'ils n'ont pas expiés
pendant leur vie. Ce sont entre autres des parents, des amis, des bienfaiteurs,
qu'un juste devoir m'ordonne de secourir. Et quel secours plus efficace
puis-je leur procurer, ô mon Dieu ! que de vous offrir, pour leur
délivrance, le sang, du Sauveur de tous les hommes. Par J.C. N.S. Ainsi soit-il.
Exemple.
La
vie de saint Charles Borromée nous fournit la preuve de sa vive charité
pour les morts et, en particulier, de sa sollicitude à faire offrir
pour eux le saint sacrifice.
La
peste, qui depuis si longtemps ravageait Milan, ayant cessé, ce grand
et charitable prélat crut que plusieurs de ceux qui en étaient morts, à
Milan et dans la province, n'avaient peut-être laissé personne qui priât
Dieu pour eux.
Mu d'une charité véritablement paternelle, il fit celébrer trois offices solennels pour le repos de leurs âmes, l'un à la cathédrale où tout le clergé
assista, et les deux autres en deux églises collégiales ; on fit la
même chose dans toutes les paroisses, dans tous les chapitres, et dans
toutes les églises des religieux, et
chaque prêtre dit en son particulier une messe à cette intention. Il
adressa une lettre pastorale à son peuple pour l'exhorter de se trouver,
autant qu'il le pourrait, à tous ces services, et de soulager ces pauvres âmes par leurs prières, leurs aumônes, la visite des églises, et par toutes sortes de bonnes œuvres. Et, afin de les y animer davantage, il y décrivit combien les tourments du purgatoire sont rigoureux et incompréhensibles.
Indulgence applicable aux morts. — Il y a dans la plupart des églises des autels privilégiés, c'est-à-dire, des autels auxquels le souverain
Pontife attache une indulgence plénière applicable aux défunts pour
lesquels on y célébrera la messe ou tous les jours ou certains jours
seulement. Pour que cette indulgence soit appliquée à un défunt, il faut
que la messe soit dite à son intention. Cette messe est plus
avantageuse que si elle était célébrée à un autre autel, puisqu'une
indulgence plénière est ajoutée à la valeur du saint
sacrifice. L'on ne peut, il est vrai, déterminer la valeur de cette
indulgence relativement au mort, mais l'on sait qu'elle peut lui être
appliquée et qu'elle est propre à le soulager : cela suffit pour nous y faire attacher une grande importance.
Tous les autels de l'église où se font les prières de quarante heures jouissent de cet insigne privilége pendant le temps de leur durée.
(Rescrit du 12 Mai 1817.)
Vingtième jour
Deuxième moyen propre à secourir les âmes du purgatoire.
Prières, jeûnes, aumônes, etc.
La coutume de prier pour les morts n'est pas nouvelle ; les Pères les plus anciens en font mention.
Voici
comment saint Augustin en parle dans un de ses sermons : " Nos pères
nous ont laissé cette tradition, qui est observée dans toute l'Eglise,
c'est qu'il y ait un temps, lorsqu'on offre le sacrifice, où l'on prie pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de J.C. L'on prie alors expressément pour les morts, et l'on ne peut douter qu'ils n'en retirent du soulagement ; ce n'est point inutilement que l'Église prie pour eux. »
Toutes les paroles de saint Augustin sont dignes d'être remarquées.
1°. Il nous apprend l'antiquité de la tradition : on n'en connaît point le commencement ; par conséquent, selon les principes de saint Augustin, c'est une tradition qui vient des Apôtres.
2°.
Cette tradition est suivie par toute l'Eglise : la prière pour les
morts est enseignée et pratiquée dans toute l'Église. Or l'Église, qui
est la colonne et le fondement de la vérité, ne peut enseigner, ni pratiquer que ce qu'elle a reçu de J.-C. et des Apôtres.
3°. On prie pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de J.-C. Il faut être mort dans le sein de l'Église, être un de ses membres et lui appartenir pour avoir part à ses prières.
4°.
On ne peut pas dire qu'une si sainte et si ancienne pratique soit
inutile ; elle est d'un grand fruit pour les morts ; et c'est pour cela
que la piété chrétienne doit nous engager à procurer aux morts un
secours que le Seigneur
a laissé en notre pouvoir et qui leur est d'une grande utilité. —Mais
si nous nous étendons sur ce passage de saint Augustin, ce n'est que
pour l'édification des Fidèles
et nullement pour leur instruction : ils connaissent l'utilité de la
prière pour les morts, et même en se faisant un de leurs devoirs
essentiels d'offrir tous les jours avec l'Église le saint sacrifice pour
eux, ils savent que, si c'est là un moyen sûr de les soulager, ils ont
encore bien d'autres moyens qu'ils peuvent mettre en usage pour venir
puissamment au secours des âmes du purgatoire. C'est ainsi qu'après le sacrifice de l'autel, ils attachent le plus
haut prix à tout ce qui tient à ce divin holocauste, la communion
sacramentelle et spirituelle, les visites au saint Sacrement, l'oblation
de l'adorable victime, même hors le temps et le lieu où elle est solennellement immolée.
Ces pratiques, aussi salutaires que douces et consolantes, tiendront le premier rang parmi les dévotions qu'une piété éclairée doit se proposer, parce qu'elles sont conformes à l'esprit dans lequel le Sauveur du monde institua cet auguste Sacrement. Sa présence réelle au milieu de nous, jusqu'à la consommation des siècles, n'annonce-t-elle pas clairement le désir, l'empressement où il est de s'unir à nous et de faire droit à nos humbles requêtes. L'Eucharistie est proprement le siége, le trône de son amour. C'est donc dans le secret de sa face, ou dans le silence de son sanctuaire, et quand vous le possédez au-dedans de vous-mêmes que vous devez lui confier le vif intérêt que vous prenez à ces morts, qui lui sont encore infiniment plus chers qu'à vous. Pourrait-il vous refuser leur soulagement, leur délivrance lorsque vous les lui recommandez dans des moments
si précieux, lui qui se donne à vous avec tant de générosité, lui qui
se plaît à vous voir attendris, pleins de charité et de compassion pour des âmes qu'il
chérit : ce n'est plus vous qui priez, c'est J.C. qui prie, qui gémit
en vous, qui implore la clémence d'un juge qui ne cherche qu'à être
apaisé. Communiez donc pour les morts ; visitez souvent le Dieu
eucharistique ; adressez-vous sans cesse à son divin cœur ; il est
impossible que ce ne soit un moyen efficace pour adoucir les peines de
ces âmes rachetées par le sang adorable de ce même Dieu eucharistique.
Nous ne parlerons pas des autres prières, des offices de l'Église pour les morts, des Psaumes, du Pater, de l'Ave et du Chapelet
: ce sont autant de moyens excellents de soulager nos frères
souffrants, pourvu que toute prière quelconque soit faite avec les
sentiments de piété, d'attention, de dévotion, de compassion qui doivent
accompagner toutes les prières, et en particulier celles pour les morts
; autrement ce serait vouloir, par de nouveaux péchés, satisfaire pour
les péchés de nos frères.
La prière nous offre sans doute des moyens nombreux d'intercéder près de Dieu pour les âmes du purgatoire, et ce serait manquer à ce qu'on doit aux morts que de les priver d'un secours aussi afficace que celui du sacrifice
et de la prière ; mais ce serait bien peu connaître les secours que
nous pouvons leur procurer que de les borner ainsi ; car la bonté et la
miséricorde de Dieu sont si étendues qu'il reçoit, comme satisfactions
pour le compte de ces âmes, toutes
les bonnes œuvres, tous les actes de vertu que pratique un chrétien.
Tout ce que nous pouvons faire d'agréable à Dieu nous sert à payer leurs
dettes, pourvu que nous soyons en état de grâce : parce qu'alors toutes
nos bonnes œuvres sont vivantes, fructifient et satisfont pour nous et
pour elles ; en un mot, elles sont méritoires, salutaires et efficaces,
si elles partent d'un cœur bon, pur, innocent, qui soit dans un état
d'amitié avec Dieu. Ainsi l'aumône, le jeûne, la mortification, l'abstinence, la pratique des vertus chrétiennes, etc., etc., tout cela peut et doit être offert à Dieu, comme des œuvres satisfactoires, en faveur des morts. En dressant notre intention pour en faire cette application, l'aumône, tout en rachetant nos péchés, rachète aussi ceux de ces âmes. Si vous n'avez pas le moyen de faire des aumônes,
dirigez à cette fin les bons services que vous rendez au prochain, vos
travaux, vos occupations ; offrez-les à Dieu pour en appliquer tout le mérite à ces âmes. Jeûnez,
si vous pouvez ; sinon privez-vous de quelque chose, de quelque
plaisir, de quelque divertissement ; jeûnez en vous abstenant de paroles
inutiles, médisantes, etc., etc., offrez vos peines, vos afflictions,
vos maladies, les maux que vous endurez en cette vie, en les acceptant
avec résignation ; appliquez-en le mérite aux âmes du purgatoire, et remerciez la Providence de ce qu'elle vous met à même d'ouvrir le ciel à tant d'âmes auxquelles
vous pouvez apporter quelque soulagement par votre généreux sacrifice.
Pourriez-vous avoir une plus belle occasion de glorifier le Seigneur, puisque, par là, vous procurez à vos frères la possession du ciel
? Ce que saint Jacques dit de la charité envers les orphelins et les
veuves, avec quel fondement de vérité ne pouvons-nous pas le dire de cette dévotion envers les âmes du purgatoire ?
La religion pure et sans tache aux yeux de
Dieu notre Père, consiste à visiter
les orphelins et les veuves dans leur affliction, et à se conserver pur de la corruption du siècle présent. »
« La charité (dirons-nous avec saint Pierre, aux fidèles qui pratiquent
cette dévotion), La charité couvre
beaucoup de péchés. Ceux qui souffrent selon la
volonté de Dieu, persévérant dans les bonnes œuvres, remettent leurs âmes entre les mains de celui qui est leur créateur, et qui leur sera fidèle. »
CONSIDÉRATION.
Il n'est donc pas pour ainsi dire de moment en notre vie, où nous ne puissions secourir les âmes du purgatoire, si
nous avons soin de nous conserver en état de grâce, et d'offrir, à
cette intention, toutes nos actions à Dieu. Ainsi ce n'est pas seulement
au saint sacrifice de la messe, au pied du trône du Dieu
eucharistique, ou lorsque nous prions avec ferveur, que nous exerçons
cette charité sublime ; nous remplissons même ce devoir en offrant nos
bonnes œuvres quelconques, le plus petit acte de vertu ! que cette considération influe sur toute notre conduite, et que la pensée du soulagement que nous pouvons si aisément apporter à ces saintes âmes, soit pour nous un motif de ne perdre jamais l'amitié de Dieu.
Oraison de l'église.
O Dieu, qui pardonnez aux pécheurs, et qui aimez le salut des hommes,
nous supplions votre bonté d'accorder à tous ceux qui sont nos frères parle lien
d'une société particulière, à nos proches et à nos bienfaiteurs, qui
sont sortis de ce monde, qu'étant aidés par l'intercession de la
bienheureuse Marie toujours Vierge, et de tous les Saints, ils soient
admis avec eux à la participation de la béatitude éternelle.
Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Quand on récite avec un cœur contrit l'oraison O mon Dieu
! qui avez voulu , etc. (voyez à la fin de cet ouvrage), en y ajoutant
cinq Pater, Ave et Gloria, en l'honneur de la passion et de la mort de
N.S. J.C., on gagne une indulgence de trois cents jours, une fois par
jour, et une indulgence plénière quand on l'aura récitée tous les jours du mois et qu'on se confesse et qu'on communie un des trois derniers jours du mois et qu'on prie selon les intentions de l'Église. (Décret du 25 Août 1820.)
21ème jour
Cession de nos bonnes œuvres en faveur des âmes du Purgatoire.
Remarquons
d'abord qu'il y a trois choses dans les bonnes œuvres : elles
sont méritoires ; c'est-à-dire qu'elles méritent un degré de gloire ;
elles sont impètratoires, en ce qu'elles obtiennent quelque grâce de
Dieu ; elles sont satisfactoires ; parce qu'elles satisfont pour nos
péchés. Or, en tant qu'elles sont méritoires, nous n'en pouvons faire
part à personne ; car le mérite est
personnel. C'est, à proprement parler, en tant qu'elles sont
satisfactoires que nous pouvons les offrir pour les autres : c'est donc
en ce sens que nous pouvons en faire un transport, une cession ; et, en
ce cas, toute la satisfaction appartient à ceux en faveur desquels nous
nous en privons. C'est donc de cette manière que nous pouvons offrir
toutes nos bonnes œuvres, nos souffrances, etc., etc., pour les âmes du purgatoire.
Nous avons vu hier que toutes nos bonnes œuvres peuvent être des moyens de soulager les morts, et qu'ainsi l'on peut en mille circonstances venir à leur secours, sans rien faire d'extraordinaire.
Nous allons aujourd'hui méditer une excellente résolution que nous proposons aux âmes jalouses de témoigner à Dieu leur parfait dévouement.
Elle consiste à lui offrir généralement tous les mérites expiatoires ou satisfactoires de la vie, en faveur des défunts.
Nous
conseillons en outre d'en laisser l'application à la sainte Vierge ;
car personne ne peut plus saintement en disposer, puisqu'elle le fera toujours pour la plus grande gloire de Dieu, qui doit être la fin de toutes nos œuvres.
Ce sera, de plus, un témoignage du véritable
amour que l'on a pour elle, puisqu'on lui remet tout ce qu'on a, et
tout ce qu'on peut lui donner, l'honorant ainsi, non-seulement par
quelques actions particulières, mais par toutes généralement.
Ne
craignons pas de nuire à nos intérêts, par ce transport général de nos
bonnes œuvres. Quelqu'accumulées que puissent être les dettes dont nous
nous croyons chargés envers la justice divine, quel risque courons-nous,
en cédant à Dieu nos propres intérêts et nos droits les plus légitimes ?
Les péchés sans doute crient pénitence ; mais la charité crie encore plus haut en faveur des âmes souffrantes. Le transport que nous faisons du fruit de nos travaux et de nos œuvres, par le motif
d'une charité sublime, n'est-il pas incomparablement plus estimable en
lui-même et plus méritoire devant Dieu, que tout ce que nous pourrions
entreprendre par le motif de notre intérêt personnel. Il est vrai que l'on se prive des satisfactions
pour ses propres péchés, mais cet acte héroïque de charité nous est
même plus utile que si nous nous réservions nos satisfactions, et a plus
de force auprès de Dieu, qui est la charité même, pour nous acquitter
de nos dettes. Donnes, dit J.C., et il vous sera donné. Mais de quelle
mesure se servira-t-on ? Nous serons traités comme nous aurons traité
les autres : si nous donnons peu, il nous sera donné peu ; si nous
donnons tout, tout nous sera donné. Le chrétien assez généreux pour consacrer à la gloire de Dieu tout le trésor de mérites qu'il pourra amasser pendant le cours de sa vie, en l'abondonnant aux nécessités pressantes de ses frères défunts, ne recevra-t-il pas au jour du jugement une mesure surabondante, si pleine qu'elle se répandra par dessus, comme s'exprime l'Écriture ?
Mais, dit-on, la charité bien ordonnée commence par soi-même. — Rien de plus vrai, lorsqu'il est question du salut.
Chacun est tenu d'employer à cette importante et unique affaire tout ce
qu'il a reçu de talents et de grâces. A quelque prix que ce soit, il
faut qu'il se sauve, malgré la chute de l'univers entier. Mais s'agit-il
de soulager et de secourir au plus tôt les amis de Dieu, nos frères
souffrants, en leur faisant part des biens
spirituels dont nous ne pouvons nous-mêmes recueillir les avantages
qu'après la mort ; fallût-il nous dépouiller en leur faveur de toutes
nos acquisitions en ce genre ; au fond et en dernière analyse, qu'est-ce
qu'une pareille cession opérée, dirigée par des vues
si nobles et si pures ? L'acte seul de cette cession n'est-il pas d'une
plus grande valeur que tout ce qu'on cède ? N'est-ce pas une action de
pure charité, et ainsi plus agréable à Dieu, et plus méritoire que si
l'on avait en vue ses propres intérêts ? On ne peut donc se dépouiller
ainsi, sans être aussitôt revêtu de richesses beaucoup plus précieuses
et inaliénables. C'est pour Dieu, et conséquemment à Dieu, que l'on cède
tout, que l'on donne tout. Or, en donnant tout à Dieu, est-il permis de
penser qu'on coure aucun
risque de perdre ? Donner à Dieu, c'est toujours un prêt saintement
usuraire, dont Dieu lui-même se fait caution en nous disant
: Donnez et il vous sera donné. Puisse une si sainte usure tenter la
pieuse avarice de tous les fidèles ?
Ne
craignons donc pas de négliger nos intérêts spirituels en faisant ce
sacrifice, puisqu'au contraire c'est un moyen d'augmenter beaucoup le mérite de nos bonnes œuvres, et ainsi d'arriver à une plus grande gloire dans le ciel.
Même plus on est grand pécheur, plus cet abandon semble devoir être
héroïque, parce qu'alors on donne tout son nécessaire. Si le juste ne peut exercer une plus grande charité, à plus forte raison le pécheur
qui, malgré les nombreuses satisfactions qu'exigent ses péchés, vient
au secours de son prochain, ne s'occupe que de ces âmes qui,
ne pouvant plus mériter, sont dans la souffrance et dans l'éloignement
de Dieu : il ne se réserve rien, il consacre tout à la gloire de ce
Maître si bon, si magnifique ; un tel sacrifice ne doit-il pas
l'emporter sur tous les sacrifices des vertus
subordonnées à la charité, telle que la pénitence ? Car ce sacrifice,
cet acte de pure charité, n'a-t-il pas principalement Dieu en vue ?
Heureux donc les chrétiens qui, dans un parfait
oubli de tout intérêt propre, ne se regardent plus, n'envisagent que
Dieu seul et son unique gloire ; qui ont, pour tout intérêt, le seul intérêt de Dieu ! Ils ne pensent, ils ne se soucient, ils ne cherchent, ils ne veulent et dans le ciel et sur la terre, dans le temps et dans l'éternité, que Dieu seul ; il leur suffit que la donation de toutes leurs bonnes œuvres le glorifie
hautement ; car pour un seul degré de sa gloire il n'y a rien qu'ils ne
fussent prêts à faire et à souffrir ; et, en contribuant d'une manière
si abondante à la délivrance des âmes du purgatoire, ils savent que c'est lui procurer la plus haute gloire qu'on lui puisse rendre.
Comme
il y a différents degrés de charité, ceux qui n'en ont pas une si
étendue peuvent offrir toutes leurs bonnes œuvres pour une année, pour
un mois, pour
une semaine, pour un jour, et réitérer quelquefois la même offrande.
Et, si notre désintéressement n'est pas assez complet pour abandonner à
la disposition de la sainte Vierge le choix des âmes auxquelles
il lui plaira d'appliquer nos suffrages, rien n'empêche que l'on ne
prie en particulier pour les personnes envers lesquelles l'on est plus obligé
; l'on peut s'adresser à cette Mère de miséricorde, afin qu'elle leur
fasse part de nos satisfactions. Mais la perfection de ce sacrifice fait
tout laisser entre les mains de Dieu ; les inclinations de la nature,
les intérêts de la chair et du sang, tout cède à la pure gloire de Dieu.
RÉSOLUTION.
Le désir que nous avons de soulager les âmes du purgatoire, doit nous faire adopter avec empressement le moyen que nous venons de méditer, puisqu'il est appuyé sur tous les motifs que nous avons énumérés les 11e, 12e et 13e jours.
Mais,
comme nous savons que nos œuvres sont si souvent nulles à cause de
notre tiédeur, adressons à Dieu de tout notre cœur la prière suivante
pour obtenir de sa miséricorde de saints intercesseurs en faveur de nos
frères souffrants.
PRIERE
Esprit-Saint ! vous avez suscité, à différentes époques, des ordres religieux de tous genres, propres à subvenir à tous les besoins de l'église militante : ô Père des lumières ! pénétrés de compassion et de zèle pour les morts, nous vous conjurons de susciter également, en faveur de l'église souffrante, un nouvel ordre, dont le but principal soit de s'occuper jour et nuit du soulagement et de la délivrance des âmes du purgatoire ; dont l'intention invariablement appliquée aux morts dirige les opérations tant du ministère
que de la dévotion, comme jeûnes, veilles, oraisons, prédications,
etc., etc. Vous seul, Esprit Créateur, pouvez inspirer l'exécution d'un
pareil établissement si propre à procurer la plus grande gloire de Dieu,
et après lequel mon cœur ne cessera de soupirer. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à perpétuité à tous les Fidèles qui réciteront,
avec dévotion, l'offrande suivante du très
précieux sang de notre Seigneur J.C. au Père éternel, pour obtenir sa
sainte bénédiction, avec un Pater, Ave, Gloria à la très-sainte Trinité,
en action de grâce de tous les bienfaits que nous avons reçus de sa
miséricorde. (Rescrit du 25 Oct. 1823.)
1° Cent jours d'indulgence pour chaque fois.
2° Indulgence plénière pour ceux qui l'auront récitée tous les jours pendant un mois, un des derniers jours de ce mois à leur choix, pourvu que, s'étant confessés et ayant communié, ils prient selon les intentions de l'Église.
OFFRANDE.
Père éternel, nous vous offrons le très-précieus sang qui coula pour nous de la plaie de la main droite
de Jésus, et, par les mérites et la vertu de ce sang précieux, nous
supplions votre divine Majesté de nous accorder sa sainte bénédiction,
afin que par elle nous puissions être protégés contre nos ennemis et
être délivrés de tous les maux : que la bénédiction du Dieu tout-puissant, du Père, du Fils et du Saint-Esprit descende sur nous et y demeure toujours.
Ainsi soit-il.
Pater, Ave, Gloria.
22ème jour
II faut s'adresser spécialement à la sainte Vierge en faveur des âmes du purgatoire.
En proposant hier comme une excellente résolution de faire l'abandon à Dieu du fruit de toutes nos bonnes œuvres en faveur des membres
de l'église souffrante, nous avons conseillé de remettre en même temps
la disposition de cette application entre les mains de la sainte Vierge.
Nous ajoutons aujourd'hui qu'il faut souvent l'implorer pour le soulagement et la délivrance de ces âmes.
Nous ne pouvons, en effet, douter de l'intérêt qu'elle leur porte ; car n'est-elle pas la Mère de miséricorde, la consolatrice des affligés, le secours des chrétiens ? Or, ces qualifications que l'Eglise lui donne, n'ont-elles rapport qu'aux chrétiens, qu'aux enfants de Marie vivant dans cette vallée de larmes ?
Ces secours, ces consolationss, cette miséricorde de la meilleure des mères
ne s'étendront-ils pas sur les chrétiens en proie aux plus horribles
souffrances, surtout lorsque nous invoquerons cette tendre Mère en
faveur de ces âmes qu'elle chérit, elle qu'on n'invoque jamais en vain ?
D'ailleurs l'Église l'appelle encore la porte du ciel, janua cœli
; elle s'empresse donc d'y introduire nos frères, surtout, dit un pieux
auteur, ceux qui lui ont été dévoués pendant leur vie. — Mais, afin que
nos lecteurs soient sûrs que nous n'avançons rien de nous-méme sur ce
sujet, laissons parler saint Alphonse de Liguori ; voici un chapitre de
son ouvrage intitulé : Les Gloires de Marie.
«
Heureux, dit-il, et trois fois heureux les serviteurs de cette mère de
miséricorde ! car sa protection, qui les accompagne pendant leur vie,
les suit au-delà du tombeau et jusque dans les flammes du purgatoire. Plus elles sont à plaindre, ces âmes qui se trouvent dans l'impuissance de s'aider elles-mêmes, plus Marie redouble à leur égard de tendresse et de soin.
Saint Bernardin de Sienne nous assure que « la Reine du ciel a un certain domaine sur cette prison où la justice divine épure les épouses de J.-C. »
Il applique à la Vierge ces paroles de l'Écriture :
« J'ai marché sur les flots de la mer, comparant aux vagues en général les peines du purgatoire à
raison qu'elles sont passagères, et aux vagues de la mer parce qu'elles
en ont l'amertume. Or, Marie descend dans ces abîmes sombres et marche
sur ces eaux très-amères pour venir consoler ses enfants et soulager
leurs peines.
« La sainte Vierge parlant à sainte Brigitte, lui dit :
« Je suis la Mère de toutes les âmes du purgatoire ; car les peines qu'elles souffrent pour satisfaires à la justice divine sont à toute heure adoucies par mon intercession. »
Le nom
seul de Marie, quand il résonne dans ce lieu de douleurs, devient un
soulagement pareil à celui que procurent à un pauvre malade des paroles de consolation ; et les prières de la Vierge pour ces âmes souffrantes sont comme une rosée qui descend dans les flammes et en tempère les ardeurs intolérables.
«
C'est peu de soulager ses enfants, Marie brise encore leurs liens. Une
pieuse tradition nous apprend, et Gerson l'a laissée par écrit, que le jour de sa glorieuse Assomption, le purgatoire demeura vide, tolum puigalorium fuisse evacuatum.
Novarin le confirme. « Des auteurs graves, dit-il, rapportent
qu'au moment de sa mort la bienheureuse Vierge sollicita et obtint de
son Fils cette grâce d'entrer au ciel accompagnée de toutes les âmesdétenues dans le lieu d'expiation. Dès lors elle fut mise en possession du privilége de délivrer ses fidèles serviteurs des peines du purgatoire, et par les mérites de Marie les peines de ces âmes sont non-seulement adoucies, mais encore abrégées. »
Saint Pierre Damien rapporte qu'une certaine Marosie apparut après sa mort à une femme de sa connaissance et lui dit que, le jour de l'Assomption de la Vierge, elle avait été délivrée du purgatoire avec une infinité d'autres âmes, dont le nombre excédait la population de Rome.
Saint Denis le chartreux
assure que la même chose a lieu aux fêtes de la naissance et de la
résurrection de J.C., et que, dans ces jours solennels, Marie,
accompagnée de plusieurs légions d'Anges, descend dans le purgatoire et y délivre une foule d'âmes. Ce qui arrive encore, selon Novarin, dans toutes le solennités de la sainte Vierge. Ainsi, si nous désirons soulager les âmes du purgatoire, tâchons d'intéresser la sainte Vierge en leur faveur par nos prières et surtout en leur appliquant le rosaire et le chapelet. »
Telles sont les paroles de saint Alphonse qui, comme on le voit, s'appuye sur une foule d'autorités. Elles n'étonneront pas ceux qui connaissent les prérogatives et le pouvoir de Marie.
Il suffirait d'ailleurs de réfléchir au titre que lui donne saint Bernard, Liberatio captivorum, la libératrice des captifs ; titre que l'Église a sanctionné en instituant l'Ordre religieux de la Merci et de la Rédemption des captifs, et en établissant une fête sous ce titre, Maria de Mercede, le 24 Septembre.
Le soin principal de cet Ordre est le rachat des chrétiens qui gémissent dans l'esclavage chez les infidèles ; et, en particulier, lorsqu'il fut établi, chez les Maures.
Ce
fut la sainte Vierge qui inspira l'idée de cet institut à saint Pierre
Nolasque et à saint Raymond de Pennafort, comme on peut le voir dans l'office du 24 Septembre.
Or, si Marie s'intéresse si vivement au malheureux sort des chrétiens
captifs, quel ne sera pas son empressement à soulager et à délivrer ces
autres captifs, mille fois plus malheureux, ces enfants chéris, qui ne
peuvent plus rien par eux-mêmes ? Et combien ne doit-elle pas aimer
qu'on s'intéresse à eux ? Elle est leur Mère :
or que peut-on faire de plus agréable pour une mère, que de témoigner de
l'affection pour ses enfants et surtout pour ses enfants abandonnés,
qu'on tâche de soulager ? Non ; sa tendresse ne pourra résister à nos
ferventes prières, et son pouvoir sur le cœur de son divin Fils nous est un sûr garant de ce qu'elle obtiendra en faveur de ces âmes souffrantes.
Et considérons encore ici que notre intérêt se trouve toujours lié à celui des Ames du purgatoire ;
en travaillant pour elles nous travaillons pour nous ; car Marie, en
exauçant les prières que nous lui adressons pour les morts, nous
récompensera de cette piété, en nous comblant de faveurs ; elle nous
rendra au centuple ce que nous aurons fait pour ses enfants qui
gémissent dans le lieu d'expiation ; et
même, selon St. Alphonse de Liguori, « si nous lui rendons un culte
spécial, nous pouvons espérer que notre âme , après sa mort, ira au ciel
sans passer par les flammes du purgatoire, » ou du moins Marie, cette Mère de miséricorde, s'intéressera plus particulièrement à nous, et nous en recevrons des secours extraordinaires.
Après avoir invoqué Marie, adressons-nous aussi avec confiance aux Anges gardiens et aux Saints, patrons des âmes du purgatoire ; le désir qu'ils ont de voir ces âmes chéries
soulagées redoublera, s'il est possible, leur empressement à offrir nos
prières au Dieu de bonté, et à intercéder eux-mêmes pour hâter leur
délivrance.
RÉSOLUTION.
Il est sans doute inutile d'engager le lecteur à prendre la résolution d'implorer tous les jours Marie en faveur des âmes du purgatoire :
la dévotion à cette divine Mère de miséricorde est trop chère à tous
les Fidèles pour que tous n'aient pas recours à son immense crédit
auprès de son Fils, Jésus-Christ, qui ne peut refuser d'exaucer nos
prières présentées par Marie pour le soulagement de nos frères souffrants.
Prière, ou le Salve Regina, pour les morts.
Nous vous saluons, ô Reine !
mère de miséricorde, notre vie, notre douceur et notre espérance, non-seulement dans cette vallée de larmes, mais aussi dans le lieu d'expiation : nous vous saluons !
Nous crions vers vous, consolatrice des affligés, nous soupirons et gémissons pour nos frères souffrants dans le purgatoire.
Tournez vers eux, ô notre Avocate ! vos regards miséricordieux ;
faites-leur voir Jésus, le fruit béni de votre sein.
C'est ce que nous vous demandons instamment pour eux, ô Vierge débonnaire ! ô pieuse ! ô douce Vierge Marie !
Indulgence applicable aux morts. — 300 jours d'indulgence pour la récitation des Litanies
de la sainte Vierge, et indulgence plénière pour ceux qui les récitent
tous les jours, aux cinq principales fêles de la sainte Vierge, qui sont
la Conception, la Nativité, l'Annonciation, la Purification et
l'Assomption, aux conditions de se confesser, de communier, de visiter
une église et d'y prier selon les intentions ordinaires. (Rescrit du 30 Septembre 1817.)
23ème jour
Troisième moyen propre à secourir les âmes du purgatoire.
Les indulgences.
Les âmes du purgatoire peuvent encore être soulagées par le moyen des indulgences : « Tous les catholiques, dit Mgr. Bouvier dans son Traité des indulgences, tous les catholiques sont unanimes sur ce point ; et le théologien Sylvius, si modéré dans ses décisions, ne balance pas à dire qu'il appartient à la foi. En effet, l'Église, dans le monde entier, accorde des indulgences
applicables aux morts ; elle croit donc qu'elles peuvent leur être
utiles. Il ne faudrait pas d'autre raison pour nous faire admettre cet
article comme indubitable :
car, vouloir contester ce que l'Église croit ou
pratique dans tout l'univers, serait le comble de la folie, dit
saint Augustin. Et ce que l'Église fait actuellement n'est point une
innovation, elle l'a fait de tout temps, comme le prouve l'histoire ecclésiastique. Au surplus, il est de foi qu'on peut offrir pour les morts le saint
sacrifice de la messe, les prières, les aumônes et autres bonnes œuvres
: or l'indulgence, outre les œuvres pieuses qu'il faut faire pour la
gagner, n'est que l'application des satisfactions de J.-C. et des Saints ; pourquoi ne pourrait-on pas la présenter à Dieu à l'intention des morts
auxquels on s'intéresse ? On ne peut voir aucune raison qui empêchât
une telle offrande d'être propre à désarmer la justice divine. Concluons
donc en toute sûreté que l'indulgence peut être appliquée aux morts. »
« Toutefois l'indulgence ne leur est pas appliquée par manière d'absolution, comme aux vivants , parce que les membres de l'église
souffrante ne sont plus sous la juridiction ecclésiastique ; elle leur
est appliquée en forme de suffrage, c'est-à-dire, qu'en vertu de la
concession faite par le Pape, le fidèle qui remplit les conditions prescrites, offre à Dieu des satisfactions suffisantes, puisées dans le trésor infini de l'Église, le prie d'y avoir égard dans sa miséricorde, et de remettre à l'âme qu'il lui recommande, la peine due à ses péchés. »
Mgr.
Bouvier examine ensuite s'il est plus avantageux, lorsque l'application
de l'indulgence est libre, c'est-à-dire pour les vivants ou pour les
morts, comme cela arrive souvent, s'il est, dis-je, plus avantageux de
la gagner pour les morts que pour soi-même. Il appuie l'opinion que nous
avons développée le 21ème jour ; il est
donc d'avis qu'il est plus avantageux de la gagner pour les morts, parce
qu'il y a de la générosité à préférer les intérêts du prochain,
malheureux surtout, aux siens propres : et en particulier un pécheur,
en s'oubliant pour secourir son frère, fait un acte héroïque. Il prouve
ensuite que nos intérêts bien entendus ne souffriront aucun préjudice
réel de cette conduite ; « car, dit-il, si nous perdons du côté de la peine qu'il nous faudra expier un jour, nous acquérons, par ces actes de dévouement, des mérites qui nous élèveront en gloire dans la béatitude éternelle. Or, ce surcroît de bonheur dans le ciel l'emporte de beaucoup sur l'avantage qu'il y aurait d'être un peu moins longtemps dans le purgatoire. En outre, les âmes dont nous aurons accéléré la délivrance, ne nous oublieront pas dans le ciel : peut-être nous rendront-elles au centuple ce que nous leur aurons prêté. Tout nous invite donc à avoir du zèle et de la piété pour les morts, et à leur appliquer autant d'indulgences que nous le pourrons. »
Il
suffit de savoir ce que c'est que les indulgences, pour en faire un
saint et fidèle usage ; si l'on considère que l'indulgence est une
application des satisfactions de Jésus-Christ, comment ne pas s'en servir pour satisfaire pour les âmes du purgatoire
? Nous l'avons dit ; il faut prier pour elles ; il faut jeûner,
répandre d'abondantes aumônes, etc... : mais hélas ! tout ce que nous
pouvons faire n'est pas grand chose ; la moindre des satisfactions de J.C. est d'une valeur infinie : voilà bien de quoi payer les dettes de ces âmes ; avoir entre les mains un trésor si précieux , et n'en faire
aucun usage, est-ce avoir de la charité ? N'accuserait-on pas justement
de cruauté une personne à qui on aurait confié, dans un temps de
famine, une somme d'argent pour assister les pauvres, et qui par
négligence n'en ferait aucun usage ; et cette personne ne serait-elle
pas grandement coupable devant Dieu et devant les hommes ? quel sujet de
plainte n'auraient pas les pauvres abandonnés dans un si pressant
besoin ? Et cette personne pourrait-elle s'excuser sur ce qu'elle n'y
aurait pas fait réflexion ? cependant la négligence des indulgences
est quelque chose de plus cruel, et d'une conséquence bien plus
considérable, puisque tous les besoins de cette vie ne sont pas
comparables à ceux du purgatoire, ni les moyens de les soulager comparables aux satisfactions d'un Homme Dieu.
Cette comparaison du pieux auteur Boudon peut nous donner une idée de l'aveuglement de quantité de personnes qui, portant des objets bénits, ou associées à des confréries enrichies de nombreuses indulgences, n'en ont aucun usage. N'agissent-elles pas comme le serviteur de l'Évangile qui avait caché son talent en terre, et qui fut jeté dehors dans les ténèbres ? Prenons donc garde de rendre inutile le prix du sang du Sauveur de tous les hommes : instruisons-nous des indulgences que nous pouvons gagner pour les âmes du purgatoire,
et remplissons exactement les conditions requises pour les gagner.
Ainsi soyons en état de grâce ; faisons ce qui est prescrit, avec
attention et la profonde vénération qui est due aux satisfactions de
Jésus-Christ, qui, par un excès de charité incompréhensible, veut bien
nous donner de quoi satisfaire à toutes les dettes dont nous sommes
redevables, et dont sont redevables nos frères devenus membres de son
église souffrante. 0 amour ! ô amour de mon Dieu ! que tu es peu connu,
et que tu es peu estimé et aimé ! s'écrie Boudon.
Le Recueil de prières et de pratiques de piété, auxquelles les souverains Pontifes ont attaché des indulgences, réimprimé à Tournay tout récemment, doit se trouver entre les mains de quiconque veut soulager les âmes du purgatoire en gagnant des indulgences.
RÉSOLUTION.
Tout fidèle, touché de l'amour de Dieu et du désir de procurer sa gloire, n'aura pas de peine à s'oublier entièrement et à ne penser qu'à accélérer la délivrance des âmes du purgatoire, en travaillant à gagner pour elles, les indulgences qui leur sont applicables, chaque fois qu'il pourra les gagner.
Que
si la charité qui nous anime n'est pas encore assez vive pour faire
ainsi abnégation complète de nous-mêmes, rien n'empêche que nous ne
suivions l'avis de Bouvier, qui nous propose de partager entre les morts
et nous, et de gagner, tantôt à leur intention, et tantôt à la nôtre,
les indulgences qui sont susceptibles de celte double application.
PRIÈRE.
0
très-sainte Trinité ! c'est à votre bonté infinie et à votre libéralité
sans bornes envers nous, tout indignes que nous en sommes, que nous
devons attribuer la largesse avec laquelle vous récompensez les faibles
œuvres de vos serviteurs.
Recevez
celles que nous faisons pour gagner les indulgences en faveur de nos
frères défunts, par les mérites de la passion et de la mort de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par le sang précieux qu'il a répandu pour eux ;
que cette satisfaction surabondante les rende participants de toutes les indulgences que les Fidèles s'efforcent de gagner.
0 Trinité adorable ! que le ciel et la terre vous rendent avec moi pour ce bienfait mille actions de grâces.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —500 jours d'indulgence, une fois le jour, pour ceux qui récitent avec piété, dans les sentiments d'une vraie contrition l'hymme Pange lingua, le verset et l'oraison du saint Sacrement, et 100 jours pour ceux qui disent seulement le Tantum ergo, avec le verset et l'oraison ; et pour ceux qui récitent souvent, ou au moins 10 fois par mois, l'une ou l'autre de ces deux prières, indulgence plénière le Jeudi-Saint, le jour de la Fête-Dieu, ou un des jours
de l'octave et un autre jour dans l'année, à leur choix ; mais à
condition que, s'étant confessés, ils communient et prient selon les
intentions de l'Église.
(Rescrit du 25 Août 1818.)
TROISIEME PARTIE
UTILITÉ DE LA PENSÉE DU PURGATOIRE.
24ème jour
La pensée du purgatoire, en nous donnant une idée de la sévérité de la justice divine, porte notre cœur à la pratique de toutes les vertus chrétiennes.
II est pour le salut
un écueil contre lequel on ne se précautionne pas assez ; c'est celui
d'une foi languissante et inutile, d'une foi stérile et inefficace.
Or,
sans parler de tant d'autres articles de la foi, qui ne sont que dans
notre esprit sans passer dans notre cœur pour en régler les mouvements
et les affections, nous allons prouver, dans la méditation de ce jour,
que, s'il est un dogme de la religion sur lequel on puisse, ou doive
nous reprocher une contradiction coupable entre ce que nous croyons et ce que nous sommes, c'est le dogme du purgatoire.
Et, en effet, en croyant le purgatoire, que
faisons-nous ? Nous reconnaissons qu'il est un lieu, séjour de douleurs
et de larmes, où Dieu exerce les rigueurs de sa plus sévère justice
sur des âmes qui lui sont chères, et qui ne peuvent nous être indifférentes ; sur des âmes qu'il aime, et que nous devons aimer. De là si nos mœurs, si notre conduite répondaient à notre foi, que serions-nous ?
Nous serions d'abord des hommes de zèle et de charité pour soulager ces âmes que Dieu punit si sévèrement dans le purgatoire ; ce
point a eté l'objet de nos méditations précédentes, et sans doute elles
nous ont prouvé à l'évidence combien notre indifférence pour ces frères
souffrants, dont le sort est entre nos mains, serait criminelle ; ainsi il est inutile de rien ajouter pour nous exciter à la compassion envers ces âmes. C'est d'un second effet que la croyance du purgatoire
doit produire en nous, que nous nous occuperons : car, la pensée de ce
lieu d'expiation ne doit pas avoir pour seul résultat de nous rendre des hommes de zèle et de charité, elle doit encore exciter notre cœur à la pratique des plus grandes et des plus sublimes vertus, en nous donnant une idée de la sévérité de la justice de Dieu ; et, par suite, elle doit nous rendre des hommes de vertu et de sainteté pour éviter ces péchés que Dieu punit si sévèrement dans le purgatoire.
Oui, pour nous changer en des hommes de vertu et de sainteté, en des hommes de vigilance et d'attention, il suffirait de profiter, comme nous le devons, de ce que la foi nous enseigne du purgatoire.
Quelle
leçon plus forte, plus touchante ; quelle leçon plus instructive et
plus persuasive Dieu pouvait-il nous donner de la haine qu'il a, et de
la haine que nous devons avoir pour le péché ?
Notre religion entière, il est vrai, n'est qu'un enseignement continuel de la malice infinie et des suites funestes du péché ; elle n'est, dans ses secours, dans ses grâces, que préservatif du péché ; dans sa morale et ses conseils, que précaution contre le péché ; dans ses dogmes et ses mystères, qu'anathéme et malédiction contre le péché ; en sorte que, selon la remarque d'un Père, l'homme véritablement chrétien n'est qu'un homme qui déteste le péché, qui redoute le péché, qui craint le péché jusqu'à n'avoir aucune autre crainte. Cependant, de tous les articles de foi chrétienne, ne peut-on pas dire que celui du purgatoire est un des plus puissants et des plus efficaces pour nous défendre de la séduction du péché ? A la vérité, le dogme
d'une éternité malheureuse dans l'enfer a quelque chose de plus
frappant au premier coup d'œil ; il parle davantage aux sens et à
l'amour propre ; mais le dogme du purgatoire a plus de force pour éclairer l'esprit, pour convaincre la raison, pour faire sentir au cœur combien le péché est ennemi de Dieu, combien Dieu est ennemi du péché.
Dans l'enfer, ce sont des péchés qui laissent le pécheur sans excuse, des péchés que Dieu ne peut pardonner sans cesser, pour ainsi dire, d'être le Dieu de justice et de sainteté ; dans le purgatoire, ce sont des péchés qui ne sont pas tant des péchés que des imperfections, des fautes légères ; car l'on peut faire sur le purgatoire la question que le Roi-Prophète
faisait sur la sainte Sion
: Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle? et répondre avec lui
: C'est celui qui marche dans l'innocence, et qui pratique la justice. (Ps.
14.) Le purgatoire, qui n'est que comme le portique de la céleste Jérusalem, ne sera ouvert qu'aux âmes fidèles
; on n'y arrive que par la voie de la justice et de la sainteté. Vous
êtes étonnés de ce que Dieu ne pardonne jamais dans l'enfer ; vous devez
l'être davantage de ce que Dieu punit dans le purgatoire. Dans l'enfer ce sont des hommes ennemis de Dieu, assujettis, asservis au péché, et dont le cœur demeure fermé aux regrets de la pénitence, et ne s'ouvre qu'aux fureurs du blasphème. Dans le purgatoire, au contraire, ce sont des âmes pénitentes, pour qui le plus grand malheur du péché est de l'avoir commis ; ce sont des âmes soumises, sans plainte, sans murmure ; elles baisent avec respect la main qui les frappe ; loin de se révolter contre le Dieu qui les afflige, elles ne savent que louer, que bénir, qu'adorer le Dieu qui les sauve. Et cependant des jours, des années, des siècles peut-être les verront dans les larmes, dans les feux dévorants ; parce que la haine du péché l'emporte dans le cœur
de Dieu sur sa clémence et sur sa tendresse. Jésus-Christ les aime ; il
en est aimé ; n'importe, il ne les recevra pas dans la plénitude de ses
miséricordes, avant que la flamme qui les consume n'ait effacé
jusqu'aux derniers vestiges de leurs anciennes fragilités
; donec reddas novissimum quadrantem : sa sainteté s'oppose à son amour, sa justice suspend le cours de ses bienfaits.
Ce principe de la sainteté, de la justice infinie de Dieu, démontré si clairement par l'existence du purgatoire, était le principe sur lequel raisonnaient les anciens pénitents, lorsqu'ils se portaient à ces austérités dont le récit épouvante notre mollesse ; c'était aussi le principe sur lequel s'appuyait la primitive Église, lorsque, dans les canons de ses conciles, elle traçait des voies
si pénibles, si laborieuses aux pécheurs qui voulaient revenir à Dieu
par la pénitence, persuadée que Dieu punira dans l'homme tout ce qui
n'aura pas été puni par l'homme, et que la satisfaction, par laquelle
nous vengeons Dieu, ne peut approcher des châtiments par lesquels Dieu se venge lui-même. En effet, la foi du purgatoire nous apprend que les plus légères offenses, les fragilités, ne trouvent point de grâce au tribunal de Dieu, dans des âmes saintes et justes, dans des âmes élues
et prédestinées. Quelle conclusion pratique dois-je donc tirer de cette
foi ? qu'il est de mon plus grand intérêt de fuir jusqu'à l'ombre du péché. En d'autres termes, l'effet que doit produire en nous la foi du purgatoire, si nous savons en profiter, c'est de nous changer en des hommes de vertu et de sainteté pour éviter ces péchés que nous voyons punis si sévèrement dans le purgatoire. La pensée des douleurs de ces saintes âmes doit nous faire sentir la vérité de ces paroles de l'Apôtre ; c'est une chose terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, après avoir négligé de l'apaiser, de le satisfaire en ce monde qui est le règne de sa miséricorde, et avoir mieux aimé attendre en l'autre qui est le règne de la justice.
CONSIDÉRATION.
Sur la terre, c'est le règne de la misécorde : dans le purgatoire, c'est le règne
de la justice !.... Cette pensée bien méditée suffirait pour régler
notre conduite, nous porter à la pratique de toutes les vertus et nous
engager à ne rien négliger pour éviter ce terrible règne de la justice
d'un Dieu infiniment saint.
PRIÈRE.
Plus je médite sur le purgatoire, plus je suis convaincu, ô Dieu de sainteté ! que le péché, que le moindre péché vous déplaît infiniment et que votre justice exige que vous le punissiez
rigoureusement : accordez-moi la grâce de profiter de cette conviction ;
qu'elle me pénètre d'une juste crainte de votre sévérité, afin que
jamais je ne vous offense de propos délibéré, et que je travaille chaque
jour à me purifier de plus en plus pour être sans souillure au moment
de paraître devant vous.
Par J.C. N.S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
1° Indulgence de cent jours, une fois par jour, accordée à tous les
Fidèles qui réciteront, avec un cœur contrit, l'offrande suivante au
sacré cœur de Jésus, devant son image.
2° Indulgence plénière, une fois par mois, pour ceux qui l'auront récitée tous les jours du mois, le jour à leur choix, où, s'étant confessés et ayant communié, ils prieront pour les besoins de l'Église.
0
mon aimable Jésus ! moi, NN., pour vous témoigner ma reconnaissance et
pour réparer mes infidélités, je vous donne mon cœur, je me consacre
entièrement à vous, et, avec le secours de votre grâce, je me propose de ne plus pécher à l'avenir. (Rescrits du 9 Juin 1807. — 26 Septembre 1817.)
La pensée du purgatoire nous instruit sur la grièveté du péché véniel.
La pensée du purgatoire doit
nous préserver d'une erreur bien commune parmi les chrétiens, et
cependant bien funeste et très-souvent la cause de la damnation
éternelle. Cette erreur consiste à n'attacher pour ainsi dire aucune
importance, ou du moins très-peu
d'importance, aux fautes légères, au péché véniel. On traite de
bagatelle ce qui cependant est une offense de Dieu aussi bien que le péché
mortel, quoique moindre ; et ce qui convient au péché mortel lui
convient aussi, mais d'une autre manière. Nous ne nous étendrons pas ici
pour prouver que souvent le peché, que nous appelons véniel, est mortel, puisque ce qui fait la différence du mortel et du véniel, en beaucoup d'occasions, c'est le plus ou moins de matière, l'attention et la connaissance plus ou moins grande, le consentement plus ou moins parfait. Supposons qu'en effet tous les péchés que
nous commettons soient véniels : est-ce une raison d'être parfaitement
tranquille et de dire : Ce n'est rien, c'est une petite faute que Dieu
pardonne aisément ? Chrétiens, qui tenez ce langage, je vous demanderai
d'abord : Croyez-vous encore à l'Évangile ? hé bien ! qu'y lisez-vous
? Celui qui méprise les petites fautes, dit le Sauveur, tombera peu à peu dans les grandes. Remarquez
qu'il ne dit pas celui qui les commet par hasard et par fragilité,
aucun saint n'est exempt de ces fautes ;
mais celui qui les méprise, c'est-à-dire celui qui les commet par
principe et par habitude. Vous ne connaissez donc point ces deux autres
textes de l'Ecriture sainte : Dieu a en horreur le pécheur et son péché. — Abstenez-vous de tout ce qui a l'apparence de péché. Ces
dernières paroles de l'apôtre saint Paul sont remarquables ; il veut
que nous évitions jusqu'à l'apparence du mal
; il n'est pas question pour lui de distinguer entre les grandes et les
petites offenses : il sait, et nous devons tous savoir, qu'il n'y a
rien de petit dans ce qui a rapport à un Dieu, si grand et si parfait,
et dans ce qui peut lui plaire, ou lui déplaire. Le premier et le plus grand de tous les préceptes est celui d'aimer Dieu. Or, est-il croyable
qu'on ait beaucoup d'amour pour Dieu, quand on consent librement à
l'offenser ? quelque légères qu'on suppose ces offenses, sont-elles
compatibles avec une sincère tendresse, avec un attachement réel ?
Non-seulement ce n'est pas avoir pour Dieu l'amour qu'il mérite que de
se permettre, de propos délibéré, une multitude de fautes, sous prétexte
qu'elles sont vénielles, ou réputées légères ; c'est de plus manquer au
respect qui lui est dû, et se rendre digne du même
reproche qu'il faisait autrefois au peuple d'Israël par un de ses
Prophètes : « Vous m'appelez tous les jours votre père, votre maître :
où est donc le respect, la crainte filiale que le titre
de père exige ? où est donc la soumission, l'obéissance entière et
parfaite qu'un maître a droit d'attendre de ses serviteurs ? »
Mais ne combattons aujourd'hui cette erreur que par la vue du purgatoire.
Nous y distinguons deux sortes d'habitants : les uns, après avoir péché mortellement dans le cours de leur vie, se sont convertis et ont reçu la grâce de la justification ou dans le sacrement de Pénitence, ou par la contrition parfaite avec le désir du Sacrement. La peine éternelle leur a été remise, mais ils n'ont pas expié la peine temporelle due à leurs péchés ; ils l'expient dans le purgatoire. Les autres expient des péchés
véniels non effacés, ou la peine temporelle due à ces péchés. Oh ! qui
pourrait comprendre les tourments qu'ils endurent ! Les saints Pères ne
sont-ils pas d'avis qu'il vaudrait mieux souffrir les plus cruelles
maladies, les douleurs les plus aiguës pendant des siècles que de passer un jour en purgatoire ? Et vous oseriez dire que le péché véniel est peu de chose ! Les peines du purgatoire nous prouvent au contraire le fondement de l'opinion des théologiens qui trouvent, jusqu'à un certain point, dans le péché véniel, les deux caractères d'insolence et d'ingratitude qu'on remarque dans le péché
mortel. De là l'embarras d'expliquer la différence qu'il y a entre l'un
et l'autre. En effet, il semblerait d'abord que toute offense de Dieu,
toute désobéissance à ses lois devrait exciter sa colère, son
indignation, sa haine et, par conséquent, être mortelle de sa nature.
Ainsi la raison, guidée par les lumières de la foi, nous porterait
plutôt à augmenter l'énormité du péché véniel, qu'à la diminuer ; et le purgatoire, en nous découvrant les supplices réservés au péché véniel, nous apprend qu'ils ne diffèrent des supplices
de l'enfer, réservés au péché mortel, que par leur durée.
Écouterons-nous donc encore notre amour-propre, qui voudrait nous
persuader que le péché véniel n'est rien d'important, et que Dieu ne peut, ni ne doit s'en tenir offensé ?
La vue du purgatoire ne nous prouvet-elle pas d'une manière certaine que le plus léger des péchés
renferme toujours un fond de malignité très-odieux en lui-même ; odieux
à un tel degré que toutes les bonnes œuvres de l'âme qui l'a commis,
que dis-je ? que toutes les bonnes œuvres que pourraient faire toutes
les créatures, ne plairaient pas tant à Dieu, ne le glorifieraient pas tant que ce seul péché véniel lui déplaît et le déshonore : tellement odieux que s'il ne fallait qu'un péché véniel, fût-ce le plus
léger, pour tirer de l'enfer tous les démons et tous les damnés, il
faudrait les abandonner à leur malheureux sort, plutôt que de commettre
un simple péché véniel. Voilà ce que tous les Saints ont pensé et
enseigné. Aussi avec quelle douleur, avec quelles larmes abondantes ne
s'accusaient-ils pas dans le sacré tribunal de la réconciliation, même des fautes les plus légères, échappées à la fragilité humaine ! Ayant sous les yeux la satisfaction exigée par la justice divine dans le purgatoire, avec quelle rigueur ne se punissaient-ils pas des plus
petites fautes ! Ils auraient mieux aimé souffrir toutes les
humiliations, tous les outrages, tous les supplices imaginables, que de
commettre, de propos délibéré, le moindre
péché véniel. C'est qu'ils savaient combien il déplaît à Dieu, combien
il s'en tient offensé ! Et peut-on douter, en effet, de l'énormité du péché véniel aux yeux de Dieu, non-seulement lorsqu'on promène des regards attentifs sur les supplices du purgatoire,
mais même lorsqu'on réfléchit sur la manière terrible dont il l'a si
souvent puni ? Les saints Livres nous offrent mille exemples de la
vengeance éclatante que le Seigneur a tirée des fautes
les plus dignes de pardon en apparence. Citons-en quelques-uns ; ils
sont propres à détruire en nous toute espèce de doute, d'incrédulité sur
la peine due à ce que nous appelons faute légère, notre esprit ne
pouvant comprendre l'infinie justice du Dieu trois fois saint. Méditons ces divers traits et tremblons. Un Israélite est surpris ramassant un peu de bois le jour du sabbat. Ce péché nous paraît sans doute bien léger. On consulte le Seigneur ; il ordonne que ce malheureux soit lapidé.
Osa, voyant l'arche du Seigneur
au moment d'être renversée, y porte la main pour la soutenir. Nous
serions tentés de louer son zèle ; mais ce zèle paraît au Seigneur,
indiscret ou trop peu respectueux : il frappe Osa, et l'étend mort au
pied de l'arche sainte.
Les Philistins renvoient cette même arche du Seigneur aux Israélites, à qui ils l'avaient enlevée. Dès qu'elle arrive au pays des Bethsamites, ce bon peuple, ravi de revoir le gage précieux de la protection du Seigneur,
se livre au plaisir de la contempler. Cette joie ne semble-t-elle pas
juste ? Ne provenait-elle pas d'un principe louable ? On peut, il est
vrai, reprocher aux Bethsamites une curiosité trop libre et trop hardie ;
c'en est assez : l'arrêt de mort est prononcé et exécuté contre une
grande partie du peuple et des chefs.
Ezéchias reçoit une ambassade du roi
de Babylone. Pour témoigner aux envoyés sa satisfaction et leur faire
honneur, il leur montre tous ses trésors. Il est probable qu'il entra un
peu d'ostentation, ou de vaine complaisance dans cette action ; que
l'œil de Dieu, auquel rien n'échappe des plus
secrètes pensées, apperçut ici quelque tache d'amour-propre. Mais qui
de nous se croirait fort coupable, s'il était tombé en pareille faute ? Cependant Dieu lui envoie le prophète Isaïe pour lui déclarer, de sa part, que tous les trésors qu'il vient d'exposer aux regards des ambassadeurs étrangers, seront transportés dans leur ville ; et que ses propres enfants deviendront les esclaves du tyran de Babylone.
Un prophète ayant reçu ordre du Seigneur
de faire sa route sans se détourner ni s'arrêter nulle part, est
engagé, chemin faisant, par un autre prophète, à prendre chez lui
quelque nourriture. Celui-ci feint qu'un Ange lui a donné commission de
l'inviter et de le conduire
dans sa maison. Trompé par ce discours non suspect, il se rend à
l'invitation. Qui ne croirait que Dieu lui pardonnera une désobéissance
presque involontaire ? Écoutez-en la punition : à peine s'est-il remis
en route qu'un lion sort de la forêt et l'étrangle.
Des enfants rencontrent le prophète Elisée, dont le front chauve les frappe ; ils crient après lui et l'insultent. Ce sont des enfants, et il semble que l'âge doit excuser ou diminuer leur faute. Cependant deux ours fondent sur eux tout à coup et en dévorent quarante-deux.
Tels sont quelques-uns des exemples rapportés par l'Écriture sainte : peuvent-ils nous laisser le moindre doute sur la sévérité avec laquelle Dieu punit le péché véniel ? Et, s'il ne le punit pas en cette vie, ne le fera-t-il
pas dans l'autre ? Remarquez que ces exemples visibles de la justice
divine n'ont eu lieu que pour un seul péché véniel ; qu'en sera-t-il
donc de la punition de ces péchés que nous multiplions pour ainsi dire à
l'infini ? Ne devons-nous pas dire, avec l'Évangile
: Si on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ? Descendez un instant en esprit dans le lieu d'expiation, dans le purgatoire ; et demandez à ces âmes,
qui sur la terre méprisaient ces petites fautes, ce qu'elles souffrent
dans les flammes expiatrices et qu'elles souffriront peut-être encore
longtemps pour ces prétendus riens, qu'elles reconnaissent, mais hélas !
trop tard, avoir été autant d'offenses contre Dieu, dont la justice
exige une sévère satisfaction.
RÉSOLUTION.
Il n'est pas trop tard pour nous de réfléchir sur la grièveté du moindre péché.
En nous faisant un devoir de secourir les âmes du purgatoire, le premier fruit de cette dévotion sera de nous instruire sur l'offense que nous faisons à Dieu en commettant la plus petite faute.
En conséquence nous regarderons le péché le plus léger comme un très-grand mal, et nous l'éviterons avec le plus grand soin.
"Celui qui craint Dieu, ne néglige rien." (Eccl.)
"Peut-on appeler léger, un péché qu'on ne peut commettre sans quelque mépris de Dieu." (S. Eucher.)
PRIÈRE.
Vierge
sainte, conçue sans péché, c'est à vos pieds que je me jette
aujourd'hui : je compte avec confiance sur votre protection pour obtenir
la grâce de concevoir la plus grande horreur du péché ;
qu'en méditant sans cesse la manière terrible dont Dieu le punit dans le purgatoire, j'en reconnaisse la grièveté, et que je l'évite avec le plus grand soin.
O Marie ! ô ma mère ! protégez-moi et secourez les âmes du purgatoire.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
100 jours d'indulgence, une fois par jour, et trois fois les Jeudis et
tous les jours de l'octave de la Fête-Dieu, pour ceux qui récitent avec
dévotion et un cœur contrit l'oraison jaculatoire suivante, en
l'honneur du Saint Sacrement.
Que le très-saint et très-divin Sacrement soit loué et béni dans tous les moments.
Indulgence plénière pour ceux qui l'auront récitée chaque jour pendant un mois, le jour, à leur choix, où , s'étant confessés et ayant communié, ils prieront pour les besoins de l'Église.
Enfin
100 jours pour ceux qui la réciteront à l'élévation de la sainte messe à
laquelle on assiste ; ou au son de la cloche qui indique que l'on donne
la bénédiction du saint Sacrement dans quelque église.
(Rescrits du 24 Mai 1776. — 30 Juin 1818. — 7 Décembre 1819.)
26ème jour
Quelles sont les âmes qui vont en Purgatoire.
L'on entend souvent des chrétiens, peu fervents et n'ayant nulle idée du bonheur du ciel, dire fort sérieusement : Qu'il craignent bien l'enfer, mais que, quant au purgatoire, ils
ne pensent pas à l'éviter : ils sont tout décidés à y faire quelque
séjour, parce que, ajoutent-ils avec une humilité feinte, ils ne sont
pas assez saints et n'ont pas envie de se donner la peine de le devenir, pour entrer tout de suite après leur mort dans le séjour de la gloire. Tous les auteurs sont d'avis qu'un pareil langage doit faire trembler sur la destinée de ceux qui le tiennent
: il prouve tout au moins une indifférence bien coupable, et
l'ignorance la plus impardonnable de la sainteté de Dieu et de sa haine
souveraine pour le péché. Réfléchissons aujourd'hui sur la vie qu'ont menée sur la terre les âmes qui vont en purgatoire, et nous reconnaîtrons que de semblables dispositions ne sont guères propres à introduire ces chrétiens indifférents dans ce lieu d'expiation.
D'abord, nous savons tous que le nombre de ceux qui se sauvent est petit : Il y a beaucoup d'appelés, dit le Sauveur, et peu d'élus. C'est une vérité que l'Écriture nous marque expressément, et qu'elle nous rend sensible par des figures et des comparaisons.
Il n'y eut que très-peu de personnes, dit l'Apôtre, c'est-à-dire huit,
qui se sauvèrent dans l'arche. La seule famille de Loth fut préservée des flammes
qui détruisirent cinq grandes villes. De la prodigieuse multitude
d'Israélites qui sortirent d'Egypte pour la terre de promission, il n'y
eut que Josué et Caleb qui y entrèrent. L'Écriture compare le nombre des élus
à ce peu d'olives qui restent sur l'arbre après qu'on l'a secoué, à ce
peu de grappes qui restent sur la vigne après la vendange, à ce peu
d'épis qui échappent au moissonneur. C'est ce chemin rude et étroit où
très-peu de gens s'engagent, et où cependant il faut s'engager, même
pour parvenir en purgatoire ; c'est cette
petite porte par où il n'y a que très-peu de personnes qui puissent
entrer ; c'est cette ville située sur la montagne, où peu ont le courage de monter. Si les âmes qui vont en purgatoire n'ont pas fait les derniers efforts pour gravir cette montagne, ce sentier escarpé qui conduit au ciel, du moins elles ne l'ont point fui ; et, si elles s'en étaient écartées, elles y sont rentrées et ont fait des efforts pour ne plus le quitter, et surmonter les obstacles qu'elles y rencontraient. Or, est-ce là la conduite des chrétiens lâches et indifférents ? Et peuvent-ils espérer avec quelque fondement partager le sort de ces âmes et être comptés au nombre des élus ? qu'ils raisonnent un instant et ils comprendront leur erreur et le danger de leur indifférence.
En
effet, pour se sauver il faut croire l'Évangile, se régler sur ses
maximes, suivre Jésus-Christ, conformer sa vie à la sienne, imiter ses
exemples ; sans cela point de salut, c'est un article de foi : or est-ce
là ce que font ces chrétiens ? — Pour se sauver il faut se renoncer
soi-même, porter sa croix, se faire violence, haïr son âme, c'est-à-dire
mortifier ses sens, ses passions, ses inclinations naturelles et
sensuelles ; y pensent-ils ces gens qui crient bien haut qu'ils ne
veulent pas être des Saints ? Ne font-ils pas le contraire ? De sorte qu'une règle sure pour connaître ce que l'Évangile nous enseigne et ce que nous devons pratiquer, c'est de faire le contraire de ce que font la plupart des chrétiens,
et en particulier ceux dont nous parlons ; et n'est-ce pas une règle
sûre pour juger qu'il y en aura peu de sauvés, c'est-à-dire qui iront
en purgatoire ?
Il
n'y a que deux routes pour aller à Dieu, pour être sauvé. Ces deux
routes sont l'innocence et la pénitence. Dès qu'on est sorti de la
première, c'est sans espérance d'y pouvoir rentrer ; il ne reste que la
seconde, qui nous est toujours ouverte ; ressource unique pour la
plupart des hommes.
Or
les chrétiens qui ne veulent pas suivre cette dernière route; qui,
sentant la nécessité de faire pénitence de leurs péchés, ne veulent pas
se gêner en cette vie, et laissent à satisfaire à la justice divine dans
les flammes expiatrices ; ces chrétiens sont-ils des disciples de Jésus-Christ ? Suivent-ils la voie qu'ont suivie les âmes du purgatoire
? Celles-ci, touchées de l'offense faite à Dieu par leurs fautes, se
sont converties à lui de tout leur cœur, et ont évité le péché et toute attache au péché avec le plus grand soin ; et, si elles ne sont pas entrées immédiatement après la mort dans le ciel, c'est qu'elles n'avaient pas encore entièrement satisfait à la justice divine, ou qu'enfin , malgré leur vigilance continuelle, elles ont offensé le Très-Haut, mais plutôt par fragilité que par malice. En un mot, c'a été sur la terre de saintes âmes, occupées toute leur vie, ou du moins depuis leur conversion, à plaire en tout à leur Créateur, travaillant à imiter leur Sauveur. C'étaient des âmes fidèles,
suivant la voie de la justice et de la sainteté, auxquelles on n'a pu
reprocher que ce qu'il est bien difficile à l'homme d'éviter ; exemptes
de tout ce qui fait les grands vices, il ne leur a manqué que peu de ce
qui fait les grandes vertus. Leurs péchés ont été des péchés de faiblesse plus que de volonté ; ou, si ce furent des péchés griefs, ils ne sont point descendus dans le tombeau avec le pécheur ; ils ont été détestés, ils ont été pleures, ils ont été lavés dans le sang de Jésus-Christ. Par conséquent, dans le purgatoire, ce sont des âmes qui n'ont plus de péchés, sur lesquelles il ne demeure que la trace, que l'ombre du péché. Ces pénitents du purgatoire,ce sont des justes qui se sont endormis du sommeil de paix ; ce sont des justes dont la grâce et la charité ont formé les derniers soupirs ; ce sont des âmes que Dieu aimait et dont il était aimé, lorsqu'encore sur la terre, elles faisaient de grands efforts pour obtenir le pardon de leurs fautes, et pour ne plus l'offenser.
Maintenant, chrétien lâche, vous, qui vous flattez d'aller en purgatoire, si nous tracions votre portrait, nous fournirait-il quelque trait de ressemblance avec celui de ces saintes âmes ? Vous voulez vous dispenser de faire le moindre
effort pour parvenir à ce degré de justice et de sainteté, et cependant
jouir de leur sort qui, quoiqu'extrèmement douloureux, doit toutefois
avoir pour terme le ciel et ses délices ! Sur quoi donc fondez-vous votre espoir ? vous ne pouvez, dites-vous, éviter le purgatoire, parce
que vous ne voulez pas être un saint ? Mais n'est-ce pas pour devenir
un saint, n'est-ce pas pour tendre à la sainteté que vous existez ?
N'est-ce pas pour connaître, aimer et servir Dieu, et parvenir au ciel
que vous avez été créé ? Jésus-Christ ne vous dit-il pas, à vous comme à
tous ses disciples
: Soyez parfaits, de même que votre Père céleste est parfait ? Et vous
osez proclamer, sans trembler pour votre salut, que vous ne voulez pas
être un saint ? Et vous vous flattez en même temps que vous irez en purgatoire ? Illusion, illusion, lâche chrétien ! le purgatoire n'est point pour vous ; ce séjour des âmes chéries de Dieu, des âmes pénitentes,
ne sera jamais votre séjour ; mais l'enfer, oui l'enfer, s'ouvrira seul
pour les contempteurs de la sainteté ; pour ceux qui méprisent la
perfection recommandée par J.C. à ses disciples ; pour ceux qui abusent des grâces
et de la miséricorde d'un Dieu infiniment bon ; pour ceux enfin qui
bravent sa justice et qui négligent, pour ainsi dire de propos délibéré,
de l'apaiser pendant le cours de la vie, Examinez si telle n'est pas votre conduite, vous qui vous vantez niaisement de vouloir vous contenter du purgatoire. Si
vous êtes prudent, si vous voulez assurer votre salut, ne bornez pas
ainsi vos vues ; rappelez-vous la fin pour laquelle vous avez été créé ;
travaillez à parvenir au ciel, trop heureux si votre lâcheté et votre
tiédeur vous donnent entrée dans le lieu d'expiation. Enfin, méditez attentivement ces paroles des Livres
saints
: Je vous ai appelés pendant la vie, et vous n'avez pas voulu venir
; je rirai et je me moquerai aussi de vous à votre mort. (Prov.)
Répondez dès maintenant à la voix de Dieu qui vous appelle, et imitez
les âmes qui n'ont mérité d'aller en purgatoire que par une vigilance soutenue et des efforts continuels.
CONSIDERATION.
Si
la mort me frappait aujourd'hui, dans l'état de tiédeur où peut-être je
languis depuis si longtemps, quel serait mon sort ?... Pourrais-je me
flatter d'être admis en purgatoire ?... 0 mon âme ! médite, tremble et change une bonne fois de vie, puisque tu sais que le purgatoire même s'ouvre difficilement pour les chrétiens tièdes et lâches.
PRIÈRE.
0 Dieu bon et magnifique en sainteté !
mon cœur est l'ouvrage de vos mains ; il est le prix
de votre sang : les vœux et les soupirs qu'il vous adresse en ce moment
au pied de votre croix sont l'effet de votre grâce ;
qu'est-ce qui l'empêche, ô mon Sauveur ! qu'il ne soit rempli de votre saint amour ?
Je vous l'offre et vous le consacre dès cet instant ;
préparez-le vous-même pour en faire une hostie digne d'être consumée à votre gloire par le feu de la charité.
Otez-en tout ce qui vous déplaît : lavez-le des taches du péché : purifiez-le de toute affection terrestre : rendez-le saint et
agréable à vos yeux, afin qu'il ne vive plus pour lui-même, mais pour
vous et de vous qui régnez dans la gloire de votre Père, à jamais.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgence de cent jours lorsqu'on récite, avec un cœur contrit, les
oraisons jaculatoires suivantes, en l'honneur du saint Sacrement.
Je vous adore dans tous les instants, ô pain vivant du ciel, sacrement admirable !
Bénissez mon âme, ô Jésus ! l'unique objet de l'amour de Marie !
A vous seul je donne mon cœur, divin Jésus, mon Sauveur !
Que le très-saint et très-divin Sacrement soit connu, adoré et remercié par tous les hommes et dans tous les moments ! »
(Rescrits du 21 Janvier 1815 et du 13 Août 1828.)
27ème jour
La pensée du purgatoire nous prouve la folie de ceux qui ne travaillent pas à l'éviter, en expiant leurs péchés en ce monde.
Quel
est celui qui pourrait sans frémir se voir exposé à la torture, aux
chevalets, aux ongles de fers, aux grils ardents, aux huiles bouillantes
et aux autres supplices inventés par des tyrans persécuteurs, par le génie féroce des peuples barbares, ou par les suggestions infernales des ennemis
de la vérité, et de la vertu ? L'horreur de ces tourments fait trembler
les hommes et les porte à supplier Dieu de les en préserver : c'est la
pensée de saint Augustin. Mais parce que l'apôtre saint Paul annonce que
celui
dont l'ouvrage sera brûlé ne laissera pas d'être sauvé, quoiqu'en passant par le feu, l'on
s'inquiète peu d'y passer, d'y rester même un temps proportionné au peu
de cas qu'on en fait quià dicitur, salvus erit
; contemnitur ille ignis : ô stupide insouciance ! ô aveuglement dont
les suites sont si déplorables ! Car enfin ce feu sera incomparablement
plus insupportable que tout ce qu'on peut souffrir en ce monde.
«
Eh quoi ! s'écrie saint Bonaventure, vous ne sauriez maintenant endurer
patiemment les moindres atteintes de la douleur ; que ferez-vous donc,
quels seront vos regrets, vos lamentations, quand vous vous verrez
livrés à cet effroyable incendie, totalement absorbés dans cet abîme de
douleurs. »
Ces
réflexions toutes simples de saint Augustin et de saint Bonaventure
conviennent encore aujourd'hui à un nombre presqu'innombrable de
Fidèles, vivant, il est vrai, dans la crainte de Dieu, mais dans une crainte trop bornée à quelques égards. Ils ont peur de l'enfer, on le voit ; quant au purgatoire, il ne paraît pas qu'ils en aient la moindre appréhension. Pourvu que je sois sauvé , dit-on, je ne m'inquiète pas du traitement
fait à mon âme au moment de la séparation de son corps. Pesons bien
tous ces termes ; ils méritent attention. Quoi ! vous ne vous inquiétez
pas si Dieu, par un jugement rigoureux, vous exclut de sa vue béatifique
pour de longues années, pour des siècles
peut-être ! Ah ! c'est que vous ne comprenez pas encore ce qu'est un
Dieu, vous n'avez pas la plus petite idée de l'empressement avec lequel
l'âme, dégagée de ses liens terrestres, se portera vers son Créateur,
son centre unique, sa dernière fin, son vrai tout ; vous ne songez pas
qu'un seul instant de la pure jouissance du Souverain-Être,
au séjour de sa gloire, vaut mieux que mille ans dans un paradis
terrestre. Avez-vous jamais éprouvé une seule étincelle de la divine
charité dont la flamme dévore l'âme du juste en l'autre vie où elle est consommée ? qu'auraient pensé les Saints du langage de ces chrétiens si insouciants sur le délai de la vision intuitive d'un Dieu en trois personnes ? Ignorez-vous donc que, comme dans l'enfer la peine du dam est incomparablement plus intolérable que celle du sens, ainsi dans le purgatoire, la
privation de Dieu, quoique passagère, est sans contredit plus cruelle,
plus douloureuse que toutes les autres expiations de ce lieu de
souffrance. La peine d'une âme faite pour posséder Dieu, et qui s'en
voit repoussée, éloignée jusqu'à un terme qu'elle ignore, et qu'il n'est
plus en son pouvoir de rapprocher, ne souffre aucun parallèle, parce
que rien dans la nature ne ressemble au bonheur infini qu'elle voit,
qu'elle touche et qui lui échappe.
Vous ne vous inquiétez pas du traitement
fait à votre âme au moment de la séparation de son corps ! Y
pensez-vous ? Si vous n'avez pas assez de foi pour pressentir l'effet du délai plus ou moins long de la félicité suprême, peut-être serez-vous plus affecté des peines sensibles qu'il faut subir dans ces prisons de la justice divine. En conséquence, je vous le demande : voudriez-vous, pour l'empire de l'univers, souffrir seulement pendant un jour, le feu qui dévore les réprouvés, ce feu allumé par la colère du Dieu des vengeances contre ses ennemis : ce feu dans lequel sont rassemblés, réunis, concentrés tous les maux, toutes les espèces de tortures ? Or le feu du purgatoire est le même
ou de même nature que celui de l'enfer : comment ne pas trembler à la
seule pensée d'un si horrible tourment ? Mais admirez la bonté de Dieu ;
il connaît votre insouciance, votre peu d'inquiétude sur le traitement
qui sera fait à votre âme ; il daigne en quelque sorte s'en inquiéter
lui-même pour vous. Il sait combien il vous importe de prévenir les
jugements de sa justice. Ce n'est qu'à regret que sa miséricorde infinie
consent à porter au juste des coups
si terribles. Aussi réfléchissez un instant : sans cesse ici-bas sa
tendresse vous sollicite, vous presse d'épargner à son cœur plus que
paternel la douleur de vous punir ; et vous l'y forcez par votre
indifférence pour son amour, par votre insensibité sur vos propres
intérêts. En vain est-il plus jaloux que vous-même de hâter votre
bonheur ; en vain sa miséricorde vous fournit-elle cent moyens
d'acquitter promptement vos dettes sous son règne si doux, si favorable ;
en vain sa grâce toujours prévenante offre-t-elle à votre discrétion
l'immense trésor des mérites du Rédempteur ; en vain sa sainteté incompatible avec les moindres taches de l'âme vous engage-t-elle par
les avertissements de l'Esprit sanctificateur à vous purifier de tout
ce qui peut ternir l'éclat de votre innocence baptismale, à faire
pénitence de vos péchés ; en vain son incompréhensible bonté
attache-t-elle sa gloire à vous couronner au plus tôt dans les cieux :
cruel envers vous-même, vous vous refusez aux empressements d'un Dieu,
et vous l'obligez, pour ainsi dire, de comprimer ou de retarder les
effusions de son amour. Ah ! la mort vous apprendra combien dans l'autre
vie il en coûte d'avoir si mal répondu aux avances, aux promesses de
l'amour le plus
généreux, d'avoir négligé de satisfaire en ce monde à la justice divine
; satisfaction qui vous est si aisée, si courte ; puisqu'une larme,
qu'une sincère pénitence nous fait verser, peut effacer tous nos péchés,
tandis que la pénitence de l'autre vie est longue et pénible ; en un
mot, elle est celle des damnés. Laquelle des deux préférez-vous embrasser ? Se décider pour la seconde, pour l'horrible pénitence que la justice divine exige dans le purgatoire, n'est-ce pas une véritable folie ?
RÉSOLUTION.
Satisfaites dès-à-présent à la justice divine plutôt que d'attendre à le faire
dans ce douloureux séjour d'expiation. Dites avec saint Augustin : Mon
Dieu, brûlez, coupez, tranchez, purifiez-moi en cette vie, afin que vous
me pardonniez en
l'autre, hic ure, hic seca, modo in œternùm parcas. Payez ici-bas par le moyen si facile des bonnes œuvres les dettes qui vous coûteront tant à acquitter dans le purgatoire.
PRIERE
Les cieux mêmes ne sont pas purs en votre présence, ô Dieu de toute sainteté ! rien de souillé ne peut y entrer.
Accordez-moi
donc la grâce, Seigneur, de travailler à purifier mon âme par la
pénitence, la soumission, la résignation dans les peines de la vie, par
la pratique des bonnes œuvres : que j'évite avec le plus grand soin les moindres fautes qui pourraient me retenir dans le séjour des souffrances, afin que le moment de jouir éternellement de la vue de mon Dieu ne soit pas retardé.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. — 1° Indulgence de dix ans et dix quarantaines chaque fois que l'on visite le saint Sacrement exposé dans une église, pendant les prières de quarante heures, avec le cœur contrit et la ferme résolution de se confesser, pourvu que l'on y prie pendant quelque temps selon les intentions de l'Église.
2° Indulgence plénière pour ceux qui visiteront de même le saint
Sacrement, exposé pendant les quarante heures, après s'être confessés
et avoir communié, et y prieront selon les intentions de l'Église.
Les mêmes indulgences sont accordées pour la visite du saint Sacrement renfermé dans le tombeau les Jeudi et Vendredi-Saints.
(Brefs du 25 Novembre 1592 et du 10 Mai 1606. — Rescrits du 7 Mars 1815 et du 12 Mai 1817.)
28ème jour
Nous pouvons éviter le purgatoire en endurant en esprit de pénitence les afflictions que Dieu nous envoie.
La Religion m'apprend que si j'ai encore à ma mort des dettes à acquitter envers la justice divine, je les acquitterai dans le purgatoire, prison
passagère, il est vrai, mais d'où l'on ne sort qu'après avoir satisfait
jusqu'à la dernière obole ; et où, en attendant une satisfaction
complète, réglée par la justice de Dieu, on endure les plus grandes
souffrances.
Saint Césaire d'Arles dit que la moindre peine qu'on y souffre est plus grande que la plus terrible qu'on puisse même imaginer : quàm quidquid potest in hoc sœcudo pœnarum cogitari.
Il est rare qu'après la mort on ne descende dans ce lieu d'expiation.
Il y a néanmoins des moyens de n'y point aller, ou du moins d'y demeurer peu de temps.
Parmi ces moyens je dois mettre les afflictions.
La
religion m'apprend encore que, supportées avec patience et en esprit de
pénitence, elles peuvent servir à acquitter dès cette vie toutes mes
dettes.
Dieu ne tire pas une double vengeance du même péché. Il m'envoie des afflictions dans le dessein
que je les accepte avec humilité et avec résignation comme une punition
de mes iniquités ; que si je me conforme à ce dessein de miséricorde,
après cette vie il exigera de moi beaucoup
moins. Otez la rouille de l'argent, dit le sage
(Prov. 25.), et on en fera un vase très-pur. C'est ainsi qu'il faut que
mon âme soit purifiée de ses taches, avant de paraître au festin
éternel du Roi des cieux. Si elle l'est aujourd'hui par le feu de la tribulation, elle n'aura pas besoin des flammes du purgatoire.
De deux maux il faut toujours choisir le moindre, dit l'auteur de l'imitation de J.C ; si vous dites que vous ne pouvez pas tout souffrir, comment, ajoute-t-il, pourrez-vous supporter les peines du purgatoire ? Il est vrai que je souffre depuis bien des années ; mais ces années, si je sais en profiter, valent peut-être pour moi des siècles que je passerais à souffrir dans l'autre vie. Car, à présent Dieu use toujours de clémence, il pardonne aisément ; mais le jour
viendra où il faudra satisfaire en toute rigueur ; d'autant plus qu'il
ne tenait qu'à moi, lorsque j'étais sur la terre, d'acquitter beaucoup
avec peu de travail. Daignez donc, Seigneur, dirai-je souvent avec saint
Augustin, daignez effacer par tous les moyens que vous jugerez
convenables tout ce qui resterait encore de souillures à mon âme, afin
qu'après la mort, il ne lui reste plus rien à expier : Deleantur hic
peccata mea ne emundatorio illo iyne egeant.
Si je suis rempli de l'esprit du christianisme, mon âme, semblable à l'épouse sacrée, doit être dans une sainte impatience de voir le bien-aimé. Or, pour savoir si j'ai lieu d'espérer que je le verrai aussitôt, ou du moins bientôt après que j'aurai rendu le dernier
soupir, je n'ai qu'à interroger mes afflictions. Elles me diront que,
servant à me purifier toujours davantage de mes péchés , elles
contribuent à me procurer le bonheur de le voir après la mort, beaucoup plus tôt que je ne l'aurais vu, si je passais aujourd'hui ma vie dans le calme et la tranquillité.
Dans
quelle affliction n'est pas en cette vie une âme à qui l'on diffère la
jouissance d'un bien qu'elle regarde comme sa félicité ! Qu'est-ce
cependant que ce bien où tendraient ses avides désirs ! Fût-il question
d'un trône, c'est au fond un néant. Mais je dois juger de là quelle sera
la douleur aiguë de mon âme dans le purgatoire, si j'ai le malheur d'y être détenu, quand elle se verra privée, pour un temps, de la jouissance du seul bien qui soit désirable, et qui mérite le nom
de bien, de la possession de vous-même, ô mon Dieu ! souveraine
félicité, pour laquelle je suis créé. Un seul instant de délai paraîtra
un siècle. Cette seule peine sera plus dure mille fois que toutes les
autres.
Vos Saints, lorsqu'ils étaient encore sur la terre, auraient acheté par tous les supplices le bonheur de jouir, pour quelques moments, de votre présence. O mon Sauveur ! plutôt que de permettre qu'après la mort le bonheur de vous voir me soit différé, envoyez-moi aujourd'hui toutes les souffrances que je suis capable d'endurer ; je
les accepte d'avance avec plaisir et avec reconnaissance ; mais je vous
demande la grâce de les supporter avec cet esprit de soumission et de
pénitence qui les rend méritoires à vos yeux.
Si j'avais de Dieu, de ses grandeurs, de ses perfections une juste idée, si je comprenais bien ce que c'est que le péché, le caractère
de révolte et d'ingratitude qu'il porte avec lui, loin de me plaindre
de ce que je souffre, je trouverais que je souffre trop peu pour
réparer, par la souffrance, autant qu'il est en moi, les outrages que
j'ai faits à Dieu ; pour lui rendre, par la souffrance, autant de
gloire, s'il se pouvait, que je lui en ai enlevé par le péché
; et je dirais avec St. Bernard : « Toutes les afflictions sont faciles
à supporter, quand je pense à mes péchés passés qui m'ont été remis.
Oui, ces péchés m'avaient mérité l'enfer : la bonté divine a daigné me
les remettre par les mérites infinis du sang
de l'Homme-Dieu répandu pour moi : mais je dois payer les peines dues à
ces péchés; la justice suprême l'exige , et, si je meurs sans les avoir
payées , le purgatoire sera ma demeure aussi longtemps que je n'aurai pas entièrement satisfait , car rien de souillé n'entrera dans la céleste Jérusalem. Or
les souffrances, les plus petites souffrances, sont pour moi un moyen
certain d'éviter ce terrible séjour dans le lieu d'expiation; ainsi elles peuvent me donner de quoi payer en peu de temps jusqu'à la dernière obole. Ne perdons donc point le fruit de ces précieuses souffrances, et pour ne pas le perdre, pensons souvent au purgatoire qu'elles
nous feront éviter, en nous en faisant faire un sur cette terre, mille
fois plus doux que celui qui nous était réservé dans l'autre vie. Disons
donc avec le Sage : Les maux que Dieu nous envoie sont moins des traits de sa colère que de son amour. » (Sap. 8.) Et reconnaissons la vérité des paroles de saint Jacques : « Mes frères, regardez comme le sujet d'une joie parfaite les diverses afflictions qui vous arrivent. »
RÉSOLUTION.
Prenons la résolution de nous occuper de l'idée du purgatoire dans
nos afflictions, nos maladies, etc., afin qu'elle nous les fasse
supporter chrétiennement et que nous amassions un trésor de mérites pour
payer en ce monde toutes les dettes dont notre âme est accablée.
PRIÈRE.
O Dieu miséricordieux ! accordez-moi la grâce de profiter de toutes les afflictions de cette vie pour faire mon purgatoire en ce monde, sachant quel est celui à qui j'ai cru, et tenant cette espérance au fond de mon cœur, que le moment, si court et si léger, des afflictions que nous souffrons en cette vie produira dans nous le poids éternel d'une gloire souveraine et incomparable (St. Paul).
Faites, ô mon Dieu ! que je n'oublie pas non plus cette maxime de vos saintes Ecritures : « Le Seigneur corrige celui qu'il aime ; et, en le corrigeant, il a pour lui une vraie tendresse de père ; il le regarde comme l'objet n de ses plus chères délices (Prov. 3). »
Par J.C. N.S. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à perpétuité aux Fidèles qui réciteront avec un
cœur contrit, sept Ave Maria, en ajoutant, après chacun d'eux, la
strophe du Stabat .- Sainte Mère, faites que les plaies de mon Sauveur soient gravées dans mon cœur.
1° Indulgence de trois cents jours une fois par jour.
2° Indulgence plénière, une fois par mois, pour tous ceux qui feront tous les jours ce pieux exercice, le jour du mois, à leur choix, où, s'êtant confessés et avant communié, ils prieront selon les intentions de l'Église. (Bref du 1er Décembre 1815.)
29ème jour
Le Purgatoire considéré comme motif de patience dans les maladies.
Le premier fruit, que les malades doivent tirer de la pensée du purgatoire est la haine et la détestation du péché.
Car,
si l'on peut juger de l'horreur que nous devons avoir de la plus petite
faute, par la grandeur de la peine que Dieu nous impose pour la punir,
qui ne sait que les peines du purgatoire sont
en cela semblables à celles de l'enfer ; qu'elles surpassent, non
seulement tout ce que nous pouvons souffrir en cette vie ; mais encore
tout ce que nous pouvons penser ? Rappelons-nous tout ce que nous avons
médité sur ce sujet les premiers jours de ce mois, pendant l'octave des morts. Mais surtout pensons à la privation de Dieu : c'est sans doute le comble de leurs maux, tant à cause de l'amour que ces âmes lui
portent, que parce que la possession de Dieu doit être leur béatitude ;
c'est la où tendent leurs plus ardents souhaits, et néanmoins elles
s'en voient éloignées
par leur faute, avec la perte de tant de degrés de gloire qu'elles
pouvaient acquérir si facilement, et dont elles se sont rendues indignes
pour de si basses et si légères occasions. 0 péché ! que tu es un cruel
poison et une funeste source de maux ! ô sainteté divine ! que vous
haïssez l'iniquité, puisque vous punissez si rigoureusement les moindres
fautes dans vos amis !
Le second fruit, que les malades doivent tirer de la pensée du purgatoire, est la patience dans leurs peines, et le désir de faire leur purgatoire en ce monde plutôt qu'en l'autre.
C'est un acte de prudence d'écouter les gémissements des fidèles trépassés, et d'apprendre d'eux à ne point tomber en de semblables tourments. Comme ils ont plus de charité que le mauvais riche, ils enverraient volontiers des messagers
aux malades pour les avertir charitablement, et pour les exciter à
souffrir les incommodités de leur maladie avec tant de résignation et de
vertu, qu'il ne leur reste rien à payer en l'autre monde. Un jour de
fièvre, une tristesse d'une heure, une douleur, un ennui passager qu'ils
endureront volontiers pour l'amour de Dieu, abrégera leur séjour
dans le purgatoire, parce que le temps de l'autre vie
est un temps de justice, où Dieu fait payer en rigueur tout ce qu'on
lui doit, au lieu que cette vie est un temps de grâce et de miséricorde,
où il se contente de peu pour le payement d'une grande dette ; en sorte qu'on peut dire qu'il a mis le purgatoire de
sa douceur et de son amour dans la maladie, mais qu'il réserve celui de
sa sévérité après la mort ; et, ce qui est très-important, les peines
qu'il fait souffrir après la mort sont pures peines sans mérite, et sans
aucun accroissement de grâce, tandis que, dans la maladie, un acte de
patience pratiqué comme il faut, n'est pas seulement un payement ou un
acquit, mais encore un profit et une acquisition qui nous apporte un
trésor inestimable de grâce et de gloire. C'est pourquoi saint Augustin
avait raison de faire cette prière, que le malade doit souvent répéter : « Seigneur, purifiez-moi en cette vie, et me rendez tel que je ne sois point obligé de passer par le feu
d'expiation, que je désire éviter, non tant pour m'exempter de la
peine, que pour être plus tôt uni à mon souverain bien et à ma dernière
fin. »
Le troisième fruit, que les malades doivent tirer de la pensée du purgatoire, est la charité qui les porte à offrir à Dieu leurs souffrances, pour délivrer quelqu'une de ces âmes saintes
qui sont détenues dans les flammes. On ne peut douter que cette œuvre
de miséricorde spirituelle ne soit fort agréable au Fils de Dieu. Le cardinal
de Vitry rapporte, dans la vie de sainte Christine, que cette admirable
fille étant morte dans la fleur de son âge, se releva du cercueil, lorsqu'on disait la messe sur son corps, et qu'elle tint ce discours : L'Ange du Seigneur m'a menée dans le purgatoire, où
j'ai vu de si horribles tourments que je croyais certainement que ce
fût l'enfer. De là, il m'a conduite au trône de Jésus-Christ qui m'a
donné le choix de demeurer au ciel, ou de retourner au monde pour soulager les âmes du purgatoire
par mes prières et par mes souffrances ; ajoutant que, si je faisais ce
dernier choix, je lui ferais plaisir. On sait les tourments incroyables
qu'elle endura depuis pour plaire à son époux céleste, qui mérite bien
sans doute que nous suivions son inclination, en renonçant à nos propres
intérêts pour le contenter. C'est aussi
ce qu'ont fait plusieurs Saints, qui ont pris sur eux de satisfaire pour
les membres de réalise souffrante : il serait facile de citer des traits des plus authentiques et des plus merveilleux. Mais nous aimons mieux rappeler au souvenir des lecteurs
une contemporaine, dont plusieurs d'entre eux connaissent sans doute
les méditations sur la passion de J.C, Anne-Catherine Emmerich,
religieuse Augustine, en Westphalie morte en 1824. L'ouvrage intitulé
: La douloureuse passion de N.S. J.C., d'après les méditations de cette
religieuse, contient l'abrégé de sa vie : on y lit page XX : " une
grande partie de ses maladies et de ses douleurs (elle fut 20 ans
continuellement souffante) provenait de ce qu'elle prenait sur elle les
souffrances des autres. Elle avait donc à supporter des maladies qui lui étaient propres, des maux qu'elle prenait à autrui, certaines douleurs pour expier les fautes des autres, et très-fréquemment des souffrances de satisfactions fort diverses pour les âmes du purgatoire. »
RÉSOLUTION.
Lorsque la maladie nous accablera, ou lorsque nous visiterons et consolerons des malades, appliquons-nous à trouver, dans la pensée du purgatoire, un puissant motif de patience. En outre sans cesse mille autres occasions se présentent de pratiquer la vertu de patience ; recourons donc sans cesse au même moyen, à la pensée du purgatoire, pour rendre méritoires toutes ces pénibles circonstances de notre vie.
Pères des miséricordes, qui avez autrefois retiré Isaac du bûcher, et votre serviteur Loth de l'embrasement de Sodome, ayez, s'il vous plait, mon Dieu, la même bonté pour ces âmes qui sont privées de votre gloire, et qui attendent le temps où il vous plaira de les en faire jouir.
Ne différez pas plus longtemps le bonheur après lequel elles soupirent.
Ne regardez pas ce qu'elles méritent, mais ce que votre très-cher Fils a souffert pour les rendre dignes du paradis.
Appliquez-leur le mérite de son précieux sang ;
et, si votre justice exige encore d'elles quelque satisfaction, recevez par votre souveraine clémence le désir que j'ai d'y satisfaire, et vengez sur moi les offenses qu'elles ont commises contre vous.
Que si mon indignité empêchait l'effet de ma demande, mettez mon âme dans un état qui vous soit agréable, afin de hâter le bonheur de ces saints et aimables prisonniers, dont le seul désir est de vous aimer, de vous voir, de vous louer et de vous posséder dans l'éternité.
Par N.S. J.C. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à prépétuité à tous les Fidèles qui réciteront,
avec un cœur contrit, les Litanies de la bonne
mort. [Voyez à la fin de l'ouvrage.]
1° Indulgence de cent jours, une fois par jour,
2° Indulgence plénière, une fois par mois, pour tous les Fidèles qui les réciteront tous les jours pendant le mois, le jour
à leur choix, où s'étant confessés et ayant communié, ils visiteront
une église ou chapellle publique, et y prieront selon les intentions de
l'Église.
(Rescrits du 12 Mai 1802 et du 11 Août 1824.)
30ème jour
CONCLUSION.
« Vous avez sauvé une âme, dit saint Augustin, vous avez prédestiné la vôtre ; animan salvasti, animan tuan prœdestinasti. Et le Saint-Esprit
nous fait cette promesse dans Isaïe
: Si vous assistez les pauvres avec effusion de cœur, et si vous remplissez de consolation l'âme affligée, le Seigneur vous tiendra toujours en repos, il remplira votre âme de ses splendeurs. Aussi saint Paul plaçait tout l'espoir de son salut éternel en ce qu'il procurait le salut des antres
; ce qui lui faisait écrire à ses disciples de ThessaIonique
: Quelle est notre espérance et la couronne de notre gloire
? N'est-ce pas vous qui l'êtes devant le Seigneur J.C.
Or, ne pouvons-nous pas appliquer ces divers textes au zèle pour la délivrance des âmes du purgatoire ? Quand par nos efforts, par nos prières, par nos aumônes, nous aurons hâté l'entrée dans le ciel de quelqu'une de ces âmes chéries de Dieu, ne sera-ce pas pour nous un motif puissant d'espérance ? N'est-ce pas à nous que s'adressent ces paroles du Sauveur : Heureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde ? Cette dévotion est le fruit de cette sublime charité dont parle saint Paul : Sur toutes choses revêtes-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. Quand j'aurais une foi capable de transporter les montagnes, quand je parlerais le langage des singes, si je n'ai pas la charité, je
n'ai rien — Pesez bien ces dernières paroles
: Si je n'ai pas la charité, je n'ai rien. Or, si nous négligeons, si
nous délaissons les âmes du purgatoire, avons-nous la charité ? Si, après avoir lu cet ouvrage, qui, malgré ses nombreux défauts, nous donne une idée des souffrances de ces âmes, des motifs et des moyens
de les soulager ; si, après avoir acquis ces lumières, dont la
privation nous rendait peut-être excusables, nous continuons à ne rien
faire pour nos frères souffrants, pouvons-nous nous rendre le témoignage
que nous avons la charité ? Pouvons-nous, la main sur la conscience,
nous flatter que nous aimons Dieu de toutes nos forces, que nous aimons
notre prochain comme nous-mêmes ? Où donc serait la preuve de cet amour,
si l'œuvre la plus agréable à Dieu et la plus utile à notre prochain
nous trouve insensibles ; si, pouvant si aisément procurer la gloire de
Dieu et le plus grand soulagement à nos
frères, nous n'en faisons rien ?... Mais ne nous appesantissons pas sur
cette pensée ; c'est sans doute inutile, puisque tous les lecteurs de
cet ouvrage n'ignorent plus les immenses avantages attachés à la
dévotion pour les âmes du purgatoire ; l'intérêt de la gloire de Dieu, l'intérêt de ces saintes âmes, et
notre propre intérêt ; la charité, la justice, la reconnaissance ; tout
se réunit pour faire aimer et pratiquer cette dévotion. Le peu
de développement donné à ce sujet, si intéressant et si vaste, suffit
pour inspirer à tout fidèle la résolution de s'occuper fréquemment de la pensée du purgatoire, dans le double but d'y porter du soulagement et de s'instruire à la vue de ces tourments infligés par un Dieu juste et saint, pour la satisfaction des moindres péchés. La prière pour les morts et la méditation des peines du purgatoire doivent
nous faire prendre la ferme résolution de profiter de ce temps de
miséricorde, de ces jours de propitiation que nous accorde la bonté
divine, pour expier les peines temporelles dues à nos péchés : expiation
si facile en cette vie ! tandis qu'en l'autre la justice seule régne,
et exige une satisfaction entière avec la dernière rigueur ; le coupable ne pouvant plus ni mériter, ni rien offrir qui puisse adoucir son malheureux sort.
Nous seuls, nous pouvons venir à son secours ; et, n'oublions pas qu'en satisfaisant pour ces âmes souffrantes, nous n'y perdons rien pour nous-mêmes, puisque par là nous nous préparons des protecteurs, des amis
près de Dieu, dont il nous obtiendront les secours qui nous sont
nécessaires dans cette terre d'exil et de combats. Offrons donc tous les
jours, pour ces frères de l'église souffrante, le sang du divin Rédempteur, qui est répandu encore tous les jours sur nos autels pour eux. Recourons sans cesse au moyen si efficace des indulgences que l'Eglise permet d'appliquer à ces saintes urnes : prions et faisons des bonnes
œuvres avec l'intention de satisfaire pour ces membres souffrants de
Jésus-Christ : oh ! de quelle reconnaissance ne seront-ils pas pénétrés
après leur délivrance ? Notre charité pour eux ne serat-elle pas
récompensée au centuple ?
Tous
les motifs présentés dans cet ouvrage ne suffisent-ils pas pour faire
embrasser à tout chrétien cette dévotion ? hé bien ! en voici un dernier
à la portée de tout le monde, et qui doit lever tout doute et ne laisser aucun prétexte à l'esprit le plus opiniâtre, au cœur le plus
insensible. La prière la plus digne de notre vénération, la plus
agréable à Dieu, est sans doute l'Oraison Dominicale, puisque c'est
Jésus-Christ lui-même qui l'a composée et l'a apprise à ses disciples.
Or, voici les trois premières demandes de cette prière du Sauveur
: Que votre nom soit sanctifié, — que votre règne arrive, — que votre
volonté soit faite sur la terre comme au ciel. N'entrons-nous pas dans
l'esprit de ces trois demandes en priant pour les âmes du purgatoire ?En travaillant à leur obtenir quelque soulagement, à hâter te moment où elles pourront glorifier Dieu dans le ciel,
ne travaillons-nous pas à faire sanctifier son nom, à avancer l'époque
de l'établissement de son règne dans ces àriles comblées de ses grâces,
et à procurer l'accomplissement de la volonté divine ? Et, si ces
demandes ne sont pas une simple formule, mais nous imposent l'obligation
de faire tout ce que nous pouvons pour produire ce qu'elles expriment,
ne devons-nous pas en conclure que l'Oraison Dominicale contient un
précepte, pour ainsi dire formel, de prier pour les âmes du purgatoire ? Du moins
cette dévotion est un moyen sûr et infaillible de prouver à Dieu que
nous désirons que son nom soit sanctifié dans ces saintes âmes, en
leur procurant la gloire céleste ; que son règne arrive pour elles, et
que sa volonté divine s'accomplisse, en les faisant jouir du bonheur
pour lequel elles ont été créées, et en unissant par cette prière
l'église de la terre, l'église militante avec les deux autres églises,
souffrante et triomphante. Qu'il est bon, qu'il est doux à des frères d'être unis s'écrie le Psalmiste : union en Dieu, établissement de son règne, gloire de l'adorable Trinité : telle est la fin de la prière pour les morts ; tel est le but que nous nous proposons en la faisant ; et tel est, par conséquent, un des moyens
efficaces de prouver à Dieu que nous ne nous bornons pas à exprimer
machinalement les désirs que contiennent les trois premières demandes du Pater, mais que nous voulons travailler réellement à procurer sa gloire en hâtant, par tout ce que nous faisons pour les morts, le moment où ils jouiront du bonheur éternel.
Tàchons donc, chacun comme nous le pourrons, d'entrer dans l'esprit des trois premières demandes de l'Oraison Dominicale, en secourant les âmes du purgatoire par le saint
sacrifice de la messe, par la prière, par les indulgences, par les
bonnes œuvres : souvenons-nous qu'en travaillant pour elles, c'est pour
Jésus Christ que nous travaillons, puisqu'il nous dit : Je vous le dis en vérité, autant de fois que vous avez rendu ces devoirs à l'un des moindres de mes frères, soit sur la terre, soit dans le lieu d'expiation, c'est à moi-même que vous les avez rendus. — Et quelle sera la récompense de cette charité ? Tressaillez, âmes touchées
de compassion pour vos frères souffrants, tressaillez de joie ; car
voici la sentence que votre juge suprême prononcera : Venez, vois qui êtes bénis de mon Père, possédez le royaume qui nous a été préparé dès le commencement du monde !
Exemple.
Nous
sommes heureux de pouvoir, en finissant cet ouvrage, offrir à la
jeunesse un modèle qu'elle s'empressera sans doute de suivre : c'est
l'intéressant et pieux Hyacinthe Lecudon, mort en 1819 à l'âge de 16 ans
: sa vie a été publiée dans les Souvenirs des petits séminaires, ouvrage dont on ne saurait assez recommander la lecture aux jeunes gens.
« Le soulagement des âmes détenues dans le purgatoire avait
toujours été pour Hyacinthe une de ses plus chères dévotions ; il s'en
occupa dans sa dernière maladie, jusqu'à s'oublier entièrement lui-même
en faveur de ces pauvres âmes. Un de ses amis étant venu le voir lui demanda s'il voulait qu'on fit pour lui des prières particulières. « Non, répondit-il, je ne crains pas la mort ; mais qu'on prie pour les âmes du purgatoire. »
Un
autre jour, quelques congréganistes lui apprirent qu'on avait récité
pour lui l'office de la sainte Vierge : « Qu'on a grand tort !
s'écria-t-il. » On ferait bien mieux de prier pour les âmes du purgatoire. Je
n'y souffre pas encore ; et peut-être avant que je meure pourriez-vous
en délivrer quelqu'une. Il sera temps de penser à moi quand je serai à
leur place. »
Quelques heures avant sa mort, il entretenait encore ses amis de l'état douloureux où sont les âmes du purgatoire. En parlant des flammes
qui les tourmentent et les purifient, je mériterais bien, d'y être
précipité, disait-il, mais (en montrant avec un air de satisfaction
l'image de la sainte Vierge qui était sous ses yeux) la bonne mère... ah
! elle est si bonne qu'elle me fera sauter par-dessus. »
Inspice et fac secundùm exemplar ; regardez et faites selon ce modèle.
Indulgence applicable aux morts. —
Indulgences accordées à perpétuité à tous les Fidèles qui dans
l'intention d'honorer d'une manière particulière Jésus, Marie, Joseph,
donneront à manger à trois pauvres, avec un cœur contrit et repentant,
1° Indulgence de sept ans et sept quarantaines pour chaque fois.
2° Indulgence plénière, si le même jour, s'étant confessé et ayant communié, on prie selon les intentions de l'Église.
3° Indulgence de cent jours pour chacun des domestiques
de la personne qui fait cette œuvre de charité, pourvu qu'ils y
contribuent, soit par leurs services, soit même par leur simple
présence.
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